Coups de barre…
Il n’y a pas à tortiller, quand le vent est instable en force et en direction, que la houle s’en mêle, il faut barrer ! Les solitaires demeurent donc sur le pont, nuit et jour, à surfer sur les vagues, à régler le spi dans les molles, les adonnantes ou les refusantes. Le dernier morceau du parcours de la Transat Bretagne-Martinique se montre pour le moins costaud. Les marins dorment peu et font monter la pression sur leurs concurrents les plus proches. Erwan Tabarly (Armor Lux – Comptoir de la Mer), toujours aux commandes de la course, commence à regarder dans son rétroviseur, car Gildas Morvan (Cercle Vert) semble plus offensif que jamais. Il reste une semaine de course, une semaine qui promet d’être intense.
A la vacation ce matin, les voix étaient embrumées par le manque de sommeil. Une nuit blanche pour la plupart des marins qui n’ont pas lâché la barre de leur Figaro Bénéteau 2. « J’ai barré toute la journée, quasiment toute la nuit et ce matin. C’est rentré vers 4 h, à 15/20 nœuds, donc ça glisse ! Je suis un peu fatigué mais je suis content d’aller vite ! » racontait Arnaud Godart-Philippe (Régates Sénonaises). Le skipper bourguignon a décidément toujours la banane malgré ses avaries successives (grand-voile déchirée, électronique défaillante, côte cassée). Un bizuth qui vit son rêve de gosse et réalise une belle course sans se mettre la pression.
En revanche, de la pression, il y en a sur le reste de la flotte. Trois compères se disputent la quatrième place, voire la troisième. Adrien Hardy (Agir Recouvrement) a chipé cette nuit la place de Yoann Richomme (DLBC – Module Création), et se verrait bien chatouiller l’actuel troisième du classement, Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012) : « Depuis quelques jours, je regardais la distance avec Yoann et là je vais regarder avec Fabien. Il peut toujours se passer des choses, même de la casse. On peut encore y croire. » avouait Adrien à la vacation.
Une semaine de course, c’est encore long. D’autant que l’alizé devrait se renforcer dans quelques heures avec des passages de grains dans la nuit. Les bateaux ont déjà deux semaines de mer sous la quille, les spis commencent à fatiguer, les bonshommes aussi. Il leur faut également se restreindre en consommation d’énergie. Car sans énergie, plus de batteries, donc plus de pilote automatique (indispensable pour seconder le marin à la barre), et donc plus de course. Eric Baray (Tektôn – AGM/Région Martinique) le sait mieux que quiconque. Il est toujours en escale à Las Palmas pour réparer ses pilotes, mais devrait repartir demain midi.
Pour l’heure, les solitaires sont obligés de mettre un peu de sud dans leur route pour aborder la fin du parcours avec un bon angle et une bonne vitesse. Une dernière semaine pour tenter des coups et se donner à 200%. Ils vont arriver usés de l’autre côté…
Les cinq premiers à 16 h
- Armor Lux – Comptoir de la Mer (Erwan Tabarly) à 1 556,46 milles de l’arrivée
- Cercle Vert (Gildas Morvan) à 42,66 milles
- Skipper Macif 2012 (Fabien Delahaye) à 70,9 milles
- Agir Recouvrement (Adrien Hardy) à 110,93 milles
- DLBC – Module Création (Yoann Richomme) à 120,15 milles…
Ils ont dit :
Yoann Richomme (DLBC – Module Création)
« Mon ami Adrien m’a mis la pression hier, ça ne s’est pas très bien passé pour moi. Il a réussi à se faire la malle par en dessous, on repart à zéro avec lui, on va repartir à l’attaque. On va tous à la même vitesse. J’étais incapable de faire la même trajectoire que lui. Nous n’avons pas beaucoup d’état d’âme durant la course ! J’ai passé une soirée très désagréable hier, je n’arrivais pas à décider de ce que je devais faire, ni quelle stratégie adopter. J’ai réfléchi, j’ai écouté de la musique, j’ai fait autre chose et puis j’ai décidé de me rapprocher de lui et d’adopter une stratégie neutre et de repartir sur une page blanche ! »
Anthony Marchand (Bretagne – Crédit Mutuel Performance)
« C’est un peu galère 40° de bascule, mais cette nuit c’est beaucoup plus stable et ça fait du bien. Au portant avec nos bateaux, on met le pilote en mode vent, on lui donne un angle par rapport au vent, mais quand ça tourne ça devient galère ! Après il peut se passer des choses, déjà sur l’arrivée, il y a aura des empannages. Les spis ont des accrocs suite aux conditions passées, à cause des barres de flèches. Là, dans du vent stable quand il est gonflé, ça peut causer des soucis à certains, il peut se passer dans choses dans les jours à venir. »
Damien Guillou (La Solidarité Mutualiste)
« Le vent n’est pas favorable en direction. C’est dur d’aller tout droit, sinon la nuit a été correcte. Si le vent reste ainsi je vais rester comme ça en tribord et je vais à peu près rester sur le même cap. Le matin, le vent peut basculer à droite et là on se recale mais je vais rester un moment comme ça pour essayer de me replacer d’ici une rotation qui devrait arriver sur du long terme. Je n’ai pas empanné depuis les dernières 24 heures. Ce qui m’embête un peu c’est que Simon ait un peu plus de vent, ce qui me donne un petit déficit de vitesse mais cela devrait se répartir d’ici quelques temps. Quand ça dure longtemps, je regarde le logiciel et on fait des petites choses. L’idée est d’avoir des vitesses régulières et stables plutôt que de faire du surf, de s’arrêter et de repartir. »
Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012)
« Pas évident cette nuit, très irrégulier, très dur, on prend des refus à 25 nœuds, on prend des grosses adonnantes avec de la molle, ce n’est pas évident. Je n’ai pas beaucoup dormi avec pas mal de changements de spi. Derrière, ils ont glissé, mais ils n’ont pas accéléré en glissant. Ce n’est peut-être pas une bonne opération pour eux. Je sais ce que je veux faire, aller vite dans l’ouest et pour l’instant je vois que devant, Erwan et Gildas, sont dans la même tendance que moi. Des opportunités il y en aura d’autres. Pour le moment ça va, on est à la même vitesse. Il y a de grandes chances que dans les prochaines 24 heures, ce soit pareil. C’est un très long bord avec un vent qui a du mal à se stabiliser. »
Corentin Horeau (Bretagne – Crédit Mutuel Espoir)
« Depuis hier soir il y a du vent, ça déboule, je suis sous spi, nous sommes un peu plus lofés qu’avant mais il faut être à la barre. On fait de belles pointes. En force et en direction ça pousse pas mal mais ça va, c’est plutôt cool. J’ai un peu de mal à lofer. Damien au-dessus a bien écrasé. Mais rien n’est joué et ce n’est pas plus mal d’être dans le sud pour la fin. Je croise les doigts mais tout va bien au niveau de mon spi. Il faut y faire attention. On a entre 15 et 20 nœuds de vent dans les deux prochains jours selon les fichiers, il va falloir attaquer. Je barre un maximum car je n’ai plus trop de gasoil. Je prends du plaisir à la barre même s’il y a moins de soleil qu’hier. J’ai vu un grand banc de dauphins hier c’était impressionnant. Il y avait 50 dauphins qui sautaient ! »