Place au sport !
La haute mer à domicile ! Du vent, fort, de la mer, grosse, un décor de folie pour ce deuxième jour de régate dans le cadre unique du golfe de Saint-Tropez, et ce rassemblent des plus beaux bateaux de la Méditerranée… autant d’arguments auxquels les voiliers modernes ont répondu présents sans hésiter, enchainant une deuxième journée de navigation musclée et spectaculaire. La virulence des vagues levées par le puissant flux d’est et les creux, estimés à plus de deux mètres, s’avéraient en revanche rédhibitoires pour les Voiliers de tradition. La flotte des voiliers Classiques demeurait ainsi sagement au port, reportant à demain leur impatience d’en découdre, tandis que les 180 yachts Modernes se déployaient le plan d’eau, pour une vingtaine de milles de régates musclées à souhait, et une nouvelle vision enthousiasmante de voiliers de course de toutes tailles menés de mains de maître par les meilleurs marins de la planète.
Les Modernes à l’assaut du golfe
Passé le coup de vent du matin, la direction de course des Voiles de Saint-Tropez s’est empressée de lancer une course pour l’ensemble des voiliers Modernes. Les cinq groupes IRC, à commencer par les plus petits, étaient dès 13 heures 30 précédés sur la ligne de départ mouillée à hauteur de la tour du Portalet, par les impressionnants Wallys, puis par les quatre immenses Class J. La mer était en cette partie du golfe légèrement hachée, mais c’est en sortie de golfe, entre les marques de la Sèche à l’huile et du Rabiou, là où les fonds marins remontent de plusieurs centaines de mètres à seulement quelques dizaines, que le plan d’eau se montrait le plus chahuteur. Rien en substance qui puisse troubler l’enthousiasme des marins, ravis de bénéficier dans le cadre des Voiles de conditions toniques propices à tirer la quintessence de leurs montures. Les Wallys, Class J et grands protos se jouaient ainsi à grande vitesse des difficultés de la journée. Récompense ultime après quelques bords de près bien humides, ce déboulé final aux allures portatives vers la ligne d’arrivée sous le Portalet.
Magic Carpet 3 d’emblée
Douze Wally participent aux Voiles de Saint-Tropez, record égalé. Ils courent en compagnie des quatre Class J sur leur rond dédié, mouillé au large de la plage de Pampelonne, et sous la houlette de leur propre Comité de course. Aux côtés des habitués, Magic Carpet Cubed (Reichel Pugh 2013), Magic Blue (German Frers 2002), Y3K (Frers 2009) ou J One (Frers 1997), on retrouve avec plaisir l’immense Angel’s share (Soto Acebal 2009) et ses 40 mètres d’élégance, mais aussi Galma (Frers 2003). Ce dernier, vainqueur de nombreux trophées en Méditerranée (Giraglia Rolex Cup, Hublot Palmavela, Maxi Yacht Rolex Cup, Palmavela, Zegna Trophy, Wally Class Hublot Trophy…) s’affiche déjà comme un sérieux opposant à la superbe de Magic Carpet Cubed, comme en atteste les deux premières régates de ces voiles. Si le grand Wally bleu, second Wally Cento développé par Wally, a d’emblée pris le commandement de la classe en signant deux victoires pour autant de courses disputées, les écarts en temps compensé sont si minimes qu’un bouleversement est parfaitement envisageable d’ici le tombé de rideau samedi prochain.
Trois J Class en deux minutes
Il aura fallu moins de deux heures aux J Class pour avaler le parcours du jour, long de 19 milles théoriques. Le dernier bord sous spi aura été de toute beauté, et c’est en l’espace de deux petites minutes que les trois meilleurs, Ranger (récidiviste après sa victoire d’hier), Velsheda et Lionheart se sont présentés sur la ligne d’arrivée du Portalet. Velsheda a pris le meilleur sur Lionheart pour le gain de la deuxième place, tandis que Shamrock V fermait la marche.
