Expert du multicoque, Yann Guichard a rendez-vous le 2 novembre à Saint-Malo avec l’un des plus grands défis de sa carrière. Au sein de l’écurie Spindrift racing qu’il dirige avec Dona Bertarelli, le navigateur se prépare à disputer la 10e édition de la célèbre Route du Rhum, seul à la barre de Spindrift 2, un maxi-trimaran de 40 mètres conçu pour les records en équipage. Conscient des enjeux, ce compétiteur expérimenté qui a toujours optimisé ses bateaux avec finesse et inspiration, a construit étape par étape son engagement dans ce ‘Rhum’ au parfum unique. A presque un mois de l’échéance, le skipper qui poursuit ses entrainements au large de La Trinité-sur-Mer, se sent prêt techniquement comme physiquement et bien dans sa tête. « Je me sens relativement serein à quelques semaines du départ même si je sais que la pression va monter progressivement. J’ai encore 15 jours d’entrainement pour peaufiner ma préparation physique et sportive. Ces dernières navigations vont me permettre d’améliorer encore les automatismes afin d’être de plus en plus compétitif. Mon envie et ma motivation restent intactes depuis le début de l’aventure il y a 9 mois et j’ai hâte d’être sur la ligne de départ avec tous les concurrents », explique Yann Guichard.

Fin 2013, le marin a muri ce choix peu anodin, frottant ses doutes à la réalité, en ramenant Spindrift 2 de Miami à la France, en configuration ‘solo’. Sous voilure réduite, il a manœuvré et conduit le bateau jusqu’à son port d’attache, validant la faisabilité de l’exercice. Soutenu par son team et les partenaires de l’écurie Mirabaud, Genes-x et Zenith, le skipper a décidé de lancer ce projet Route du Rhum qui a débuté par trois mois de chantier.

Un trimaran d’équipage non pas transformé mais adapté au solitaire.

Il n’a jamais été question de faire de Spindrift 2 un bateau de solitaire. Le trimaran reste avant tout une arme redoutable en équipage mais le bureau d’études de Spindrift racing avec les techniciens choisis par Yann et Dona ont redoublé d’ingéniosité pour l’adapter néanmoins au challenge du ‘Rhum 2014’. De janvier à mars dernier, à l’abri des regards à Lorient, le géant a reçu beaucoup d’attention : le mât a tout d’abord été raccourci de six mètres, la voilure a donc été réduite de 20% afin d’être plus manœuvrable sans équipiers. Le cockpit a aussi été concentré pour pouvoir être utilisé par un seul homme. Un vélo a également été fixé sur le pont afin de permettre à Yann d’actionner les winches aussi bien avec les bras qu’avec les jambes. Enfin, système totalement essentiel au soliste en mer, un pilote automatique ‘Spindrift racing made’ a été inventé et mis au point. Comme il n’aura pas le don d’ubiquité pour autant, le skipper devra rester à portée des commandes de son trimaran et vivra donc à l’extérieur, sous la casquette, où une cellule de pilotage a été conçue, regroupant notamment son ordinateur et sa bannette.

Plonger dans l’inconnu.

Une fois en mer, il a fallu valider ces choix techniques mais surtout, pour Yann, l’essentiel était de trouver où placer le curseur entre performance et sécurité. Petit à petit, il a fallu appréhender la puissance de ce bateau qu’il connaît par cœur quand il est mené par 14 marins mais qu’il découvrait en solitaire. Cet été, Spindrift 2 était à Newport en stand-by pour le record de l’Atlantique Nord et celui des 24 heures. Aucune fenêtre météo ne s’est présentée, Yann a donc quitté les Etats-Unis fin août en équipage réduit pour s’entraîner en mode ‘faux solo’. Après une collision avec un container à mi-chemin, le grand trimaran a fait une escale technique aux Açores afin de remplacer le safran tribord cassé. Le skipper s’est ensuite élancé seul, pour la première fois sans filet. A son arrivée en Bretagne, Yann Guichard avait non seulement validé sa qualification officielle pour La Route du Rhum mais avait pris confiance durant cette traversée où il a mené jour et nuit une impressionnante cathédrale de voiles. Depuis, l’équipe technique peaufine le moindre détail pour que tout soit parfait tandis que le marin poursuit son intense préparation physique quotidienne tout en navigant le plus possible avec Spindrift 2 dans le Golfe de Gascogne, terrain de jeu qui semble déjà un peu étroit quand on a l’impatience de s’élancer sur l’Atlantique.

Une épreuve de force.

Même si à Saint-Malo, l’élégant trimaran de Spindrift racing sera le plus grand du port, une échelle qui le place logiquement dans les candidats aux premières places, Yann Guichard connaît les limites de l’exercice. La météo sera un facteur clef. Au départ de ces transatlantiques automnales, les dépressions malmènent souvent les concurrents. Il sait aussi qu’avec un bateau de cette taille, il faudra faire les bons choix tactiques, toujours avec l’anticipation suffisante pour ne pas multiplier les manœuvres pénalisantes pour la vitesse. Enfin, le skipper de Spindrift 2 sait qu’il n’est pas un spécialiste du solitaire contrairement à ses principaux concurrents qui mènent de surcroit des bateaux conçus et optimisés principalement pour cela. Dans cette catégorie des Ultimes qui réunit huit maxi-multicoques, véritables purs-sangs transocéaniques, Yann Guichard avance ses pions avec humilité, conscient des forces du tandem qu’il forme avec Spindrift 2 mais aussi de ses faiblesses. En compétiteur professionnel, l’homme de tout juste 40 ans mesure surtout l’immense défi de mener un tel bateau dans cette épreuve mythique qui rassemble plus de 90 concurrents – un record – pour un départ d’anthologie à ne pas rater !

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