Cap sur Plymouth !
A 12 heures (heure française) ce lundi, le coup d’envoi de la troisième étape off-shore de la Route des Princes a été donné en baie de Dublin. Les huit multicoques toujours en course ont d’abord effectué un petit parcours préliminaire – un aller et retour 7,2 milles devant le port de Dùn Laoghaire – avant de mettre cap au large. Si Virbac – Paprec 70 chez les MOD70 et FenêtréA-Cardinal chez les Multi50 ont pris d’emblée les commandes de la course, les 514 milles (345 pour les 50 pieds qui ne vireront finalement pas le phare du Fastnet) qu’il reste à parcourir avant de rallier le comté de Devon en Angleterre risquent de réserver bien des surprises. Et pour cause, c’est majoritairement dans de petits airs que va se jouer ce nouvel acte lors duquel les marins vont également devoir composer avec des très forts courants en cette période de grandes marées et des brumes le long des côtes britanniques. De quoi garantir le suspense jusqu’au bout !
Comme prévu, à 12 heures précise ce lundi, les Multi50, les MOD70 et le Maxi80 de la Route des Princes ont pris leur envol, direction Plymouth en Angleterre. Partis sous solent et grand voile haute, les multicoques ont profité d’un vent de nord nord-ouest soufflant autour d’une douzaine de nœuds pour boucler le petit parcours préliminaire de 7,2 milles mouillé devant Dùn – Loaghaire (entre la jetée est du port et la bouée Muglins), avant de mettre cap au large, Virbac-Paprec 70 de Jean-Pierre Dick et FenêtréA-Cardinal en tête dans leurs catégories respectives. A présent, tous les équipages font route vers l’est, en direction de la pointe du Pays de Galles qu’ils devraient atteindre en début de soirée après avoir négocié une première zone de transition. Le vent va, en effet, progressivement mollir cet après-midi avant de tourner au sud-ouest. Une fois la petite île de Bardsey (où, rappelons-le un premier point de bonus spécial sera attribué au premier de chaque classe) dépassée, la flotte de la Route des Princes se scindera alors en deux. Les MOD70 Edmond de Rothschild, Oman Air-Musandam et Virbac-Paprec 70 et le Maxi80 Prince de Bretagne entameront pour leur part une nouvelle traversée de la mer d’Irlande pour aller enrouler le Fastnet avant de faire route vers les Scilly. Les Scilly que les Multi50 Actual, Arkema – Région Aquitaine, FenêtréA-Cardinal et Rennes Métropole – Saint-Malo Agglomération rejoindront, eux, directement sans faire le crochet par le célèbre rocher. « Nous avons pris la décision de raccourcir le parcours des 50 pieds en raison des conditions météorologiques très légères annoncées en mer d’Irlande dans les prochaines 24 heures. Ainsi, au lieu de parcourir les 514 milles initialement prévus, ils devront en avaler 345 » a précisé Sylvie Viant, la Directrice de course.
Une étape à rebondissements
L’ensemble de la flotte devrait donc se retrouver au phare de Bishop Rock avant de poursuivre sa route en direction d’Eddystone puis de Plymouth où sera jugée l’arrivée de la course mercredi après-midi. Mais d’ici là, de nombreuses embûches vont jalonner le parcours des bateaux. Les courants notamment risquent bien de corser la tâche des marins. Déjà significatifs dans le canal Saint-Georges, ils sont franchement importants le long des côtes britanniques et en particulier à certains passages, comme la pointe de Land’s End – le point extrême sud-ouest de la Grande-Bretagne. De fait, les coefficients de marée des deux jours à venir sont de 100 et 105 et vont engendrer des courants pouvant atteindre jusqu’à 5-6 nœuds. L’autre paramètre qui devrait également compliquer le travail des équipages, c’est la présence de brumes le long des côtes. Pour résumer, cette troisième étape off-shore sera très technique. D’ailleurs, de l’avis de tous les navigateurs interrogés ce matin, au moment de quitter les pontons de Dùn Laoghaire, on risque bien d’assister à de nombreux retournements de situation mais aussi à de fréquents regroupements. « Ca va sympa à vivre et à suivre » a promis Jean-Pierre Dick.
