Le petit port de Saint-Tropez, saturé de fêtes en tous genres, connaît en cette fin septembre un bruissement inaccoutumé, une effervescence unique et l’agitation hors norme d’un événement sans égal ; les Voiles de Saint-Tropez battent à nouveau, à compter de demain lundi et jusqu’à samedi 2 octobre prochain, le rappel des plus beaux yachts Modernes et Classiques du moment. 300 unités vont, par la dextérité des équipes du port et du Président Beaufils venir s’amarrer le long des quais et môles tropéziens. Les voiliers Modernes, soit un peu plus de la moitié d’entre eux procèdent déjà à la finalisation des inscriptions, et se sont malgré la virulence des orages, entraînés toute la journée afin d’être fin prêt demain matin pour le début des joutes. Les plus vénérables, dénommés Classique, arrivaient, pour au moins 58 d’entre eux, en course depuis Cannes, afin d’ouvrir de la plus éclatante manière le plan d’eau du golfe, et aiguiser de la splendeur de leurs gréements Auriques ou Bermudiens, les appétits des amoureux des belles voiles et des élégantes coques qui glissent sur l’onde. On guettera les habitués, Elena (Herreshoff 2009), Moonbeam III (Fife 1903) et IV (Fife 1914), Nan (Fife 1896), Oriole (Herreshoff 1905)… et les nouveaux venus (ou revenus), Runa IV (Ronne 1927), Chinook (Herreshoff 1916), Shenandoah (Terris 1902) ou Jour de Fête (Paine 1930). Mais les regards convergeront aussi vers un groupe éminemment spectaculaire, celui des quatre immenses Class J réunis pour la première fois à Saint-Tropez, Velsheda (Nicholson 1933), Shamrock V (Nicholson 1930), Hanuman (Hoek 2010) et Lionheart (Dijstra 2009). Au large de Pampelonne, les très exclusifs Wally sont venus en force, avec pas moins de 12 géants futuristes engagés cette année. Rajoutez une touche de Tofinou, et un zeste de Code 0, et vous aurez une idée de l’extraordinaire panorama de près de 130 ans d’architecture navale proposé pour sa 15ème édition par les Voiles de Saint-Tropez.

Transhumance cannoise
Lever de rideau traditionnel des Voiles de Saint-Tropez, l’arrivée sous le Portalet des voiliers de tradition en provenance de Cannes lance chaque année la magie des Voiles dans le golfe Varois. La Coupe d’Automne du Yacht Club de France permet de donner un piment sportif au ralliement des voiliers ayant toute la semaine navigué à Cannes, à la grande fête tropézienne. 58 voiliers étaient ainsi au départ donné peu avant midi au large de Cannes, pour un parcours de 21 miles théorique. Les métriques, 12 m, 8 m et 6 m étaient en force, aux côtés de 12 magnifiques cotres et goélettes auriques emmenés par les Moonbeam III et IV, triomphateurs à Cannes. L’ensemble de ces compétiteurs sont répartis en 7 groupes de classements : 12 MJ, 8 MJ, Epoque Aurique, Classique, Epoque Marconi inférieur à 16,5 mètres et supérieurs à 16,5 mètres et enfin Esprit de Tradition. Sous les orages, et quelques trombes d’eau u passage aux Issambres, c’est la grande goélete Elena qui s’est le mieux accommoder des conditions du jour, franchissant en premier la ligne d’arrivée sous le Portalet peu avant 15 heures, quelques 45 minutes avant le pourtant véloce 12 m J Ikra.

Formidables Wally,
Les futuristes Wally chers à Luca Bassani sont aussi venus en nombre à Saint-Tropez. 12 voiliers de 24 à 33 mètres régateront toute la semaine à compter de demain sur leur rond spécifique mouillé devant la plage de Pampelonne. Les Wally Cento, Hamilton déjà présent en 2012, et le tout nouveau Magic Carpet de Sir Lindsay Owen Jones vont poursuivre le mano a mano des cent pieds esquissé cet été en Italie. On soulignera pour l’anecdote la présence en un même classement, des trois voiliers voulus par l’ancien patron de L’Oréal, dont le premier et second Wally, J ONE (77 pieds) et Magic Blue (94 pieds) régateront bord à bord avec le 100 pieds Magic Carpet.

