Le plus grand défi de ma carrière
Loïck Peyron en a terminé ce matin avec sa qualification pour la Route du Rhum à bord du Maxi Solo Banque Populaire VII, sa deuxième en moins de 10 jours après celle effectuée à bord du petit trimaran jaune Happy. Le « Monsieur Multicoque » de la voile française a pu, durant un peu plus de 72 heures, mesurer l’ampleur de la tâche qui l’attend avant de se présenter sur la ligne de départ à Saint-Malo le 2 novembre prochain. Le défi qu’il relève en pleine connaissance de cause est, de ses propres mots, « le plus grand et le plus risqué de toute ma carrière. » C’est pourtant avec un plaisir non dissimulé qu’il se jette dans l’aventure, confiant en ses moyens, et rasséréné dans son entreprise par la qualité et les talents de tout le Team Banque Populaire, avec lequel il a victorieusement collaboré lors du Trophée Jules Verne 2012.
Un apprentissage en accéléré
« Qualification accordée, la deuxième en 10 jours… » Loïck Peyron poursuit à bride abattue et en un minimum de temps un apprentissage gargantuesque, celui de la connaissance de l’un des plus grands trimarans de course au large au monde. Le passage obligé par la case « qualification » vient d’être expédié à la faveur d’une météo clémente qui lui a permis d’accomplir au petit trot ses mille milles dans le Golfe de Gascogne : « Je n’ai pas beaucoup dormi à cause de la proximité des côtes », raconte t’il. « Les conditions étaient clémentes, et ce n’était pas plus mal pour une mise en jambes. J’ai effectué un triangle dans le Golfe de Gascogne, avec une descente vers le cap Finisterre dont je ne me suis pas approché à cause du trafic, un retour vers les Scilly et des ronds dans l’eau du côté de l’île d’Yeu… » De quoi prendre la mesure de la tâche à accomplir avant de prétendre maîtriser tous les secrets du géant. « Je dois encore découvrir la bête sous d’autres coutures. Je suis en revanche en mode accéléré, car malgré toutes les explications données par une très bonne équipe, il me faut un peu de temps pour en découvrir toutes les ficelles. Les conditions de vent et de mer étaient cette semaine propices à de belles révélations. » Et de décrire avec son habituelle jovialité ; « J’ai eu toutes les allures pour un Bol d’Or… toutes les allures de molle, et j’ai passé toute la garde robe en revue, jusqu’à un ris ORC…. mais pas de conditions ventées au reaching à grande vitesse… je n’ai pas dépassé les 28 noeuds… »
Se réhabituer aux grandes vitesses
Le temps pour son œil exercé de remarquer quelques menus détails à affiner lors des prochaines sorties. « Il me reste beaucoup de travail à accomplir pour retrouver les sensations propres aux multicoques océaniques… J’ai encore beaucoup de choses à découvrir sur ce bateau, et il me faut me réhabituer aux grandes vitesses, aux grandes charges. » Loïck Peyron, s’il reste sur le devant de la scène du multicoque international, à travers ses campagnes auprès d’Artémis, en Moth ou en CG 32, ne s’est plus frotté aux trimarans de l’extrême depuis les dernières heures de l’ORMA. Stress de la vitesse, exigence physique de la machine, violence de la course et du bateau sont depuis plusieurs années sorties de son quotidien ; « je n’ai pas fait de solo en multi depuis 12 ans… donc je dois encore beaucoup travailler pour retrouver les automatismes. Je m’entraîne à réapprendre tous ces réflexes du navigateur en solitaire sur des machines en équilibre instable. La tâche est énorme, mais pas insurmontable. Ce défi est tout sauf anodin, et ce ne sera pas une promenade de santé. »
Un géant étrangement sécurisant…
Et pourtant, ses premières sensations de marin solitaire à bord du géant Maxi Trimaran Solo Banque Populaire VII le rassurent sur un point : la sécurité. « Paradoxalement, et dans des conditions certes propices, j’ai été surpris par la conviction que je vais pouvoir contrôler la situation. Ces grands bateaux pas adaptés au solo sont plus sécurisants que les 60 pieds que j’ai connus. Moins faciles physiquement, mais moins stressants. L’anticipation est le secret en solo, en multi, et en maxi. »
Bilan positif
Le bilan de cette toute première sortie au pied levé est donc totalement positif, et Loïck va pouvoir sereinement débriefer avec l’équipe technique de Banque Populaire, et multiplier les sorties d’entrainement. « Tout est nickel à bord. Je savais que c’était un plus de retrouver une super équipe, pro jusqu’au bout des ongles, je la connais, en plus d’Armel qui a fait les choses superbement. Malgré nos différences de gabarit, tout est « au poil ». Le bateau est prêt à partir, mais on va encore bidouiller des petits détails. C’est du cosmétique pour adapter de petites choses… Il faut naviguer, toujours et encore… Chaque fois que possible en solo, pour apprendre toujours et encore. Il me faut un peu de conditions de brise, pour découvrir les grandes vitesses sous pilote automatique, afin de renforcer la confiance dans ces pilotes. »