Adieu La Méditerranée, bonjour l’Atlantique !
Elle s’est montrée capricieuse, fidèle à sa réputation de mer imprévisible. Les huit multicoques de la Route des Princes, entre manoeuvres incessantes et vent irrégulier, ont mangé leur pain noir en Méditerranée depuis le départ de Valence dimanche dernier. Aujourd’hui, tous ont franchi le détroit de Gibraltar au près dans du petit temps avec en prime une zone de DST (disposition de séparation de trafic) à contourner. Oman Air – Musandam conserve sa petite vingtaine de milles d’avance sur son concurrent le plus proche (Spindrift), et pourrait bien arriver le tout premier à Lisbonne dès demain midi, en pleine fête des Saints Populaires !
Il y a des courses comme ça, où rien ne se déroule comme on l’avait imaginé. Aux dires des marins lors des vacations, ces fichus fichiers météo n’ont rien à voir avec la réalité. Donc impossible de faire son choix de route, de tenter un coup tactique, il faut composer avec le vent à l’instant « T ». « J’essaie de récupérer des infos météo mais je galère. Ce que je sais, c’est que ce sera mou mais je me méfie des fichiers météo, je n’en ai jamais vu d’aussi faux en Med’ » avouait ce midi Mayeul Riffet, équipier sur Arkema – Région Aquitaine. La part de chance, quelques équipages en ont bénéficié, comme Spindrift et Prince de Bretagne. Ils se sont échappés avec la bonne risée.
Le bonheur des uns fait le malheur des autres…
Les quatre MOD70 et le Maxi80 Prince de Bretagne sont donc aujourd’hui diablement étalés. 80 milles séparent Oman Air – Musandam et Virbac-Paprec 70. Spindrift et Edmond de Rothschild sont distants de 50 milles. « Nous nous attendions à une étape méditerranéenne et nous sommes servis. A terre, ça a été très aléatoire et certains comme Spindrift sont parvenus à redémarrer dans une risée quand d’autres comme nous sont restés scotchés ! C’est le jeu » avouait Sébastien Josse, skipper d’Edmond de Rothschild. Comme disait Bilou à la vacation : « On est joueur mais parfois c’est énervant. ».
Match-racing en Mutli 50 !
A toi, à moi… Actual et Arkema – Région Aquitaine se livrent à un duel sans merci depuis 24 heures. Ils naviguent à vue, se doublent, se repassent. La remontée vers Lisbonne promet d’être passionnante. Seul, FenêtréA-Cardinal ronge son frein à 18 milles derrière ses petits camarades. Pour tous, la dernière partie de course ne sera pas simple, car pour changer, ce sera encore du près dans les petits airs.
La fête à Lisbonne
Demain, la capitale du Portugal se transformera en une salle de fête gigantesque pour les Saints Populaires (Saint Antoine, Saint Jean et Saint Pierre). Plus de voitures, ni de bus, mais des défilés (chaque quartier de Lisbonne organise son propre cortège), de la musique, des chants et une nuit entière de fête et de danse. L’arrivée de la première étape de la Route des Princes ne pouvait pas mieux tomber. Nul doute que les marins, une fois le pied à terre, se laisseront emporter par la foule…
Classement du 11 juin à 16 h (heure française):
Multi 50
1 : Actual (Yves Le Blevec) à 252,50 milles de l’arrivée
2 : Arkéma – Région Aquitaine (Laloul Roucayrol) à 0,41 milles
3 : FenêtréA-Cardinal (Erwan Le Roux) à 18,50 milles.
MOD 70 :
1 : Oman Air – Musandam (Sidney Gavignet) à 233,15 milles
2 : Spindrift (Yann Guichard) à 19,22 milles
3 : Edmond de Rotschild (Sébastien Josse) à 72,39 milles
4 : Virbac-Paprec 70 (Jean-Pierre Dick) à 80,55 milles
ULTIME
1 : Maxi 80 Prince de Bretagne (Lionel Lemonchois) à 252,79 milles.