Pam et Matt Brooks, par amour pour Dorade
C’est une des nombreuses histoires de passion et d’amour qui expliquent et justifient les Voiles de Saint-Tropez, la rencontre coup de foudre entre un navigateur, une navigatrice et un bateau à voiles. S’ensuit une implication quasiment charnelle, une alchimie pour prolonger la vie de voiliers parfois centenaires, témoins rares d’une culture incroyablement riche de la mer et de l’architecture navale. Les Californiens Pam et Matt Brooks personnifient cet état d’esprit, depuis leur acquisition en 2010 d’un voilier de légende, Dorade (Olin Stephens 1930)
« J’ai possédé un certain nombre de bateaux, et j’ai un jour décidé d’acheter un bateau en bois. J’ai demandé à mes brokers de me trouver un voilier Classique. Il y avait beaucoup de bateaux disponibles. Je voulais absolument un Fife. Avec Pam, nous avons regardé plusieurs options, et c’est Dorade qui a gagné nos suffrages, à cause de son esthétisme, et de sa fabuleuse histoire. Il était en bon état. Nous avions alors 5 enfants qui avaient tous à peu près le même âge que Rod et Olin Stephens quand ce dernier a dessiné Dorade, soit une vingtaine d’années. Cela nous a beaucoup impressionné. C’est un bateau pour hommes jeunes, pas très confortable à l’intérieur, mais léger et rapide. C’est une des premières choses que j’ai dit au broker qui nous a vendu le bateau. Si nous l’achetons, nous courrons et gagnerons toutes les courses auxquelles Olin Stephens a participé avec Dorade. Nous l’avons acheté en 2010. Le bateau était en configuration de régate à la journée, mais pas en condition pour traversée l’Atlantique. Avec l’aide de Greg Stewart, nous l’avons reconditionné pour disputer toutes les grandes courses qui ont fait sa légende, la Transpac, Newport-Bermuda race, la transat, le Fastnet que nous disputeront l’année prochaine. Puis nous participerons au circuit Méditerranéen. »
Ce yacht emblématique a vu le jour en 1931 sous le nom de Dorade du crayon d’un tout jeune homme de 21 ans, Olin Stephens. C’est son père qui en 1929 passe commande d’un yacht de 52 pieds. Olin, aidé de son frère Rod se met au travail et construit chez Minneford Yard, à City Island, New York, un yacht Bermudien qui étonne par la finesse et l’étroitesse des ses lignes. Le voilier surprend par sa légèreté. Il la compense par nombre d’innovations architecturales , bulbe en plomb très profond, ballasts ingénieux, mais aussi par son concept de fabrication très sophistiqué. Les frères Stephens, épaulés par Drake Sparkman, font d’emblée taire toutes les critiques. Ils s’alignent avec un équipage de 22 ans de moyenne d’âge sur la Transatlantic Race en 1931… qu’ils remportent devant les grosses unités de l’époque. Dans la foulée, ils écrasent de leur superbe la Fastnet Race. Dorade va dorénavant servir d’étalon au jeune architecte, qui s’associe avec Drake Sparksman pour lancer le chantier Sparkman&Stephens.
William Gardner, Yacht Designer et prodige.
