Il a une forme de diabolo, mais il ne distrait pas vraiment les marins. Cap Vert franchi, le Pot au noir est désormais devant les quatre premiers de la Barcelona World Race. La théorie et les expériences passées prônent de franchir en mode rapproché l’écueil de cette zone de convergence intertropicale toujours piégeuse. Il semble que c’est le choix des leaders très regroupés, Cheminées Poujoulat et Hugo Boss montrant la voie.

Le rythme reste encore soutenu, des moyennes à 16-17 nœuds dans un flux stable de Nord-Est encore vigoureux. La flotte de cette troisième édition de la Barcelona World Race envoie les chevaux. Le repos en pâtit, les soucis techniques rappellent l’exigence de vigilance. Mais dès cette nuit, la diminution de la brise (15-20 nœuds) va se faire sentir et annoncer le changement de train de vie. Devant leur étrave, le Pot au noir qu’ils vont aborder demain après-midi. Avec lui, le bazar de vents ext rêmement variables, passant de murmures trop calmes à des rafales d’une violence inouïe.

Le Pot au Noir a une forme de diabolo, plus étroit sur sa largeur entre 26° ouest et 30° ouest. C’est dans ces latitudes qu’ont progressé cet après-midi les quatre IMOCA 60, à nouveau bien regroupés, aux avant-postes. Cheminées Poujoulat, le plus à l’Est, file logiquement en tête sur la route la plus directe. Juste derrière, Hugo Boss a remis du cap sur sa route et ses longues foulées l’ont replacé à une place (2e) plus proche des réalités maritimes. Neutrogena et GAES Centros Auditivos, qui se sont quasiment frôlé la nuit dernière, restent en embuscade.

Rythme soutenu

A ce jour, le Pot au noir semble plutôt stable, voire favorable aux premiers bateaux, le vent virant secteur Est puis Sud-Est. Il semblerait peu actif, mais avec ce diable de Pot, impossible de prévoir trop à l’avance. Le passage d e l’équateur pourrait intervenir dimanche dans l’après-midi, soit bien plus vite que lors de la dernière édition.

Le rythme de la course est soutenu. Même à l’arrière. En passe de sortir de l’archipel du Cap Vert, Renault Captur reste le premier au contact du quatuor de tête, malgré des soucis de safran dans la nuit. Derrière, We are Water file bon train, toujours sur une trajectoire Ouest assumée et revient progressivement sur One Planet One Ocean & Pharmaton (6e). Dernier à franchir les îles Canaries, Spirit of Hungary a perdu un spi et découvre chaque jour en course la difficulté de se lancer sur un tour du monde sans avoir eu le temps de bien se préparer. Leur détermination en est d’autant plus méritoire.

Classement à 14h00 TU :

  1. Cheminées Poujoulat (B Stamm – J Le Cam) à 21642 milles de l’arrivée
  2. Hugo Boss (A Thomson – P Ribes) à 34,1 milles
  3. Renault Captur (J Riechers – S Audigane) à 36,1 milles
  4. Neutrogena (G Altadill – J Muñoz) à 39,4 milles
  5. GAES Centros Auditivos (A Corbella – G Marin) à 86,8 milles
  6. One Planet One Ocean & Pharmaton (A Gelabert – D Costa) à 308,6 milles
  7. We Are Water (B Garcia – W Garcia) à 370,5 milles
  8. Spirit of Hungary (N Fa – C Colman) à 551,5 milles

Ils ont dit :

Sébastien Audigane (Renault Captur) :

« Nous avons eu un petit souci cette nuit, un safran s’est relevé au changement de quart. Nous étions entrés à l’intérieur du bateau et étions en train de discuter. Quand cela arrive et que l’on navigue entre 18 à 20 nœuds, cela fait une belle frayeur ! On a perdu du temps à rouler le petit gennaker et à trouver une solution pour remettre le safran en route. On a des soucis de safran assez régulièrement, ce qui peut poser problème. Sinon, nous avons connu des petits problèmes d’électronique. Mais rien de grave. Le bateau est en bon état, on fait attention à bien l’utiliser. Depuis deux jours, nous avons bien cravaché. Nous ne lâchons rien, nous sommes constamment sur les réglages et sur la météo. On va se rapprocher d’une façon ou d’autre du Pot au noir, sans prendre de risques inconsidérés, et tenter de grappiller des milles petit à petit sur les leaders. Nous n’avons pas beaucoup dormi. Depuis deux jours, nous arrivons à faire des quarts de deux heures. Après les îles, il y aura de plus longs bords, il sera plus facile de se reposer. »

Bruno Garcia (We are Water) :

« Nous progressons à l’arrière de la flotte car nous sommes resté encalminés en Méditerranée. Nous avons ensuite choisi de partir à l’ouest, contournant les îles Canaries par le nord malgré des alizés un peu mous. Maintenant, franchir l’archipel du Cap Vert puis le Pot au noir en arrivant par l’ouest, constitue un petit avantage pour nous. Le passage du Cap Vert reste un mauvais souvenir mais également une grande expérience. Jean l’a déjà franchi et j’espère en faire de même. Ce sera déjà un petit succès. »

Guillermo Altadill(Neutrogena) par message :

« On pourrait croire que l’océan Atlantique regorge d’IMOCA ! La nuit dernière, nous avons croisé GAES à seulement 200m lors d’empannages croisés et alors que nos bateaux progressaient à 20 nœuds. J’étais en train de me faire un café et quand je suis revenu sur le pont, j’ai vu sous la lune une voile et une lumière verte. C’était une surprise. Tôt ce matin, sous le soleil, j’ai vu un au tre bateau sous un nuage de grain, c’était Cheminées Poujoulat. La course est loin d’être finie mais d’être ainsi toujours au contact avec les autres, elle est déjà très intensive et physique. »

Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) par message :

« Nous sommes rivés à la barre. Quand les manœuvres sont finies, on est occis, un se colle à la barre et l’autre va dormir deux ou trois heures. Le rythme devrait se calmer en entrant dans le Pot au noir. Sinon tout va bien : bonne ambiance, beau temps et jusque maintenant, bonne météo, donc belle régate. »

Conrad Colman (Spirit of Hungary) par message :

« La course océanique est un chemin semé d’embûches parfois. Le moral avait grimpé à mesure que nous hissions nos voiles. Nous faisions la course avec une vitesse dont nous pouvions être faire. Encore loin des autres, certes, mais nous avions le sentiment de r evenir dans le jeu. (…) Imaginez notre désarroi ! En début de soirée, dans 18 à 20 nœuds de vent, avec Nandor à la barre, nous avons entendu un Bang : le spi s’est effondré, tombant immédiatement par dessus bord. Affaler la grand voile, enfiler les vestes de survie et nous voilà partis pour récupérer les différents éléments, remontant des tonnes de matériel par dessus la ligne de vie, de la même manière que les pêcheurs ont remonté leurs filets durant des siècles. (…) Trempés, fatigués et frustrés, j’ai néanmoins senti que nous réagissions comme une équipe, comme seules les situations de crise peuvent le faire. (…) Ce genre de défaillance inattendue nous rend encore plus prudent et fait que nous serons encore plus hésitants avant de mettre le pied sur l’accélérateur. Les équipes devant nous ont connu de telles défaillances, mais à l’entraînement quand elles avaient le temps pour les résoudre et reveni r prêtes. Nous allons devoir faire de même, mais cela se comptera en milles au classement de la course. »

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