Ils ont dit :
Sébastien Josse (Edmond de Rothschild) :
« Nous nous attendions à une étape méditerranéenne et nous sommes servis. Les écarts que nous constatons aujourd’hui se sont joués dès la première nuit, à l’approche du Cap de la Nau. Là, c’est comme à Gibraltar, il y a un DST à respecter. Ce qui explique les routes un peu tranchées entre le groupe à terre et Oman. A terre, ça été très aléatoire et certains comme Spindrift sont parvenus à redémarrer dans une risée quand d’autres comme nous sont restés scotchés ! C’est le jeu. Maintenant, nous prenons notre mal en patience. Avec notre retard nous avons moins de vent que nos concurrents de tête de flotte et actuellement nous avons le courant contre nous ! Ce soir nous attendons du vent assez mou de Nord-Ouest qui se renforcera à l’approche du Cap Saint-Vincent. C’est encore du près ! Et ce n’est pas fini car le flux est annoncé de secteur Nord après Saint-Vincent… Clairement notre objectif du moment est de garder Virbac dans notre sillage pour conserver la troisième place. »
Erwan Tabarly (Spindrift) :
« On enchaine les manœuvres, tout l’équipage est sur le pont. Il y a un peu de trafic mais maintenant qu’on est au nord du DST – on n’a pas le droit de naviguer dans cette zone -, il y a un peu moins de cargos autour de nous. Jusqu’à ce matin, on avait des quarts assez réguliers mais depuis deux heures, tout le monde est à poste. On a réduit la voilure pour passer le détroit et on vire de bord régulièrement. On navigue à vue avec Prince de Bretagne depuis hier soir. On sa bat avec lui, c’est sympathique. En ce qui me concerne, c’est la première fois que je passe Gibraltar en course. En Figaro Bénéteau, on passe rarement par là. Je me régale. »
Mayeul Riffet (Arkema – Région Aquitaine)
« On a beaucoup manœuvré jusque là. Actuellement, Tomi, l’Italien, est dans la cuisine en train de faire des pâtes, Lalou est à la barre et Quentin, notre jeune apprenti est aux écoutes avec moi. Tac, tac… On vire de bord. Le but du jeu, c’est d’arriver à conserver un peu de vitesse dans les manœuvres. Des fois, ça rate. Là, on vient justement de partir carrément en marche arrière, mais sans grande incidence pour la suite de la course. Depuis hier midi, on est tous en visu assez régulièrement. C’est plutôt pas mal. On a réussi à prendre la tête hier, avec une option un peu plus au large que les autres. On n’a pas eu le même vent. On a notamment eu un peu de gauche, ce qui nous a permis de combler notre retard et de nous retrouver devant Actual. On a beaucoup manœuvré, beaucoup matossé nos voiles. Physiquement, on a pas mal tiré sur les bêtes. »
Roland Jourdain dit Bilou (Virbac-Paprec 70)
« Du point de vue des conditions climatiques, c’est génial car parfois la mer d’Alboran peut être plus remuante. On a passé une jolie nuit, en revanche côté classement on en a connu de meilleurs ! Edmond de Rothschild n’est pas trop loin de nous, ça nous permet de régater farouchement. Ce qui c’est passé ? C’est la Méditerranée dans toute sa splendeur. Ça s’est joué à pas grand-chose. Il y avait du match dès la première bouée, Oman a été bien inspiré de glisser dans l’est et on s’est retrouvé à trois bateaux près de la terre, on a réussi à s’extraire de la côte avec Spindrift, et puis à 100 m de décalage, Spindrift est parti avec le vent. C’est vraiment un scénario méditerranéen ! On est joueur mais parfois c’est énervant. Maintenant, on a un vent qui tourne autour de 10 nœuds, on passe le détroit de Gibraltar au près, la mer est calme, on a beaucoup de cargos… »