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Depuis hier matin, les conditions de navigation sont fantastiques. MAPFRE a gagné dans le sud-est en avalant les milles. C’est exactement comme sur la première étape : tous les bateaux naviguent bord à bord. On progresse à vue. Team Alvimedica juste devant, Dongfeng, Abu Dhabi et SCA derrière. La force du courant est d’environ cinq nœuds et du coup, le pont est comme un sous-marin. Il y a de l’eau partout à l’extérieur du bateau mais aussi à l’intérieur. Ces dernières 24 heures, nous avons essayé de garder le bateau en ordre le plus possible.
« Mais la vie à bord est difficile. Tout vole partout, dans toutes les directions. »

On rentre peu à peu dans notre rythme de course. On dort un peu mais ça n’est pas évident dans de telles conditions. Dans la nuit, Neti, qui dort dans la couchette au-dessus de la mienne, a atterri sur moi car dans un choc avec une vague le support de la couchette s’est brisé ! La nuit dernière, le vent était soutenu et on a fait des surfs à 30 nœuds. Il y avait 20 à 25 nœuds de sud puis est. Après, on devrait avoir des conditions moins fortes, moins humides et une mer plus calme.

L’océan indien n’épargne personne. Le vent a atteint les 28 et 24 nœuds au compteur. Toutes les 10 secondes, Team Brunel s’éclate contre les hautes vagues. L’eau submerge le pont. Les lignes de vie sont essentielles pour protéger l’équipage et empêcher quelqu’un de passer par-dessus bord. Le pont est mouillé mais pas seulement… A l’intérieur du bateau, c’est un vrai aquarium. Mais tout ça n’empêche pas l’équipage de prendre du plaisir. L’état d’esprit du bord est au top ! On a huit visages souriants … et une tête un peu verte… Celle de l’auteur de ces quelques lignes.
Qui a dit que nous n’aurions que quelques heures de conditions vraiment soutenues ? Pendant les dernières 24 heures, nous avons du garder le pied sur le frein dans le vent oscillant entre 25 et 30 nœuds ! Dans ce genre de conditions, autant dire que les sacs de nourriture sont restés intouchés… Les bols dans lesquels nous prenons nos repas ont quasiment tous volés dans le bateau. Le courant des Aiguilles atteint une vitesse de trois nœuds et crée une mer grosse.
Naviguer bord à bord avec trois autres bateaux nous donne des références sur nos performances. Mais ça ajoute aussi un peu de stress dans chacune des décisions. A bord en ce moment, il y a un manque inhabituel d’échange. Tout est trempé et les odeurs à bord du bateau sont indescriptibles. Sur la première étape, nous n’avions pas connu ce genre de situation avec le 20ème jour de mer…
L’équipage est dans son rythme : dormir, naviguer, dormir, naviguer. Je pense que mes attentes n’étaient pas bonnes pour ces premières 24 heures de course. J’étais convaincu que les choses allaient être plus dures qu’elles ne l’ont été. J’étais aussi stressé d’avoir à livrer de nouvelles photos, vidéos, textes au quotidien pour cette nouvelle étape. C’est une pression que je n’avais jamais ressentie auparavant. J’ai pas mal souffert pour trouver mon rythme à bord de nouveau. A la différence de la première étape, je savais cette fois ce qui m’attendait.
Le premier petit incident du jour a été une déchirure dans notre Grand Voile. On est à peu près certains que cela est dû au violent empannage que nous avons fait lors du parcours côtier au départ. Tom, notre voilier, a rapidement travaillé avec Peter pour effectuer la réparation nécessaire. On a affalé la voile quand l’ensemble des pièces ainsi que la colle étaient prêtes. Evidemment, affaler la voile et faire la réparation nous a pris du temps. On ne sait pas exactement combien mais ce n’est jamais idéal. Mais c’était un mal nécessaire juste avant que l’on rencontre un vent plus soutenu et une mer encore plus formée.

