Avec deux options aussi radicalement marquées, il était fort probable de se retrouver avec de grands gagnants et d’aussi grands perdants. Tenants de l’option sud, Jörg Riechers et Sébastien Audigane (Mare) ne sont pas certains de sauver leur deuxième place au classement général. En faisant le choix de faire confiance à sa navigation en abandonnant le marquage sur leurs poursuivants, les deux compères de GDF SUEZ, Sébastien Rogues et Fabien Delahaye, ont fait le bon choix. Mais les cent derniers milles vont être particulièrement piégeux.

Il faut être sûr de son analyse pour décider d’abandonner le contrôle sur un adversaire direct quand on vise la victoire et que la ligne d’arrivée se rapproche. C’est pourtant ce qu’on fait Sébastien Rogues et Fabien Delahaye, il y a un peu plus de vingt-quatre heures, quand ils ont décidé de retourner, cap au nord-est, chercher plus de pression à l’entrée de la Manche. Bien leur en a pris puisqu’ils possèdent maintenant plus de 40 milles d’avance sur les tenants de l’option sud, Mare, Red et Campagne de France. Dans leur sillage, Gaetano Mura et Sam Manuard (BET 1128) de même que Louis Duc et Stéphanie Alran (Phoenix Europe Carac) doivent se frotter les mains d’avoir osé être allés au bout de leurs convictions. Ce trio devrait, en toute logique, pointer au plus vite le long des côtes de Bretagne pour tenter de récupérer quelques effets de brise thermique. Mais il faudra naviguer dans la bande côtière, à moins de 5 milles du rivage, pour en ressentir des effets significatifs.

Navigation inspirée

Il reste que c’est un joli coup que vient de réussir le tandem Rogues – Delahaye. Nanti d’une heure et demie d’avance sur Mare au départ d’Horta, les deux navigateurs ont su mener une course prudente, restant au contact de leurs adversaires directs, veillant à se recaler dans l’axe de la flotte, sans prendre de risques inconsidérés. La seule entorse à cette règle de conduite, ils l’ont faite hier, avec le résultat que l’on sait.
Car pour les sudistes, la punition est lourde. Dès minuit, le vent est brusquement tombé en même temps que le brouillard faisait son apparition. Dès lors entre veille des cargos ralliant le cap Finisterre à Ouessant, gestion d’un vent erratique voire aux abonnés absents et stress de l’attente du classement du matin, la nuit a dû être particulièrement pénible pour les quatre équipages les plus engagés dans cette option, Mare, Campagne de France, Red et Partouche.
Deux équipages sont restés sur une option intermédiaire et peuvent prétendre à une très belle place. Goulven Royer et Bertrand Buisson (Eärwen) ont poussé leur bord vers le nord un peu moins loin que les leaders, tandis qu’à bord de Solidaires en Peloton, Victorien Erussard et Thibault Vauchel-Camus, partis à l’origine dans une option sud, décidaient de se recentrer en début de nuit ; bien leur en a pris.

Effet tampon

Les dernières heures de course risquent toute fois de mettre les nerfs de tout le monde à rude épreuve. A la faveur d’une risée, il n’est pas rare de voir un Class40 afficher des moyennes tout à fait honorables de 8 à 9 nœuds pendant quelques dizaines de minutes, puis de retrouver le même se traînant misérablement quelques heures plus tard. Les écarts latéraux considérables – plus de cent milles à 150 milles de l’arrivée – à quelques heures du dénouement, les caprices d’un vent qui promet de redistribuer encore les cartes, tout peut contribuer à faire monter le suspense final. Maintenant, c’est chacun sa route : il n’y aura pas de marquage et de contrôle tactique, impossible à faire pour des voiliers qui vont arriver sur Les Sables d’Olonne avec des différences d’angle proche de 50 à 60°. Autant dire, que tout le monde va surveiller dans les derniers milles ce qui pourrait soudainement arriver sur l’horizon… Il va y avoir de l’ongle rongé au large des côtes de Vendée.

Ils ont dit :

Gaetano Mura (BET 1128)

On a eu pas mal de petits soucis, mais on n’est jamais sorti de notre course. On est content de l’option que l’on a choisie, mais ça va être long. Il n’y a pas beaucoup de vent devant nous. On a eu du boulot, mais on a bien géré tout çà. On va faire notre route sans trop se soucier des autres.

Sébastien Rogues (GDF SUEZ)

Pour l’instant on a eu le retour sur investissement qu‘on attendait. On est content de notre option. On a eu un petit vent de nord-est qui a tenu jusqu’à ce matin, mais la course est loin d’être finie. Mais être à 150 milles de l’arrivée avec 30 milles d’avance, ce n’est pas si mal. Maintenant, on ne peut plus faire de marquage, à nous de faire notre route. On devrait pouvoir arriver demain vers 12h (heure locale), peut être un peu plus tôt si on arrive à récupérer des restes de brises thermiques. C’est encore assez flou, compte tenu de la situation météo.

Goulven Royer (Eärwen)

On s’en sort pas trop mal, on dirait. On fait route directe sur l’arrivée à un peu plus de 7 nœuds avec un beau soleil. C’est toujours un peu tordu et on sait qu’à l’approche des côtes, il peut y avoir des effets thermiques et on peut s’attendre à tout à l’approche des Sables d’Olonne.

Sébastien Audigane (Mare)

On pensait avoir passé une petite zone de basses pressions et récupérer du vent avec un bon angle d’attaque. Mais là, on attend toujours le vent. On a encore un peu l’espoir de revenir, mais l’heure tourne. On devrait avoir un meilleur angle que nos camarades pour aller vers les Sables, mais il nous manque du vent. Du coup, on n’a pas beaucoup dormi, on est un peu cramé. Je pense qu’ils vont aussi être collés dans le nord et tout pourrait se jouer dans les derniers milles…

Classement de l’étape (à 16h TU+2) :

  1. GDF SUEZ (Sébastien Rogues – Fabien Delahaye), à 136,5 milles de l’arrivée
  2. Eärwen (Goulven Royer – Bertrand Buisson), à 20,6 milles du premier
  3. BET 1128 (Gaetano Mura – Samuel Manuard), à 21,3 milles
  4. Solidaires en Peloton (Victorien Erussard – Thibault Vauchel-Camus), à 22,6 milles
  5. Phoenix Europe Carac (Louis Duc, Stéphanie Alran), à 27,3 milles

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