Yann Guichard : plus qu’une course, un exploit
Ce lundi 10 novembre à 19 heures 18 minutes et 46 secondes, Yann Guichard a franchi la ligne d’arrivée de la 10e Route du Rhum-Destination Guadeloupe. Le skipper de Spindrift 2 a mis 8 jours 5 heures 18 minutes et 46 secondes pour boucler le parcours théorique de 3542 milles à la vitesse moyenne de 17,95 nœuds. Il a réellement parcouru 4334 milles à la vitesse moyenne de 21, 96 nœuds. Il se classe 2e, 14 heures 10 minutes et 14 secondes derrière le vainqueur Loïck Peyron (Maxi Banque Populaire VII). Le simple fait de traverser l’Atlantique en solitaire à bord du plus imposant de tous les Ultimes (40 mètres, 18 tonnes), le plus grand multicoque de course jamais construit, est un exploit que Yann mesurait avant de prendre le départ. Il a prouvé que c’était possible, tout en réalisant un vrai résultat sportif … une performance remarquable.
C’est dans un bel alizé de 15 à 18 nœuds et accompagné par une multitude d’embarcations que les coques dorées de Spindrift 2 ont coupé la ligne d’arrivée devant Gosier. Quelques minutes avant le top finish, le marin de 40 ans s’était déplacé à l’avant de son trimaran pour enlacer une de ses voiles, comme pour remercier son exigeant bateau de l’avoir emmené à bon port et surtout, sur la deuxième marche du podium.
Le vainqueur Loïck Peyron était sur l’eau, lui aussi, pour saluer son éminent dauphin.
A terre, les parapluies de la veille avaient cédé la place à une forêt d’ombrelles sous le soleil. Yann Guichard a pris son temps avant d’entrer dans la darse, pour savourer son succès aux côtés de son équipe. Puis ce fut le bain de foule devant la Place de la Victoire où le festival sonore pouvait commencer, en l’honneur du navigateur.
Aussi fort que 14 hommes…
C’est la deuxième Route du Rhum pour Yann qui s’était déjà classé 4e en 2010 à bord d’un Ultime de 70 pieds. Grand spécialiste du multicoque de sport avant d’être coureur au large, Yann Guichard, de son propre aveu, n’est pas un expert des traversées en solitaire. Pourtant, en bouclant cette Route du Rhum-Destination Guadeloupe sur un trimaran qui paraissait impossible à mener pour un seul homme, Yann Guichard, 40 ans, vient de créer un précédent dans l’Histoire de la course en solo. Hier soir, le vainqueur Loïck Peyron (qui sait de quoi il parle pour avoir battu le Trophée Jules Verne à bord du bateau, avec 14 hommes d’équipage), lui rendait hommage, soulignant l’exploit physique réalisé par son concurrent.
La course de Spindrift 2
Après un début de navigation prudent en Manche et autour de la pointe Bretagne, Yann Guichard parvient à mieux exploiter la puissance de son tri de 18 tonnes lors de la descente du golfe de Gascogne. Au cap Finisterre, il s’empare de la deuxième place, à une trentaine de milles du Maxi Solo Banque Populaire VII. A ce stade du parcours, le delta semble surmontable et l’on s’attend à un duel pour la victoire finale. Jusqu’au passage de Madère où une bulle sans vent met en difficulté tous les Ultimes, obligés de multiplier les empannages pour trouver du vent plus frais. Tous, sauf le leader Loïck Peyron qui fait alors le break.
Avant prendre le départ de Saint-Malo, Yann, régatier et compétiteur dans l’âme, ne souhaitait pas seulement traverser en mode « convoyage », mais faire partie du match avec ses adversaires. Mission accomplie, au prix de moments très éprouvants pendant ces 8 jours de traversée où la moindre manœuvre s’est révélée une prouesse.
Les réactions de Yann Guichard à son arrivée au ponton
[quote]Je ne me rends pas encore compte. Il y a eu de la souffrance, des moments vraiment difficiles mais j’ai réussi. J’y croyais à ce projet. Que je pouvais être compétitif avec le bateau. C’est clair que ça a été complexe. J’ai perdu un de mes 2 pilotes automatiques en début de course. J’ai fait la suite avec le stress de me retrouver sans pilote. J’ai pris aussi du plaisir….même dans la difficulté. Je me suis fait peur avec le bateau au large du Portugal. J’ai cru que j’y allais mais j’ai réussi à tout choquer en grand. Mais, la difficulté principale, sur ces bateaux, ce sont les manœuvres. Je ne suis jamais allé aussi loin dans la souffrance. J’ai mis 4 heures par exemple à envoyer mon gennaker, j’en avais les larmes aux yeux. Mais je suis content et j’ai été parfaitement soutenu au quotidien par mes routeurs Richard Silvani et Erwan Israël. Je suis ravi de terminer sur la 2e marche, c’est exceptionnel. Je suis fier. Car je croyais à ce projet. Je suis allé au bout, je n’ai pas dormi plus de 2 heures par jour, par tranche de 10 minutes, et aujourd’hui, je suis vraiment épuisé.[/quote]