Les J Class à Saint-Tropez
Quatre grands et somptueux J Class Yachts (Hanuman, Lionheart, Velsheda et Shamrock V) imposent leur démesure (Velsheda est équipé d’un mât carbone de 56 mètres !) aux Voiles de Saint-Tropez. La classe J a ses racines dans le plus ancien trophée de sportif du monde moderne, l’America’s Cup. Elle a servi à définir les grands voiliers de course construits entre 1930 et 1937 à partir de la Jauge universelle, établie par Nathanael Herreshoff en 1903. Dix bateaux ont été construits selon la J Class entre 1930 et 1937 : six aux États-Unis et quatre au Royaume-Uni. Trois ont survécu, tous conçus par Charles Ernest Nicholson : Shamrock V, Endeavour et Velsheda, dont la particularité est de n’avoir jamais servi de défi à la Coupe de l’America.
D’autres voiliers ont participé à des courses en Classe J, dont Katoura (William Starling Burgess, 1927), Resolute (Nathanael Herreshoff, 1914), Vanitie (William Gardner, 1914), en tant que lièvres et des 23mR britanniques de la Jauge Internationale convertis à la Jauge Universelle, dont trois ont survécu : Astra, Cambria et Candida. Six J Class naviguent actuellement de par le monde. Une réplique de Ranger en 2004 a accéléré la renaissance de la Classe J. Elle a été suivie par plusieurs répliques et études contemporaines, dont en 2009 JK6 Hanuman par le Néerlandais Gerard Dykstra, une réplique Charles Ernest Nicholson (Endeavour II, 1936) et en 2010, JH1 Lionheart construit par Andre Hoek aux Pays Bas. Avec Velsheda, habitué des Voiles, ce sont donc 4 Class J qui fendront de leur puissance les eaux du golfe.

Les IRC pour le sport
Cinq groupes classés selon la jauge IRC vont toutes la semaine permettre à près de 200 voiliers modernes d’en découdre en toute équité. On observera bien entendu les spectaculaires IRC A, les plus grands voiliers à s’exprimer chaque jour dès le lundi du côté de la Nioulargue, avec une belle armada de Swans emmené par l’immense Highland Breeze et ses 34 mètres. De nombreux prototypes futuristes concentrent les dernières avancées technologiques en matière d’architecture navale ;et le disputeront aux grand Soleil, Baltic, Firts et CNB. On pense au tout nouveau Tempus Fugit, superyacht inspiré des Class J, Firefly, le géant (35 mètres) F Class One Design Néerlandais signé Hoek, un vrai « racer » construit dans le plus pur esprit des yachts de tradition, ou Alice, le Centurion 57 signé Berret-Racoupeau…

Bénédiction
Le Père Michel Hayes bénira les bateaux participants aux Voiles de Saint-Tropez depuis le balcon de l’Hôtel Sube, lundi 30 septembre à partir de 9h. Pour appeler l’événement, les cloches sonneront à partir de 8h50 le jour même. La bénédiction des bateaux est un acte catholique traditionnel que le Père Michel Hayes, curé de la Paroisse de Saint-Tropez, et accessoirement « Chapelain de sa sainteté le pape François », reproduira lundi matin 30 septembre, depuis le balcon du mythique Hôtel Sube. Dès 8 heures 30 en ce premier jour des Voiles, les cloches de la paroisse sonneront pour appeler marins et gens de mer à s’associer à cette célébration très appréciée…
Le lundi c’est… les boules !
Le traditionnel tournoi de pétanque des équipages, toujours très couru place des Lices par les équipages en mal de revanche, a été déplacé du mercredi au lundi.

Un jour, un bateau… Chinook
Ou doit on encore l’appeler Pauline, de son nom de naissance en 1916? Nathanael Herreshoff dessinne ce sublime cotre aurique en réponse aux demandes du New York Yacht Club qui cherche un 40 pieds taillé pour la régate, mais confortable pour un équipage de 3 à 4 personnes. 12 voiliers sont ainsi commandités et verront le jour à l’aube des années 20. Jusqu’aux aanées trente, ils vont connaitre leur heure de gloire sur la côte est des Etats Unis, bénéficiant de certains aménagements au long des des années. Deux de ces 3roaring Forties » s’illustreront ainsi lors de la Bermuda race… sous gréement de yawl. Chinook fut construit en 1916 au chantier Herreshoff à Bristol, Rhode island, pour un certain Oliver Jenning de new York. Après différents changements de propriétaires, sa dénomination passe de Pauline, à Banshee puis Chinoook en 1929. Seul son désormais célèbre numéro de grand voile, NY48, ne changea jamais. Chinook navigue avec bonheur en méditerranée, et vient une nouvelle fois de s’illustrer la semaine dernière à Cannes, aux mains de son propriétaire Graham Walker, qui possède par ailleurs Rowdy, le NY 49 gréé en sloop Bermudien…