Olympian est un nouveau venu aux Voiles. Il s’agit d’un cotre aurique appartenant à la Class P américaine, dessiné en 1913 par William Gardner, petit génie de la Nouvelle Angleterre, à la carrière rien moins qu’impressionnante ; L’architecte américain William Gardner est surtout connu pour sa plus prestigieuse réalisation, la goélette Atlantic, vainqueur de la Transat en 1905. sa carrière est pourtant d’une extraordinaire richesse, débutée dès l’âge de 15 ans, quand ce natif de Oswego, New York, entre à l’université de Cornell. Il en sort quatre ans plus tard, en 1880, et se fait immédiatement embaucher au Delaware River Iron Ship Building Co. où il apprend la construction de bateaux. Il obtient, rare privilège, le droit d’entrer à la prestigieuse Royal Naval College de Greenwich, en Angleterre. Il y apprend le design et la construction de navires de guerre. Il signe les plans d’un destroyer et d’un croiseur de guerre. Il consacre aussi ses loisirs à la navigation, et va découvrir l’univers naissant du yachting. Il rencontre les Fife, Watson ainsi que de nombreux yachtsmen. Il rentre aux Etats-Unis en 1888 et crée son cabinet d’architecte à New York. Il reçoit sa première commande pour deux cotres de 40 pieds , dénommés Kathleen et Liris. Les deux voiliers remportent toutes leurs courses, et établissent la réputation du jeune designer. Il va durant les 10 années suivantes, signer les plans de nombreux cotres et goélettes à succès, Alcea, Syce, Norota, Ouisseta. Dès 1898, il sort de ses cartons des plans de Scow, dont le remarquable Cartoon. Il construit en 1902 des bateaux en bronze. En 1905, la goélette Atlantic remporte la gold cup, course transatlantique entre Sandy Hook et les Needles, devant une flotte internationale des plus beaux racers de l’époque.
Centenaires
Pas moins de dix-neuf voiliers présents aux Voiles atteignent ou dépassent, parfois largement les 100 ans. La palme du voilier le plus âgé revient indiscutablement à Partridge, cotre aurique de 22 mètres lancé en 1885 par Camper et Nicholson, sur un dessin de John Beaver-Webb, plus ancien yacht à naviguer en Méditerranée. On citera aussi Lulu (Rabot Caillebotte 1897), Marigold (Nicholson 1892), Morwena (Linton Hope 1914), Owl (Shepherd 1909), Veronique (A. R. Luke 1907), Mariquita (Fife 1911), MoonbeamIV, (Fife 1914), Bonafide (Sibbick 1899), Folly (Nicholson 1907), Nan of Fife (Fife 1896), Nin (Quernel 1913), Olympian (Gardner 1913), Oriole (Herreshoff 1905), Phoebus (Godinet 1903), Silhouette (Fife 1910), Tigris (Mylne 1899), Viola (Fife 1908), Jap (Fife 1897)…
Tofinous et Code 0
Les Tofinous 9,5 m, 12 m, les Code 0 et 1 courront ensemble et seront classés ensemble, en temps compensé (Temps / Temps) à partir du rating IRC. 21 de ces jolis « dayboats » régatent aux Voiles de Saint-Tropez (5 Tofinous 12, 9 Tofinou 9,5 et 7 Code0) ; Ils naviguent en flotte au sein des voiliers Classiques, sur les mêmes parcours que les prestigieux yachts d’époque et de tradition, mais avec un classement spécifique selon leur classe, 9,50 ou 12 m. Ces désormais célèbres croiseurs connus pour leur élégance traditionnelle et leur rapidité, ont trouvé leurs marques aux Voiles de Saint-Tropez, et leurs joutes extrêmement disputées participent à l’animation d’un plan d’eau déjà bien agité. Latitude 46 est un constructeur de voiliers et de vedettes à moteur installé sur l’île de Ré depuis 25 ans. De l’Australie au Brésil, en passant par le Japon, ils sont nombreux à être tombés sous le charme de ces bateaux aux lignes fines et classiques, mais dont la qualité de construction n’a rien à envier aux unités les plus modernes. Car là réside la recette du chantier. La préservation d’un savoir-faire français exceptionnel, conjuguée aux dernières techniques en matière de travail du bois et du composite. Sans oublier que les bateaux Latitude 46 sont signés Joubert/Nivelt, architectes dont la réputation a elle aussi largement franchi les frontières européennes.
Sardinade…
La traditionnelle sardinade organisée sur la batterie du môle Jean Réveil se tiendra cette année jeudi 2 octobre à partir de 21 heures, au lieu de mercredi.