Pour cette ultime étape entre Roscoff et Dieppe*, il n’y a pas que la bataille pour une place sur le podium qui va retenir l’attention. Le classement des « bizuths » est important pour leur avenir, mais aussi le résultat des « révélations » et des « émergents » qui ont marqué cette 44ème édition de La Solitaire du Figaro-Eric Bompard cachemire, et des futurs animateurs des prochaines courses.

Il y a des années avec et des éditions sans. Tous les skippers le savent, même les plus titrés qui ont eu leur passage à vide ou eu le contrecoup d’une saison brillante : après sa victoire de 2005, Jérémie Beyou finissait 14ème, Michel Desjoyeaux 12ème après son premier succès de 1992, Armel Le Cléac’h 39ème avant de gagner l’édition 2010 quand Nicolas Lunven finissait 27ème après son score de 2009… Bref, La Solitaire du Figaro-Eric Bompard cachemire est une remise en cause perpétuelle de son niveau, mais aussi de son état de préparation et de sa force mentale : une contreperformance lors d’une étape suffit parfois à glisser un « grain de sable » dans l’engrenage du succès.

Géants aux pieds d’argile

Au sein du peloton, certains savent déjà que le podium final est un objectif hors de portée. D’abord parce qu’ils concèdent plus de deux heures de retard sur le leader Frédéric Duthil (Sepalumic), mais aussi parce que cette quatrième étape entre Roscoff et Dieppe ne semble plus permettre de créer des écarts importants à l’arrivée : de la brise pour presque tout ce parcours essentiellement en Manche…

Pour eux, le but ultime de cette manche est donc de briller sur le parcours côtier préliminaire devant Roscoff, de mener la flotte ne serait-ce que quelques bonnes dizaines de milles ou d’initier une option, de devancer quelques têtes de série à l’arrivée, voir de claquer l’étape. Mais aussi de tenter un dernier coup de rein qui leur permettrait de se hisser au sein du club fermé des Top Ten ou de conclure parmi les vingt premiers.

Or à l’intérieur de ce groupe qui pouvait prétendre à Bordeaux monter sur l’une de trois marches du podium, certains ont la « bouteille » et déjà un palmarès à faire trembler bien des solitaires à l’image de Gildas Morvan (Cercle Vert) 14ème à 2h23′ du leader, meneur de jeu malheureux de la deuxième manche entre Porto et Gijon et déjà plus en phase lors de la troisième (9ème). Le « géant vert » connaît la musique : il a auparavant fini 2ème (2008), trois fois 3ème (1999, 2000, 2001) mais aussi 29ème en 2011…

C’est aussi la situation de Thierry Chabagny (Gedimat) qui cumule douze participations avec des résultats en dents de scie : 2ème en 2006, 13ème en 2007, 4ème en 2009, 5ème en 2012… Le Finistérien a multiplié les expériences sur d’autres supports comme le Trophée Jules Verne ou le circuit des MOD-70. Bien débutée à Porto, sa course s’est dégradée lors de la deuxième étape alors qu’il était dans le groupe de tête au cap Finisterre, puis sur la troisième quand le décalage à l’Ouest s’est avéré une impasse. A 3h27′ du premier, il peut jouer les trouble-fêtes sur cette quatrième étape.

Tout comme Adrien Hardy (Agir recouvrement) peu en verve météorologique lors des deux premières manches alors qu’il animait la tête de course. Son troisième parcours dénotait plus justement sa capacité à mener une flotte comme il le fit entre Belle-Île et les Glénan ou comme en 2010 entre Brest et Kinsale où il s’imposait brillamment. 18ème à 3h40′ du leader, le jeune coureur aux six participations peut en surprendre plus d’un à Dieppe. Ou Paul Meilhat (Skipper Macif 2011) et Anthony Marchand (Bretagne-Crédit Mutuel Performance) qui n’ont pas réussi cette fois à émerger pour leur quatrième participation alors qu’ils figurent parmi les plus affûtés des Figaristes actuels. Question de timing, de feeling, de tempo, de transcendance…

Dernier mixage avant le final

Mais il y a aussi les régatiers habitués des spécificités de La Solitaire du Figaro : Vincent Biarnes (Prati’Bûches) a démontré une audace et une maîtrise remarquable lors de son départ bâbord amures à Gijon, menant la flotte sur tout le parcours préliminaire. Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls) surprend souvent par ses trajectoires radicales mais cela fonctionne parfois à l’image de la première manche. Frédéric Rivet (DFDS Seaways) ou Nicolas Jossier (In Extenso-Experts comptables) ont aussi réalisé de très bons coups mais encaissent les mauvais scores du deuxième acte.

Pour sa quatrième participation, Damien Guillou (La Solidarité Mutualiste) commence à prendre la mesure du challenge : 20ème, 7ème, 18ème au fil des manches mais surtout il montre qu’il accumule l’expérience pour l’avenir en tenant le rythme jusqu’au bout et en jouant les options en phase. Rappelons qu’il faut parfois treize participations avant de gagner comme Yann Eliès (Groupe Quéguiner-Leucémie espoir) l’an passé ! Car rares sont les solitaires qui terminent sur un podium lors de leur quatre premières participations…

Enfin il y a les « jeunes », ceux qui n’en sont qu’à leur première ou deuxième Solitaire du Figaro et qui démontrent un potentiel énorme. Manque de lucidité dû au déficit d’expérience, manque de sérénité dans la difficulté, trop plein d’énergie, mauvaise gestion du sommeil et de l’alimentation, dispersion tactique ou excès de rigueur stratégique.

Pêle-mêle et pas pour les mêmes raisons, se retrouvent les « bizuths » tels Jackson Bouttell (Artemis 77), Benoît Hochart (Adocis-IB Remarketing), Simon Troël (Les Recycleurs bretons), David Kenefick (Full Irish) ou Claire Pruvot (Port de Caen Ouistreham) et les « émergents » comme Nick Cherry (Magma Structures), Julien Villion (Seixo Habitat), Corentin Horeau (Bretagne-Crédit Mutuel Espoir), Thomas Ruyant (Destination Dunkerque), Henry Bomby (Rockfish)… Tous auront à cœur de s’extraire du peloton pour grimper l’échelle hiérarchique.

Le parcours de l’étape 4 modifié

En raison des fortes conditions météorologiques annoncées à partir de vendredi soir et toute la journée de samedi (vents de sud-ouest de 40 nœuds), le parcours de l’étape 4 a été modifié. Exit la boucle en mer d’Iroise. En lieu et place, les 40 solitaires feront route directement vers Wolf Rock après avoir viré une marque en Bretagne Nord. Puis ils iront enrouler la bouée Fairways, dans l’ouest de l’île de Wight (au lieu de la marque Owers, plus loin dans l’Est) avant une transmanche retour vers Antifer puis Dieppe. Au final, 415 milles au lieu des 514 prévus initialement. Cette réduction permet d’éviter le plus fort du coup de vent en Manche et sous les côtes anglaises.

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