Conformément aux prévisions, le vent qui s’était déjà renforcé progressivement toute la journée d’hier a continué de monter graduellement la nuit dernière pour atteindre le coup de vent. Ce matin, c’est donc avec 35-40 noeuds de vent de face et une mer démontée que doivent composer les 14 solitaires de la Transat Bretagne – Martinique. Autant le dire, ça tape fort.

« C’est la guerre ! », lâchait Damien Guillou, leader au premier pointage du jour, à la vacation de 5 heures. En choisissant l’option ouest après le passage du DST du cap Finisterre, à l’instar de Corentin Horeau (Bretagne – Crédit Mutuel Espoir), Anthony Marchand (Bretagne – Crédit Mutuel Performance) et Yann Elès (Groupe Quéguiner – Leucémie Espoir), le skipper de La Solidarité Mutualiste le sait : il a pris des risques. « En venant sur cette partie du plan d’eau, on s’attendait à avoir beaucoup de vent. On est servi. C’est vrai qu’on joue un peu avec le feu mais s’il n’y a pas de casse, ce sera un bon coup », commentait-il ce matin. De fait, lui et ses trois camarades de jeu progressent au plus près de la route directe et seront les premiers à toucher le nouveau vent après le passage du front, dans la soirée. Le pari est osé mais les bénéfices pourraient être significatifs. Reste que, comme le signifiait Damien Guillou tôt ce jeudi, il faut passer sans encombre cette tempête.

Pour l’heure, tout se passe bien même si Corentin Horeau, le benjamin de la petite bande des quatre – et de l’épreuve – avouait être passé « en mode survie » ces dernières heures. « Je navigue avec un ris dans la grand-voile et un ris dans le solent. Je sais que ce n’est pas une configuration très conventionnelle mais je préfère assurer, quitte à aller un peu moins vite », détaillait-il, avouant par ailleurs que plus que la force du vent, c’est l’état de la mer qui l’impressionne. Idem pour Anthony Marchand : « Ca tape énormément. C’est l’horreur. C’est la machine à laver. Ca tape super fort et le bruit est franchement désagréable ». Le skipper de skipper de Bretagne – Crédit Mutuel Performance a conscience qu’il n’est pas au bout de sa peine puisque la situation ne devrait pas s’améliorer avant la fin de la journée. Pire, le vent pourrait même encore fraîchir encore un peu entre 12 et 18 heures, dans le front. C’est d’ailleurs dans ce laps de temps, quand le vent va changer de direction et passer ouest, qu’il faudra effectuer un virement de bord. « Cela risque d’être une manœuvre un peu périlleuse. Il faudra faire attention de ne pas faire de manque à virer, de ne rien casser » détaillait le leader du classement de 5 heures qui estime le changement d’amure aux alentours de 17 heures TU. Dès lors, lui et les trois autres se retrouveront au reaching tandis que leurs adversaires, plus à l’est seront toujours au près. De quoi, peut-être, creuser encore les écarts…

Ils ont dit :

Damien Guillou – La Solidarité Mutualiste :

« Là c’est la guerre ! Nous avons 45 nœuds de vent, ça n’a pas arrêté de la nuit. C’est super fort, je fais route. Je sais que ça va durer encore jusqu’en milieu d’après-midi, ce n’est pas évident. Moi ça va mais ce qui me fait peur c’est plutôt le bateau, les voiles et surtout la grand-voile. Hier j’ai eu un problème de latte sur la grand-voile, ça a tenu cette nuit mais je ne suis pas serein. Côté mer et vent, je ne sais pas si j’ai déjà vécu ça aussi fort et aussi longtemps. C’est plus fort que lors de la première dépression mais là nous avons passé la moitié. Pour le moment tout tient, il faut espérer que ça continue à tenir comme ça et ce sera bon. Je suis sous pilote car c’est trop dangereux dehors, je règle le pilote de l’intérieur en permanence car je crains que le bateau ne fasse un virement intempestif. Ce serait la catastrophe dans ces conditions. Je m’accroche comme je peux, j’évite de me cogner je fais tout pour préserver les voiles au maximum. Nous aurons un virement de bord aujourd’hui avec la rotation puis on repartira sur une route sud. J’ai hâte qu’il arrive car cela voudra dire que l’on sera allé chercher la bascule. S’il n’y a pas de casse ce sera un bon coup mais on joue avec le feu. C’est limite pour nous, il ne faut pas qu’il y ait d’imprévus, ça peut vite devenir compliqué. J’essaie de passer et on verra après. »

Corentin Horeau – Bretagne – Crédit Mutuel Espoir :

« Là c’est le mode « survie ». Il y a 40 nœuds. J’ai un ris dans la grand-voile et un ris dans le solent. C’est marrant, ça me fait un peu penser au Vendée Globe. Le pilote se débrouille tout seul, ce n’est pas trop mal. Vivement que ça passe. Ce n’est pas plus fort que l’autre jour mais là, le vent est de face, ca tape beaucoup. Il y a deux jours c’était moins « chiant ». Il faut aller voir dehors le matin si tout va bien mais là ça va. Je suis surpris, j’ai réussi à faire un bon petit réglage de pilote et il ne s’en sort pas trop mal. Je vois le phare de Damien (Damien Guillou – La Solidarité Mutualiste). Je suis en train de faire la météo là. J’en avais discuté l’année dernière lors de la Transat AG2R LA MONDIALE, ils avaient eu une manœuvre à faire aussi dans du vent fort avec 45 nœuds dans le golfe de Gascogne. On m’avait donné des petits conseils … je vais bien prendre le temps de décomposer la manœuvre. Après le virement, on sera au reaching et même si c’est encore fort, ce sera mieux. J’ai un ris dans le solent, ce n’est peut-être pas ce que l’on préconise mais je préfère assurer le coup. Je vois que Damien va plus vite que moi au-dessus mais je préfère aller un peu moins vite et essayer de passer sans rien casser. »

Anthony Marchand – Bretagne – Crédit Mutuel Performance :

« Pour le moment, je ne fais que manger, dormir, manger, dormir et être allongé. Il fait froid et c’est l’horreur. Nous sommes comme dans une machine à laver. Je suis sous pilote, ça marche plutôt bien donc je préfère dormir. Là, j’ai 37/38 nœuds de vent établis. On fatigue un peu. Ca tape et c’est vraiment désagréable le bruit. Lors de la première dépression, le vent était de travers et là nous sommes au près serré donc ça cogne un peu plus. Le choc des vagues est plus violent de face que de travers. J’ai un ris et le solent. Si ça monte à plus de 40 nœuds, je prendrai le deuxième ris. Le virement à venir sera primordial. J’espère que notre choix de l’ouest va payer, sinon je serai vraiment dégouté. Il faut faire attention à cause des conditions météorologiques et de la mer qui sont fortes. On va chercher le vent à droite, là on est du bon côté. »

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