33 minutes d’écart après 21 jours de course et 4 548 de milles parcourus… La place de dauphin de la Transat Bretagne – Martinique 2013 a été pour le moins disputée. Gildas Morvan (Cercle Vert) et Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012), au coude à coude depuis le sud du Portugal, se sont livrés à un duel sans merci au coeur d’une transatlantique aux conditions météorologiques éreintantes.

Le géant vert de Landéda a eu chaud ! Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012) s’est senti pousser des ailes, depuis le 4 avril dernier. De 25 milles, il est revenu hier soir à 3 milles du tableau arrière de Cercle Vert. De quoi faire diablement monter la pression la dernière nuit passée en mer.

Les deux solitaires ne se sont pas lâchés d’une semelle depuis la latitude du cap Saint-Vincent au Portugal, malgré les conditions rudes générées par deux grosses dépressions. Au classement, l’élastique n’a cessé de se tendre et se détendre au fil des jours passant de 15 à 40 milles, puis se resserrant définitivement à quelques milles de l’arrivée. Fabien Delahaye était à deux doigts de ne faire qu’une bouchée de son rival ultra expérimenté Gildas Morvan. Même à bout de souffle après 21 jours de navigation, les deux figaristes nous ont offert un duel palpitant. A bientôt 29 ans, Fabien affiche un palmarès à la progression fulgurante marquée, entre autres, par une place de deuxième dans la précédente édition de la Transat en solitaire à armes égales. Il fait partie de cette jeune génération de coureurs à la préparation sans faille, à la tête bien faite, à la volonté d’en découdre, au moral de champion. Pas étonnant qu’il se soit accroché au vieux briscard Gildas Morvan. Mais l’homme aux 14 transatlantiques et aux 17 participations à la Solitaire du Figaro – Eric Bompard cachemire est de loin le plus expérimenté du circuit. A 44 ans, Gildas manie son Figaro Bénéteau comme une mobylette, surtout dans la baston. Un marin pugnace au moral d’acier à qui on ne la fait pas. L’Atlantique demeure son terrain de jeu favori, il l’a prouvé en remportant la Transat AG2R – LA MONDIALE en 2012 aux côtés de Charlie Dalin. Sacré Champion de France Elite de Course au large en Solitaire à deux reprises (2008 et 2009), Gildas Morvan fait toujours figure « d’homme à abattre » quelle que soit l’épreuve du circuit Figaro Bénéteau. Sur cette Transat Bretagne – Martinique, il s’est battu comme un enragé pour cette place de dauphin. « Ce n’est pas à un vieux singe qu’on apprend à faire des grimaces… ».

Les premiers mots de Gildas Morvan (Cercle Vert):

« Cette transat, ce sont vraiment de bons souvenirs. Les deux dépressions, c’était dur, on a pris cher. J’ai même mis mon tourmentin et deux ris, c’est la première fois. Après, on est descendu plein sud, c’était magique, fabuleux, il y avait des poissons partout, des centaines d’oiseaux, des pêcheurs, un 4x 4 sur la route qui me suivait, des grandes dunes, des villages… On a fait une super balade. C’était un grand tour, c’est rare de passer entre Les Canaries et le Cap Vert. Mais on a toujours eu du vent. Erwan avait 40 milles d’avance au début des alizés, et je me suis dit que ça n’allait pas être évident de le rattraper. Les alizés ont été durs, on a eu 48 heures de baston, je me suis fait coucher avec le petit spi, coucher à 90° ! Les grains duraient longtemps, une demie heure parfois…
J’ai halluciné hier soir, à un moment Fabien avait 10 milles de retard, donc j’étais plutôt confiant. Et à un moment, je vois une baleine morte, et puis je lève les yeux et là je vois une tâche verte, et je me dis c’est pas possible ! Fabien est à 3 milles derrière ! En fait, on a eu moins de vent, et lui avait du vent, il avançait trois milles plus vite qu’Erwan pendant une heure ou deux, c’était dingue ! Tout à coup, le téléphone sonne, et là j’entend « Salut, c’est Fabien, ca va ? » Dans mon for intérieur, je me suis dit mon coco tu ne passeras pas comme ça, je n’ai pas dormi de la nuit, j’ai été au taquet à fond du début à la fin, à la barre tout le temps pour ne pas le laisser passer. J’aurais eu un peu pitié de perdre ma place quand même !  »

Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012) :

 » C’est la première fois où j’ai du choisir des moments de course et des moments de navigation en bon marin, pour jouer la sécurité. On met parfois le jeu de côté pour préserver le bateau sur le long terme. Erwan a fait une super course, Gildas a été plutôt conservateur comme moi, comme de faire le tour de la situation délicate. Erwan a régné en patron sur cette Transat, et au final je suis content de moi sur cette Transat, 3e c’est top ! C’était beau les côtes africaines, je trouve ça génial, les falaises de sable, le coucher de soleil, c’est magnifique. Sur la prochaine Transat AG2R – LA MONDIALE, si on nous enlève le point GPS là haut, on pourra peut-être le refaire… J’ai surveillé tout le temps Anthony Marchand, il fait une super Transat, mais j’avais à cœur de rattraper Gildas. Alors, j’ai joué des petits coups. Hier soir, il était 3 milles devant moi à vue, c’était top, mais après c’était tout droit et Gildas, il est bon au largue serré, c’est sa spécialité. Je n’étais pas le plus rapide cette nuit, j’avais peur de casser dans les grains, et de me faire rattraper par Anthony. La fatigue, il y en a mais je ne pense pas être le plus fatigué de la flotte, j’ai bien géré mon sommeil. « 

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