Le saviez vous?
Vel-She-Da – Velsheda est l’un des quatre immenses Class J engagés aux Voiles. Il est aussi l’un des plus anciens, lancés en 1933 pour le compte du propriétaire des magasins Woolworth, W. L. Stephenson. Celui-ci le dénomma Velsheda, étrange contraction des premières syllabes du prénom de ses trois filles, Velma, Sheila et Daphne…
Captain Nat, le sorcier de Bristol
Nathanael Green Herreshoff est sans soute le plus grand architecte naval américaine de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle, période reconnue comme « l’ère Herreshoff ». « Captain Nat » a inventé le dériveur, le quillard et le catamaran moderne. Ses voiliers, dont le fabuleux Reliance, ont gagné six fois la Coupe de l’America. Le Sorcier de Bristol, pur génie diplômé d’Harvard et du MIT sculptait selon sa légende ses monstres de 40 mètres dans un morceau de bois. Né le 18 mars 1848, il conçoit son premier voilier, Haidee, à l’âge de 16 ans. Lorsqu’il meurt, le 2 juin 1938, Nathanaël Greene Herreshoff a 90 ans. Il aura vu la Guerre de Sécession et une Guerre mondiale, la naissance de l’électricité, de l’automobile et de l’aviation. Il aura surtout vu ses idées gagner sur l’eau et essaimer la planète. En 72 ans de carrière, Nat Herreshoff a conçu et construit plus de 2 000 bateaux et produit plus de 18 000 plans. Entre 1890 et 1938, ses yachts ont remporté l’America’s Cup, l’Astor Cup, la Puritan Cup et la Kings Cup et glané plus de victoires que tous les autres architectes navals réunis.

Divinité Hindoue…
Le Class J Hanuman arbore dans son spi une étrange figure simiesque. Il s’agit d’une divinité très populaire en Inde, Hanuman, le dieu-singe, patron des lutteurs, dieu de la sagesse. Il est souvent représenté avec une massue. Une caractéristique d’Hanumân est sa fidélité complète et permanente à Rama, son Maître spirituel. Sa vie entière, ses actions, ses jours et ses nuits sont consacrés à servir son Maître. En un mot, Hanumân est l’image du parfait disciple. Après la victoire, Rama voulut récompenser Hanumân. Celui-ci refusa, trop heureux d’avoir été le champion de l’amour et de la justice. Cette noblesse est aujourd’hui encore illustrée par le proverbe hindou: « les singes pleurent sur les autres, jamais sur eux-mêmes. »

Ils ont dit…

Georges Kohrel, directeur de course : “Nous avons trois ronds à gérer. Ils sont totalement indépendants, et se gèrent comme bon leur semble. Il y a aussi toute une équipe chargée de la sécurité sur le rond des voiliers de Traditions, au coeur du golfe de Saint-Tropez. Cela fait 4 équipes, représentant 50 personnes pour les trois comités de course, et 16 personnes sur des semi-rigides pour la sécurité sur l’eau. On donne pour les Classiques, comme pour les Modernes, 5 départs chaque jour, avec en moyenne 35 bateaux par départ… Les parcours sont dessinés au sein de ces ronds. Les parcours font 15 milles nautiques environ de longueur, et on est en mesure d’effectuer deux fois ces parcours, ce qui donnent des courses d’une trentaine de milles en fonction du vent. Il y aura aussi l’option de deux grands parcours, soit vers Cavalaire soit vers la Chrétienne, si d’aventure le Mistral se mêlait à la fête. Nous avons un président de comité de course pour chaque rond, qui travaille avec un viseur pour définir la ligne de départ, un mouilleur pour la bouée de dégagement, bien dans l’axe du vent, et un bateau mouilleur qui « pose » les bouées. La grande difficulté du site, c’est qu’au large de Pampelonne, les fonds marins atteignent 750 mètres! Tout se passe habituellement bien ; on régate ici pour le plaisir.“
Sébastien Col, Magic Carpet : “Cela fait 4 ans que je suis dans l’équipage de Magic Carpet. Depuis le début de l’année, nous naviguons à bord du nouveau Magic Carpet, le cent pieds. Un superbe bateau, assez extrême qui impose un temps de mise au point. Nous sommes 26 personnes à bord. Si les Wally ont la réputation de bateaux très « automatisés », il faut bien réaliser que notre grand spinnaker dépasse les 1 000 m2, et qu’aucun système ne permet d’envoyer ce type de voile. Ce qui change réellement sur un Wally, c’est la réserve de puissance dont on dispose, générée par un moteur hydraulique, qui remplace les personnes très physiques aux moulins à café. Cette puissance est l’équivalent d’une dizaine de moulins à café, et donc d’une vingtaine de personnes pour les actionner. Le plan d’eau est intéressant, très particulier, et c’est toujours un challenge de naviguer ici, avec des effets de sites dans la baie. On a aussi souvent des vents légers et instables, et c’est un beau challenge de terminer la saison ici. Je suis dans la cellule arrière, composée du navigateur, du stratégiste, du tacticien et du barreur, en l’occurrence le propriétaire, Sir Lindsay Owen Jones. Je suis le tacticien et on essaie de prendre les bonnes décisions au bon moment.“

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