Sous le signe du soleil et du vent, le grand chapiteau céleste des Voiles de Saint-Tropez accueillait aujourd’hui des stars aux noms fleurant bon l’âge d’or du yachting, souvent d’avant les deux guerres, Marigold, Phoebus, Silhouette, Partridge ou Véronique…. 130 bateaux Classiques, figures vivantes de près de 140 années de génie créatif naval ont strié de leurs blanches écumes le bleu des flots tropéziens écrasés de soleil. L’épisode orageux d’hier avait comme par enchantement laissé place à un plan d’eau totalement apaisé, n’attendant que le vent d’ouest pour offrir aux marins le carburant de leurs passions. Et dès la mi-journée, le Comité de course des Classiques libérait les onze classes en lice pour un joli parcours côtier gorgé de lumière. Gréées Marconi, Aurique ou Houari, ces sublimes coques exprimaient dès 8 à 10 noeuds de vent tout leur potentiel, démontrant une nouvelle fois que derrière l’émerveillement de l’élégance et du style, se cachent d’exceptionnelles qualités marines.

Les Classiques enchantent le golfe

Les dix Classes qui composent la flotte des voiliers dits « de tradition » à Saint-Tropez respectent tous la plus grande équité sportive, permettant aux skippers et propriétaires de régater au sein de groupes compacts et particulièrement cohérents de 12 à 15 unités. Ce sont les « petits yachts » gréés Marconi (grand voile triangulaire) qui s’élançaient en premier à la mi-journée dans un léger flux de secteur ouest pour une dizaine de noeuds, idéal lorsque la mer est plate pour tirer le meilleur partie de coques effilées comme des lames de couteau. Les 12 mJI, longtemps supports de la Coupe de l’America de 1958 à 1987, trouvaient en les conditions du jour matière à rivaliser d’excellence, et c’est assez naturellement que les Wings, (12 MJI 1937), ou Vim (1939), se présentaient en tête sous le Portalet au bout d’un peu plus de deux heures de course, en compagnie du toujours aussi véloce Manitou, l’ancien yawl Bermudien de la famille Kennedy. Partis les derniers, les grands cotres et goélettes auriques s’en sont donnés à coeur joie, multipliant les virements de bord au contact avant de lâcher les chevaux en sortie de golfe. On a ainsi redécouvert la magie des grandes oppositions entre les géants Elena of London (Herreshoff 2009), Mariquita (Fife (1911), Altaïr (Fife 1931) ou Moonbeam IV (Fife 1914). Orphelins du beau Tuiga (Fife 1909), les 15 m JI qui disputent aux Voiles la dernière manche de leur Trophée annuel, n’en ont pas moins attaqué la régate le mors au dent. La domination du début de semaine affichée par les Britanniques de The lady Anne (Fife 1912) a piqué ses adversaires au vif, et Mariska (Fife 1908) comme Hispania (Fife 1909) avaient à coeur de prendre leur revanche.

Loïck Peyron est aux Voiles

Le skipper du Maxi trimaran Banque Populaire VII engagé dans la prochaine Route du Rhum est aux Voiles de Saint-Tropez, un événement auquel il a souvent participé, et qu’il apprécie à de nombreux égards ;
« Je suis un admirateur des Voiles depuis le début. Je retrouve ici mes amis de BMW, dont je suis l’ambassadeur. J’ai eu mon premier contact avec BMW lors du Trophée Andros il y a 20 ans. Ils me voient comme un pilote concepteur, membre d’une équipe de haut niveau avec Artémis et Banque Populaire. On se retrouve sur de nombreuses valeurs inhérentes aux sports mécaniques, avec une démarche axée sur le développement durable.
Je roule en I3, la voiture électrique. BMW est un constructeur très innovant dont j’ai visité le centre de recherche et développement à Munich, qui m’a beaucoup impressionné. J’ai découvert des équipes d’une rare intelligence entièrement dédiée à définir les voitures écologiques de l’avenir. Leur démarche est très proche du milieu nautique, et notamment de la Coupe de l’America dans laquelle BMW a longtemps été impliqué, avec Oracle notamment. Leur domaine de recherche est très proche de la haute technologie qu’on trouve dans la voile, toute proportion gardée… BMW a découvert l’offshore avec moi. Ils sont intéressés par les grands défis de demain, et pour envisager les synergies avec les recherches menées dans le nautisme, au niveau de la Coupe. On va de plus en plus vite sur l’eau avec le vent, énergie gratuite. Tous les gens qui travaillent sur les engins de mobilité ont une obligation de s’intéresser à ce que l’on fait dans la voile…Les modèles électriques de BMW sont tout en carbone et composite. Leurs « processes » industriels appliqués à ces pièces sont très impressionnants. J’adore les problématiques de stratégie d’entreprise, le mélange des intelligences.
Dans mon métier, être un bon marin c’est surtout ne pas savoir faire que du bateau. Je suis donc ravi de pouvoir fréquenter des intelligences aussi brillantes que celles qui travaillent sur les engins de mobilité écologique de demain.
La voile est un paradoxe, qui n’est pas encore à la hauteur de ce qu’elle pourrait être en matière d’écologie. Les Voiles contribuent de manière significative à la conservation d’un patrimoine maritime aussi riche que rare ; on s’arrête devant les bateaux comme devant un tableau, par respect pour ceux qui les ont créés, et pour ceux qui les rénovent et les entretiennent. »

