Il y a maintenant deux courses dans la course. Ceux qui espèrent encore batailler pour la victoire ou pour une place d’honneur continuent de se battre à coup de dixièmes de milles gagnés ou perdus, d’empannages au moment adéquat, de changements de voile dans le bon timing. Pour ceux qui se baladent dans le ventre mou du classement ou qui, retardés par des soucis techniques, ont abdiqué tout espoir de victoire, c’est l’aventure et l’envie de faire une traversée propre qui prennent le dessus.

C’est toujours l’empoignade en tête de flotte entre Giancarlo Pedote (Prysmian) et Benoît Marie (benoitmarie.com). De même en bateaux de série, derrière l’inamovible Aymeric Belloir (Tout le Monde Chante contre le Cancer), Justine Mettraux (TeamWork) et Simon Koster (Go 4 It) continuent de croiser leurs trajectoires et de se battre à safrans tirés pour la deuxième marche du podium. L’alizé semble se renforcer dans la partie sud de la zone de course, mais pour les solitaires c’est très difficile de descendre avec un vent qui semble s’orienter plus franchement au nord-est, soit pile vent arrière pour aller gagner dans le sud. Les trajectoires des uns et des autres témoignent bien de cette volonté régulièrement contrariée par le principe d’efficacité immédiate qui demande de choisir la meilleure route possible pour gagner vers la Guadeloupe. Il reste qu’un petit groupe qui a réussi à gagner dans le sud commence à afficher des vitesses dignes d’un Ministe dans les alizés. En prototype Louis Segré (Roll my Chicken), septième, Annabelle Boudinot (Agro 650), huitième et Nicolas Boidevezi (Nature Addicts) approchent de la barre des 10 nœuds. En série, Alberto Bona ( Onelinesim.it) et Jérôme d’Aboville (Bel) pourraient recueillir les fruits de leur option.

Ventre mou, cœur vaillant
Le passage par Lanzarote a bouleversé les classements de cette étape unique entre Galice et Guadeloupe. Ceux qui se sont arrêtés pointent maintenant à plus de 500 milles de la tête de flotte, dans le meilleur des cas. Autant dire, que pour eux, les objectifs de résultats, s’il y en avait ne seront pas atteints. Ce qui signifie qu’au moment de traverser l’Atlantique, il va falloir trouver les ressorts nécessaires pour tenir de dix à douze jours en solitude, sans autre contact que ceux que le hasard voudra placer sur la route de chaque concurrent. Ce sera peut-être un vraquier en route depuis l’Afrique vers le Canada (Cargo ship, cargo ship, can you read me,
over ?) et l’occasion de baragouiner quelques mots d’anglais avec l’homme de quart en passerelle… Plus chanceux sont ceux qui se trouvent bord à bord avec un autre concurrent, comme Florian Blanchard (MC Technologies) et Pierre-François Dargnies (We-van.com). Hasard ou nécessité, ces deux-là sont comme qui dirait « pays », voisins de pontons. Rien n’interdit de naviguer de conserve et c’est un excellent moyen de pouvoir garder une certaine lucidité. A Lanzarote, on imagine qu’avant de reprendre la mer, nombre de concurrents ont échangé sur leur stratégie de course pour traverser l’Atlantique. Qui sait si le groupe des quatre, descendu rapidement vers le sud, Jean-Loup Chenard (Istuardo), Yoann Tricault (Schlüter Systems), Thomas Guichard ( Carrefour Bretagne) et Raphaël Marchand (Soréal Ilou) ne s’est pas concerté sur une stratégie commune avec l’espoir de pouvoir par moments, joindre l’un ou l’autre en VHF ? Pour ces marins, tous établis dans la vie, la Mini Transat est surtout une aventure à dévorer à pleines dents. Aller au bout de soi- même, expérimenter ces heures où il faut passer par dessus ses doutes, accepter de découvrir une part de soi que l’on ne connaissait pas, c’est aussi la Mini Transat. Et c’est aussi pour cela que le simple fait de franchir
la ligne d’arrivée en Guadeloupe est déjà une victoire.

Source

Articles connexes