A l’entame du deuxième jour dans sa tentative contre le record de la traversée de l’Atlantique, Francis Joyon et son grand trimaran IDEC sont aux prises avec des conditions météo très instables, peu propices à la très grande vitesse, sur une mer chaotique, et qui imposent un nombre élevé de manoeuvres sur le pont. IDEC mène malgré tout un train d’enfer, et s’il accuse un léger déficit, ce delta est imputable à une route loin dans le sud de l’orthodromie, et de celle suivie en juillet 2008 par Thomas Coville. Le rythme record est donc bien au rendez-vous. Francis Joyon s’adapte aux conditions qui lui sont proposées par Dame Nature et parie sur un déplacement vers l’Angleterre du système dépressionnaire qu’il a choisi de chevaucher depuis New-York.

Une route très sud

Alors que Francis Joyon cavale à plus de 28 noeuds en vitesse instantanée par 40° de latitude nord, soit environ la latitude de Porto, son adversaire virtuel Thomas Coville avait, en juillet 2008, tracé un sillon limpide au plus près de la route directe, progressant durant plus de trois jours de manière efficace vers la pointe de l’Angleterre. La dépression que Francis Joyon a choisi hier matin de rejoindre en partance des côtes américaines évolue quant à elle plus sud, et IDEC a tout au long de ces premières 24 heures de course, progressé près de 150 milles dans le sud de cette route optimale. Joyon va vite, et s’il déplore en distance de rapprochement au but un peu moins de 38 milles de retard sur Coville, il a en réalité depuis son départ de New-York, couvert 568 milles en 24 heures, à la vitesse de 23,66 noeuds de moyenne. Coville avait lu i signé une première journée à 546 milles, pour 22,75 noeuds de moyenne, mais sur une route plus efficace. IDEC doit demeurer en bordure de cette dépression dont le centre, moins venté, évolue en son nord. Il va dès cette mi-journée commencer à « mettre un peu de nord » dans sa route et, profitant des 30 noeuds et plus qui soufflent sur zone, grignoter aujourd’hui une partie de ce petit retard.

Une nuit agitée

Le navigateur de Locmariaquer a connu une nuit difficile, car la dépression incriminée, en plus de son déplacement loin de la route directe, s’est montrée très instable toute la nuit, variant considérablement en force comme en direction ; « J’ai eu constamment entre 24 et 39 noeuds de vent » témoignait Francis à la mi-journée. « Ce qui, sur un maxi multicoque, suppose des successions de changement de voilure, avec des prises et des largages de ris successifs… » Quelque peu fatigué par cette nuit seulement marquée par de brèves micro siestes, Francis Joyon, avec l’arrivée de faibles éclaircies dans un ciel de plomb, semblait discerner un début de stabilité dans la force et la direction du vent. « Je suis à 130 ° du vent, sous trinquette et deux ris, et la bateau avance bien » décrit-il. La grande incertitude de ce record express réside dans la direction finale que suivra la dépression. « Certains modèles la voient remonter vers l’Angleterre » explique Francis, « tandis que d’autres la voient demeurer sud. » Comme tout grand défi, cette tentative comporte donc sa part de hasard et de chance. Francis Joyon fait front avec sa placidité coutumière à tous les inconvénients inhérents à cette voile extrême qu’il aime pratiquer. « Il ne fait pas trop froid. Je suis en ciré car c’est très humide. Je suis content de m’éloigner des zones de pêche. J’ai vu beaucoup de bateaux de pêche cette nuit, et j’ai dû zig-zaguer entre de grosses bouées qui marquent les zones de pêche. La mer était parfois blanche d’écume, sous un ciel immensément sombre…. »

A l’évidence, l’heure est encore un peu prématurée pour Francis d’élaborer de fumeuses analyses de route. L’homme est à la bagarre, encaissant bille en tête des conditions de navigation extrêmes, soucieux d’une seule règle, mener à fond son grand trimaran rouge quelles que soient les humeurs d’Eole.

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