Le courant des Aiguilles était sur notre route et c’est le jour où on doit le traverser. C’est le courant océanique le plus fort. Il vient du nord est pour aller vers le sud ouest le long des côtes africaines. Peu de bateaux circulent dans cette zone tant elle est dangereuse. Beaucoup de navires ont été endommagés… Non, en fait je mens… Beaucoup de navires ont coulé par ici. On a eu du soleil et le vent a atteint les 20 à 25 nœuds. On revient vers des territoires connus : celui des vêtements trempés ! Ces bateaux sont vraiment humides à ces vitesses. C’est impossible de faire quoi que ce soit sans livrer un gros effort. Mais aller vite dans la bonne direction. Ca fait du bien.

Actuellement le soleil est en train de se coucher. Team SCA est sous notre vent. Nicolai barre vite, très vite. Nous pensons que dans les heures à venir, nous allons maintenant pouvoir revenir sur la tête de flotte.

La navigation vers le sud continue mais là où l’excitation et l’adrénaline sont bien présentes, l’inconfort est aussi là. On a eu une moyenne de 25 nœuds de vent mais l’état de la mer rend les choses très difficiles. Nous sommes dans le courant des Aiguilles depuis hier, le courant d’eau chaude de l’océan Indien. Ca déplace un tel volume d’eau avec une telle vitesse que nous essayons d’avancer à travers les remous, spirales, méandres, ébullitions et je ne sais quoi encore…
Pour donner une image, on a l’impression que l’on tord l’océan. A tel point que c’est vraiment difficile de voir d’où vient le courant. Ca lève une grosse mer qui rend les déplacements à bord du bateau très hasardeux. Il y a parfois des chocs assez forts.
Travailler devient difficile. Ca va me prendre quasiment une heure juste pour écrire ces quelques lignes. Manger est très compliqué.
« On n’est pas les rois de la piste, en ce moment ! » (Charles)
On n’arrive pas à aller plus vite, ni même aussi vite que les autres, depuis quelques heures. Ca a été le cas une partie de la journée hier après midi, sans qu’on arrive à comprendre pourquoi. Puis on est rentré dans le courant des Agulhas. Vent contre courant, une mer hachée. Des conditions assez déplaisantes, mais dans lesquelles on était assez à l’aise.

La nuit a été un tout petit peu compliquée. On a pris un peu d’eau dans le bateau par une trappe mal fermée, ce qui nous a fait perdre un petit mile. On essaie de le récupérer, mais on n’y arrive pas. Vivre à 23 noeuds Ca accélère, ça plante, ça penche d’un côté, puis de l’autre. La vie à 23 nœuds est stressante. Quand tu es sur le pont, tu arrives à piger à peu près ce qu’il se passe. Mais à l’intérieur, impossible d’anticiper les mouvements du bateau.

Cette nuit j’ai voulu me faire à manger. J’ai versé de la poudre de yaourt dans mon bol. C’est à ce moment précis que le bateau s’est arrêté brutalement dans une vague. J’ai du lâcher le bol et m’agripper à ce que je pouvais pour ne pas finir encastré dans la cloison d’étrave. Le bol, lui, a entamé un vol plané vers l’avant en prenant soin de saupoudrer la poudre de yaourt à peu près partout sur son passage. Bilan : 15 minutes de nettoyage dans un équilibre précaire. Un soupçon d’énervement, et le début d’une petite cure d’amaigrissement…
A bientôt

Pour résumé les dernières 24 heures en un mot : changement. La météo, l’eau, les voiles, nos organismes ont changé de la même manière et rapidement. En une seule journée de navigation, nous avons vécu ce que certains vivent lors d’un voyage qui dure une semaine (et encore… s’ils sont chanceux). Parfois, le changement peut être frustrant. Nos organismes ont tout de suite été soumis à un rythme difficile.
« Nous sommes toutes épuisées et les conditions ne nous aident pas. »
Tout demande un effort extrême : cuisiner, s’habiller, barrer, régler. L’état de la mer est aussi dur. Désormais le confort est bien loin. Nous avons changé de voiles de multiples fois pour nous assurer de tirer le meilleur de ce vent et continuer à batailler avec Team Vestas Wind qui est juste devant nous. Heureusement, tout ça devrait changer prochainement et nous devrions revenir à des conditions plus confortables dans les jours à venir.

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