Ils ont dit :
Multi50
Lalou Roucayrol (Arkema – Région Aquitaine) :
« Ca va être extrêmement compliqué parce qu’il n’y aura pas beaucoup de vent, il va falloir se concentrer à fond sur les réglages du bateau. Moi je n’aime pas trop la pétole ! On a eu la bonne nouvelle de pouvoir déplomber nos ancres si besoin. Il n’y pas beaucoup de fond, donc ça va peut être nous amener à mouiller dans ces coins-là. Ca va être intéressant, très énervant aussi ! Ce sera pour nous, sur Arkema, encore une nouvelle expérience. On ne passe plus par le Fastnet, donc cela va se jouer côté ouest de la côte anglaise, probablement à la côte pour se protéger du courant. On revoit donc notre stratégie, car il y a une grosse pétole qui s’établie quand on passe Land’s End, et il ne faudrait pas que la porte météo se ferme à se moment-là. Je pense que celui qui arrivera à se glisser arrivera probablement en tête jusqu’à Plymouth. »
Yves le Blevec (Actual) :
« Nous sommes dans un régime quasi estival avec un anticyclone qui pousse sur l’Europe, et ça ne génère pas beaucoup de vent. C’est une situation avec des zones de transitions importantes. Ca va être vraiment compliqué de savoir de quel côté on se situe, si on va vers plus de vent ou encore moins. En plus les systèmes météo vont se déplacer plus vite que nous, donc parfois on ça va être difficile à comprendre et à prévoir; les scenarii peuvent être très différents. On se prépare mentalement, car si on se fait distancer, il ne faut pas paniquer parce qu’il y aura des regroupements, et ça marche aussi l’autre sens ! Franchement, avec FenêtréA-Cardinal, je préfèrerais être une heure devant, et le voir une heure derrière, ça serait plus tranquille ! On va descendre le canal Saint-Georges avec un vent établi, en revanche, à la sortie du canal, ça va être plus compliqué jusqu’aux Scilly parce qu’on va être obligé de traverser cette barrière de pétole. »
Gilles Lamiré (Rennes Métropole – Saint-Malo Agglomération) :
« Ce matin la dépression s’en va et l’anticyclone arrive. On va connaître un vent qui ne va faire que mollir dans les prochaines heures, à tel point que l’on se demande même si on ne va pas être amené à mouiller vers la pointe ouest de l’Angleterre. Il va falloir être patient et être sur les réglages pour profiter du moindre souffle pour avancer vers notre destination. C’est une étape sur laquelle on va devoir composer avec des forts courants, la faute à de très gros coefficients. La visibilité sera sans doute assez réduite puisqu’il pourrait y avoir des effets de brume près de la côte. Ce sera donc une atmosphère étrange. Dans le sud de l’Angleterre, il y aura pas mal de choses à exploiter. Il faudra peut-être aller à la côte pour aller chercher des vents thermiques et jouer avec les effets de site pour avoir plus de vent. De toutes les façons, le chemin le plus court sera à la côte. Pour nous, c’est presque un nouveau départ car l’équipage est à moitié renouvelé. A présent, il est quasiment 100 % malouin et cancalais. On va découvrir le bateau dans le petit temps. On sait que ce ne sont pas ses conditions favorites parce qu’il est un peu lourd et qu’il est, en conséquence plus à l’aise dans la brise. Mais il faut que l’on apprenne aussi à le faire marcher par petit temps. »
MOD70
Jean-Pierre Dick (Virbac – Paprec 70)
: « Le coup de vent est passé et maintenant on est dans des conditions plus anticycloniques avec des dorsales à gérer, tout comme un petit front qui va être sur notre route pour aller jusqu’au Fastnet. Pour corser un peu le tout, il y a une marée très forte. Elle va être prédominante sous les côtes sud de l’Angleterre puis aux Scilly. Le courant sera non négligeable, c’est certain. L’étape sera assez technique avec pas mal de bascules de vent à négocier, par contre, elle ne sera pas trop angoissante parce que les risques de chavirage sont réduits. Ca être intéressant, à vivre et à suivre. A bord de Virbac-Paprec 70, maintenant on a peu trouvé notre vitesse de croisière et j’espère qu’on a pouvoir passer un peu à la caisse concernant les résultats. En tous les cas, c’est tout le mal que je me souhaite (rires) ! Il y aura des retournements de situation et c’est tant mieux pour la course. Le tout, ce sera d’arriver à prendre le dernier au mieux. »
Damian Foxall (Oman Air-Musandam) :
« Une troisième étape avec trois MOD 70, ça fait bizarre parce qu’on va laisser le bateau noir à Dublin sans mât et avec Jacques (Guichard) à l’hôpital. On va penser à lui parce qu’il était le leader de la flotte. Mais la course avec Edmond de Rothschild va continuer également avec Jean- Pierre Dick et l’équipage de Virbac-Paprec 70 qui monte en puissance. Ca va être une belle régate. La suite va être serrée. On a déjà vu que tout s’est joué sur la fin après 1000 milles parcourus entre Lisbonne et Dùn-Laoghaire. C’est bien de commencer aujourd’hui avec un aller et retour dans la baie pour compenser le manque d’inshore samedi et dimanche. Après, ce sera le Fastnet, Bishop aux Scilly et Eddystone, un parcours sympa. L’escale en Irlande je l’ai partagée avec des enfants et des amis, on leur a montré nos machines de course. Parfois, on a l’impression de passer pour des astronautes ! »
Sébastien Josse (Edmond de Rothschild) :
« Cette troisième étape va être très intéressante. On va partir avec un vent de nord-ouest qui va rapidement mollir dans l’après-midi pour tourner au sud-ouest. Ce sera la première transition. Il y en aura une deuxième à gérer à l’approche de l’Irlande, juste au dessus du Fastnet avec un petit minimum dépressionnaire qui va passer et perturber le flux. Ensuite, on va retrouver un nouveau vent de nord-ouest qui va nous emmener jusqu’aux Scilly. Dès lors, ce sera sympa. Par contre à l’arrivée, pour l’instant, c’est assez aléatoire. On espère que ça va un peu s’organiser dans les prochaines 24 heures. Il va y avoir des départs et des re-départs. En multicoque, dès que le premier d’arrête dans une bulle, les autres font le tour. Le dernier passe premier et le premier passe dernier. Je pense qu’on va connaitre cette situation ou moins deux ou trois fois dans l’étape. Ce n’est pas parce qu’on est un bateau de moins que la bataille sera moins intense. On est tous là pour gagner. »
Maxi80
Lionel Lemonchois (Maxi 80 Prince de Bretagne) :
« On va vers du petit temps, ou temps medium. On ne devrait pas trop user les cirés sur cette étape ! Il va falloir jouer avec les courants, en plus il y a du coefficient de marée, ça va être une vraie régate en Manche comme on connaît bien. Du côté de Wolf Rock, à la pointe ouest de l’Angleterre, quand il y n’y pas beaucoup d’air, c’est souvent là que ca bute un peu. La bagarre avec les MOD 70 va être compliquée, car quand ils sortent le grand gennaker pour faire du près, on a plus de mal. Je pense qu’on peut s’en sortir, mais ça ne va pas être facile. »