Loïck Peyron et les 13 hommes d’équipage entament aujourd’hui leur 27è jour de mer dans la tentative de record du Trophée Jules Verne, détenu par Franck Cammas en équipage sur Groupama 3. Il aura fallu aux 14 hommes du Maxi Banque Populaire V 17 jours 23 heures 57 minutes et 18 secondes de mer depuis leur départ de Ouessant jusqu’à la latitude de l’Australie, signant jusque là la meilleure performance de tous les temps, pour entrer dans l’Océan Pacifique. Depuis 7 jours, l’océan le plus vaste du globe terrestre leur montre que la puissance de la nature est plus forte que tout.

Un iceberg sinon rien

Au contact à des vitesses de l’ordre de 30 nœuds depuis le départ de Ouessant il y a vingt-six jours, les 13 navigants du Maxi Banque Populaire et son skipper Loïck Peyron, ont subi ces dernières 72h une coupe sombre dans le tableau des performances du trimaran géant. Ainsi, la mise à distance nécessaire d’un champ de glaces négocié a contraint les marins à se débattre avec une longue zone de pétole faisant dangereusement chuter les moyennes.

Ainsi, il y a quelques heures, le retour du vent a été pris avec un sens évident de la modération à bord de Banque Populaire V, les derniers milles dans le Pacifique menaçant de traîner en longueur. En effet, l’équipage doit encore composer avec une nouvelle zone minée par les glaces imposant une trajectoire plus longue d’une centaine de milles et de près d’une journée vers la porte de l’Atlantique. Le face à face avec les icebergs pourrait bien ne pas être le seul de ce Trophée Jules Verne, tant les alertes sont nombreuses pour les hommes du trimaran aux couleurs de la Banque de la Voile.

Joint à la vacation du jour, Loïck raconte : « On est encore au milieu de beaucoup d’icebergs 27 nœuds de vent, grand voile à deux ris toute seule, deux on vient de se détourner plein sud pour éviter deux éco-radars sans les voir donc deux grosses bêbêtes de glaces et sans doute leurs bébés aux alentours. On essaye de passer à plus de 5-6 milles à une dizaine de kilomètres de l’éco en question on attend que le jour arrive pour ré-accélérer afin de sortir définitivement de cette zone mais cela ne va pas être simple. C’est assez angoissant car le moindre morceau de glace non repérable au radar peut casser une deux ou trois coques. Les garçons qui dorment le font les pieds en avant car il vaut mieux se fracasser les chevilles que la nuque en cas de choc. On avance à une 15aine de nœuds le plus doucement possible en direction de la sortie de cette zone très dangereuse. Dès que le jour va arriver, tout va s’arranger beaucoup mieux car en plus de cela nous sommes contre le vent avec une mer abominable. C’est un Pacifique qui ne l’est pas du tout. D’un point de vue météo pure, pour éviter une grosse dorsale qui est devant nous il faudrait faire du sud. La fin du bastringue c’est en ligne droite dans 1200 milles encore, les dernières glaces prévues sont à 1200 milles, le machin fait 2800 milles de large, on va faire du nord délibérément, du moins de l’est et sortir de la zone de ce qui a été repéré. Mais les mauvaises surprises c’est qu’il y en a encore plus que prévu et que ces petits machins ça bouge et ça dérive. On commence à avoir une petite idée de là où ça dérive. La nuit c’est vraiment dangereux. Voilà la punition du moment.»

Retour sur ces derniers jours

Là où l’expression « la nature reprend ses droits » prend tout son sens, le skipper Pouliguennais et ses équipiers affrontent des conditions très hostiles avec dans un premier temps un vent fort, une mer très agitée, ensuite houleuse, mais surtout agrémentées depuis 48h de la présence de nombreux morceaux d’icebergs présents à cause de la température qui ne cesse de chuter. Revient alors planer la menace des glaces : « Les glaces qui nous sont signalées sont les plus grosses, mais on ne voit pas les petites. Les grosses génèrent les petites, surtout dans les mers relativement chaudes comme c’est le cas en ce moment avec 8°. C’est vraiment ce phénomène qui est dangereux », expliquait hier Loïck.

Contraint donc d’adapter son option de route pour éviter cet obstacle, descendu à la latitude du Cap Horn, soit 56°, l’équipage a essuyé la violence d’une dépression lui tombant dessus depuis la Nouvelle-Zélande. Manœuvrant dans des vents d’une rare puissance, une mer extrêmement impressionnante et inconfortable, le team Banque Populaire s’est mis en « mode slalom », pour éviter le plus gros bloc d’une longueur de 20 km dénommé B15J, et assurer plus que jamais une veille de tous les instants. Ce champ de mines interdisant toute descente plus au Sud avant le 120° Ouest, a pénalisé en termes de performance l’équipage des hommes bleus qui n’a pu alors passer devant une dorsale. La sanction est rude mais pas irrévocable : le bateau subit une réduction de son avance sur le tableau de marche de près de moitié et le passage du Cap Horn reporté de 72 heures.

Depuis ces dernières heures et pour les prochaines encore, le jeu est donc de progresser entre les icebergs, growlers*, immergés ou émergés et de négocier au mieux cette zone parsemée de ces obstacles plus ou moins imposants.

Eloignés de toute trace de vie humaine, contraints par cette nature hostile à se battre contre les éléments et n’avoir de cesse que la préservation du bateau, après avoir délaissé pour un temps la préoccupation du chronomètre et les trois jours d’avance affichés sur le temps de référence, les 14 navigateurs ne sont animés à cette heure que par un seul objectif : trouver la porte de sortie du monde des dépressions et des glaces et parvenir jusqu’au Cap Horn. Alors, ils seront repartis dans la course.

* growlers : fragements d’icebergs.

Une avance réduite

Si l’allure du grand bateau bleu a diminué avec une progression à une vitesse moyenne de 17 nœuds contre 30 il y a 10 jours, il possède toujours de l’avance sur le temps de référence. Avec 960 milles au crédit des marins de la Banque de la Voile, le rapport au temps reste confortable :  » Cette histoire d’avance, c’est le phénomène de l’élastique dans ces records. Ce qui compte, c’est l’avantage à l’arrivée. Entre les deux, il peut se passer plein de choses « .

Depuis 48h, le Maxi Banque Populaire V a retrouvé des conditions plus soutenues, à la faveur d’une rotation au Nord Est pour 15 à 18 nœuds. Un schéma météorologique qui certes permet à l’équipage de tirer la quintessence du maxi pour le mener vers la fin du Pacifique mais pas suffisant pour reconstituer l’avance entamée ces dernières heures.

Le record en chiffres

  • Record à battre :
    Pour devenir nouveau détenteur du record, le Maxi Banque Populaire V devra être de retour au plus tard lundi 9 janvier 2012 à 17h 15min et 34s (heure de Paris).
  • Temps de référence :
    Groupama 3 (Franck Cammas) – 48 jours 7 heures 44 minutes 52 secondes
  • Avance/Retard à 16h00 :
    960 milles d’avance par rapport au temps de référence

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