Gagner petit
Il reste aux 13 équipages moins de 1000 milles à parcourir jusqu’à Saint-Barthélemy. Handicapé par son safran bâbord sérieusement endommagé suite à la rencontre avec un OFNI hier après-midi, Scutum poursuit sa route avec une vitesse honorable de 10 nœuds. Devant, les bateaux de tête se livrent à une bataille d’enragés. Skipper Macif allonge la foulée et semble avoir trouvé le bon réglage pour contrer son adversaire le plus proche, Safran-Guy Cotten. Le jeu consiste à se placer le mieux possible pour aborder l’arc antillais sous le meilleur angle. « Il faut gagner petit » expliquait Fabien Delahaye (Skipper Macif) à la vacation de 5 heures ce matin.
Suspense final
L’histoire est loin d’être terminée. Ils ont parcouru près de 3 000 milles depuis Concarneau, et bien malin qui pourrait prédire ce matin du podium de cette 12e édition de la Transat AG2R LA MONDIALE. Les marins ne lâchent rien. Yoann Richomme et Fabien Delahaye à bord de Skipper Macif en sont la plus belle preuve. A force de réglages encore plus précis et de concentration à la barre, les voilà en train de regagner du terrain. « Nous nous sommes remis en question car nous n’allions pas assez vite par rapport à Generali ou Safran – Guy Cotten. Nous avons changé des petits trucs à bord, comme le matossage ou la durée de nos quarts, pour être les plus performants possible. » expliquait Fabien ce matin. C’est à coups d’empannages que les équipages abordent l’arc antillais afin de trouver le meilleur angle d’attaque dans le sprint final. Ils ont encore deux jours de positionnement et de petits trucs à jouer. « L’alizé sera moins fort en approche des Antilles. L’idée est de passer au Sud où la pression sera un peu plus forte. Je pense qu’il faut être un peu plus à droite pour la fin de la course. » soulignait Ronan Treussart (Entreprendre en Cornouaille), visiblement en pleine forme. Comprendra qui pourra, mais ces derniers milles se déroulent sous haute tension pour les cinq bateaux de tête.
Croisements imminents
Les Nordistes déboulent vers le Sud et s’apprêtent à prendre l’autoroute directe. Aujourd’hui sera la journée vérité concernant le positionnement de chacun. « Nous continuons notre petit bord vers le Sud. Nous espérons qu’il se passera quelque chose car croiser derrière tout le monde, ce n’est pas agréable. Nous allons nous tirer la bourre et nous verrons comment cela se passe. Les positions actuelles sont trompeuses, nous sommes en réalité assez proches. » racontait Kito de Pavant (Made in Midi) à 5 heures ce matin. Déjà Corentin Horeau et Michel Desjoyeaux (Bretagne-Crédit Mutuel Performance) s’alignent derrière François Guibourdin et Nicolas Thomas (Guadeloupe Grand Large 2). Ces derniers pourront se targuer d’avoir terminé devant l’un des meilleurs marins français. Mais sait-on jamais, la course n’est pas encore terminée !
LES MOTS DES MARINS
Fabien Delahaye, Skipper Macif
« C’est sympa, il y a de l’air et il faut rester concentré à la barre. Nous nous sommes remis en question à bord car nous n’allions pas assez vite par rapport à Generali ou Safran – Guy Cotten. Nous avons changé des petits trucs à bord, comme le matossage ou la durée de nos quarts pour être les plus performants possible. En gros on fait 1h – 1h30 de quart chacun en fin de nuit. Jusqu’à St Barth, c’est un sprint final assez long. La route n’est pas toute droite et nous sommes obligés d’incurver notre trajectoire pour aller plus au Sud et faire un peu de Sud-ouest. Il faut trouver le bon compromis entre le rallongement de route et l’angle du vent le plus optimal. Sur les derniers jours, l’alizé soufflera moins fort. Du coup, là nous essayons d’anticiper le prochain run pour ne pas nous laisser bloquer. Nous gardons des possibilités de jeux. Depuis 24 heures nous avons empanné une dizaine de fois. Nous avons gagné quelques mètres sur les concurrents. C’est toujours ça de pris. Ce n’est pas facile car il y a Generali au Nord, Safran – Guy Cotten qui joue avec nous et 30 Corsaires qui attaque par le Sud. Ce n’est pas évident de choisir quel camp contrôler. Clairement, à partir de vendredi nous serons sur un tribord direct. Les bateaux auront fait leur choix. Il reste encore 2 jours pour se positionner. L’ETA se décale plutôt à lundi soir, voire dans la nuit de lundi à mardi. Yoann me disait toute à l’heure que nous avons croisé une bouée orange qui n’était indiquée nulle part. Vraiment étrange. Il faut éviter penser aux OFNIS sinon on ne fait plus rien.»
Kito de Pavant, Made in Midi
« Nous avons un peu plus de vent depuis 24 heures. Nous continuons notre petit bord vers le Sud. Nous espérons qu’il se passera quelque chose car croiser derrière tout le monde, ce n’est pas agréable. Je suis un peu triste et il nous reste la régate entre les gens du Nord. Nous allons nous tirer la bourre et nous verrons comment cela se passe à partir de demain. Les positions actuelles sont trompeuses, nous sommes en réalité assez proches. Cela va nous motiver pour la suite de la course. L’idée d’être plus au Nord, c’était de faire ce long bâbord avec le plus de pression. Nous avons moins perdu, mais nous verrons cela à l’arrivée. Les nuits sont de plus en plus noires, car la lune se lève tard. Nous sommes sous spi, les quarts de 3 heures à la barre sont assez fatigants. C’est assez tendu car il y a un peu de vent, 20-25 nœuds. Il nous reste plus que 5-6 jours de course alors ça va aller. Ce qu’il s’est passé sur Scutum, cela me rappelle il y a 4 ans. Nous avions plié un safran sur la Transat. J’espère que Scutum pourra continuer la course avec le reste de safran qu’il leur reste. Il y a des milliers de bouées dérivantes. C’est un peu la roulette russe. En Figaro, cela ne fait pas tellement de dégâts, mais en Imoca ou en Ultime cela n’est pas très bon. Notre ETA est prévue plutôt mardi en fin d’après midi. La dernière semaine est un peu longue, d’autant que nous ne sommes pas allés où il fallait. Nous sommes déçus, forcément. »
Ronan Treussart, Entreprendre en Cornouaille
« Nous avançons super bien cette nuit. Nous avons empanné en fin de journée et là il y a du vent, tout va bien. Nous sommes à bloc ! Nous sommes au Sud de 2-3 bateaux, nous sommes en forme. Nous avons un peu réduit l’écart avec le groupe de tête. Nous essayons d’exploiter au maximum les variations de vent dans les alizés. Depuis le passage à La Palma, c’était sensé partir un peu devant, mais là, nous avons tous le même vent. On ne rattrapera probablement pas les duos devant, mais nous pouvons tenter des trucs, c’est clair. Il y a une basse pression qui passe sur la médiane. Donc l’alizé sera moins fort. L’idée est de passer au Sud où la pression sera un peu plus forte. Je pense qu’il faut être un peu plus à droite pour la fin de la course. Pour Scutum, si le bateau navigue à plat, cela ne devrait pas trop les gêner. Nous avons pris une bouée de pêche qui faisait la hauteur du franc bord du bateau en plein milieu de l’Atlantique. C’était fou ! Le soleil me fatigue quand il n’y a pas de nuage. La nuit, je trouve que c’est vraiment agréable. Notre ETA est prévue pour mardi matin, 6 heures TU. »