Les Défis ou la Mémoire des Voiles ; Club 55 Cup, Journée Dick Jayson/Jean Laurain

Parce qu’elle a constitué en septembre 1981 l’événement initiateur de la Nioulargue, et depuis 1999 des Voiles de Saint-Tropez, la Club 55 Cup, en célébrant l’esprit de la régate, est un temps fort de la semaine Tropézienne. Le défi lancé en 1981 par Jean Rédélé sur Ikra et Dick Jayson sur Pride revit chaque année sous la forme d’un duel qui oppose sur le parcours « historique » du Portalet à la bouée du Club 55 à Pampelonne un « defender » à son « Challenger ». Patrice de Colmont préside toujours aux destinées de ce temps fort des Voiles. Relancé en 2003, ce duel singulier au cœur de la semaine est plus qu’une commémoration. C’est un véritable hommage à l’esprit de la régate telle qu’elle était pratiquée au siècle dernier, quand, dans un simple élan de compétition amicale, deux capitaines se lançaient un défi pour l’amour du sport avec pour seul enjeu le plaisir d’opposer et de comparer sur l’eau les performances d’un yacht et de son équipage. Depuis sa renaissance, la Club 55 Cup n’a connu que 6 vainqueurs, Ikra (12 m JI) en 2003 et 2004, The Blue Peter (côtre bermudien 20m, Mylne 1930) en 2005 et 2006, Lucia (yawl Bermudien 19m, Alden 1940) en 2007 et 2008, Cambria (23mJI Bermudien 40m, Fife 1928) en 2009, Mariquita (19mJI Aurique 33m, Fife 1911) en 2010 et Altaïr (Goélette Aurique 40m, Fife 1931) en 2012.
Le règlement est parfaitement simple : deux bateaux se lancent un défi le jeudi sur un parcours de 15 milles nautique – Tour du Portalet, bouée de la Nioulargue, Le Club 55, celui qui termine devant l’autre l’emporte et lance un défi au bateau de son choix l’année d’après, et le tout se terminant par un incontournable déjeuner sous les tamaris du Club 55 pour les deux équipages.
La Club 55 CUp demain jeudi 2 octobre verra ainsi s’affronter Altaïr (Fife 1931 et Halloween (Fife 1926), et Moonbeam III (Fife1903) défier Lelantina (Alden 1937)

Pour que ceux, « les anciens », qui l’ont connue se souviennent toujours
Pour que ceux qui nous rejoignent, « les jeunes », apprennent

La journée Dick Jayson/Jean Laurain.
Demain jeudi, journée des défis, Skippers et yachtsmen se challengent à volonté, entre voiliers de même classe ou non, avec ou sans enjeu, sur un parcours unique mouillé par la direction de course. C’est la quintessence de l’esprit des Voiles qui est ainsi célébrée au coeur de la semaine Tropézienne. Sur une inspiration de Patrice de Colmont, son appellation traditionnelle de « Journée Jean Laurain » est depuis l’an dernier associée au nom du défunt Dick Jayson. Dick était en 1981 à la barre de Pride, challenger de Jean Rédélé et son 12 mJI Ikra dans ce qui allait devenir la régate fondatrice de la Nioulargue, puis des Voiles de Saint-Tropez. Parmi les nombreux défis lancés cette semaine, on notera… Rowdy (Herreshoff 1916) vs Chinook (Herreshoff 1916), Ikra (Robertson 1964) vs Sovereign (Robertson 1963), Trivia (Camper et Nicholson 1937) vs Emilia (Costaguta 1930), Mariska (Fife 1909) vs Hispania (Fife 1909)…

Une affaire de famille…

Nicolas Béranger, Figariste et spécialiste du Longtze Héraultais bien connu, est depuis plus de 20 ans équipier à bord du 12 m J Sovereign. Il endosse cette année le costume de skipper du plan Robertson, après avoir confié la barre à son frère Gilles, et avec un certain bonheur puisque c’est en tête de toute la flotte des Classiques que Sovereign s’est aujourd’hui présenté sur la ligne d’arrivée du Portalet, après un joli duel avec Ikra.

Défilé des équipages

Le défilé des équipages appartient à la tradition des Voiles ; libre cours est laissé à tous les équipages pour se grimer, se déguiser selon leur fantaisie, et rejoindre la parade qui, partie à 19 heures depuis le village de la course, enflamme littéralement le petit port Varois. Une équipe de clowns encadrera cette année le défilé.

Le mot de Jacques Taglang…
Dans l’Echo d’Hyères et de Saint-Tropez du 11 mai 1862, il y a donc 152 ans, on pouvait lire :
« En créant une Société des Régates, Saint-Tropez vit dans la vie des cités qui veulent s’associer aux manifestations de la société moderne…, au lieu de s’immobiliser » comme tant d’autres villes provençales qui vivent dans leur passé, explique plus loin le chroniqueur Emile Costel.

La Société des Régates de Saint-Tropez n’est autre que l’ancêtre de l’actuelle Société Nautique. Pour marquer l’événement, son président, l’Amiral Alban Martin de Roquebrune, organisera des régates, courses à voile et à l’aviron. « Ces fêtes nautiques furent très brillantes et se passèrent admirablement. »
L’année suivante, le 7 avril 1863, le Conseil Municipal de la cité tropézienne vote à l’unanimité le principe d’une coupe offerte par lui pour le vainqueur.
Une symbiose qui n’a pas pris une ride si l’on se réfère aux présentes Voiles de Saint-Tropez 2014.

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