Bouleversements en vue
Si les concurrents de la Panerai Transat Classique 2012 affichaient de belles moyennes depuis quelques jours, les vitesses devraient diminuer dans les prochaines heures… en particulier pour la deuxième partie de la flotte. À La Barbade, l’impatience grandit et les écoliers ont hâte de rencontrer ces marins devenus leurs héros.
Sans doute est-ce le signe que l’arrivée approche et que rien n’est joué. Les concurrents de la Panerai Transat Classique jouent, depuis 48 heures, la carte du « Silence radio » et peu d’informations proviennent des bateaux. Il faut dire que la situation se complique, avec une météo délicate à négocier. Si les premiers, White Dolphin et The Blue Peter avec un écart stabilisé autour de 70 milles – il leur en reste 750 à courir -, accompagnés de Red Hackle vont échapper à la bulle anticyclonique en formation, derrière, le passage à niveau devrait faire des victimes. Pour Valteam et Gweneven, l’enjeu est simple : privilégiant une route nord, proche de la route directe, depuis les Canaries, ils doivent plonger au sud pour ne pas s’engluer dans la zone sans vent. Mais Valteam, en panne de téléphone Iridium, permettant de recevoir les fichiers météo, navigue un peu à l’aveugle : saura-t-il percevoir la menace ? Pour le groupe intermédiaire des sudistes, composé de Corto, Persephone, et Croix des Gardes, les chances de « survie » sont supérieures, leurs positions étant plus favorables pour glisser devant cette bulle. Quant à l’arrière-garde, et en particulier Gimcrack, Cipango et Artaius – Marie des Isles est hélas bien décramponné -, leur principal atout dans les prochains jours devrait être… la patience.
Enthousiasme et petites misères
Si les équipages font preuve de discrétion, les écoliers de La Barbade montrent, depuis le départ de Cascais et les premiers échanges de messages, un enthousiasme qui ne faiblit pas, alors même qu’ils sont partis pour les vacances de Noël. La presse locale de La Barbade s’est emparée de ce partenariat pédagogique entre des classes du primaire et les bateaux de la Panerai Transat Classique. Dans Hello ! Magazine, Rhonelle Smith, coordonnatrice de l’opération sur l’île, explique que la course sert de support pédagogique dans différentes matières : géographie, histoire, mathématiques… Les enfants attendent de pied ferme les concurrents et leur ont préparé des surprises, avec des dessins et une banderole d’accueil, avant de pouvoir visiter les bateaux et rencontrer les marins. Une séquence sans doute chargée d’émotion. En attendant ce moment fort, les bateaux font part de leurs petits soucis du bord, sans rien de grave. Sur Cipango, l’enrouleur de génois (qui permet de réduire facilement la voilure, ndlr) s’est cassé : impossible de rouler la voile. Il va falloir affaler le génois puis envoyer quelqu’un en tête de mât, une opération impossible pour le moment compte tenu des mauvaises conditions de mer. À plusieurs mètres au-dessus du pont, les mouvements du mât sont amplifiés et trop dangereux pour y envoyer un équipier. Les matériels de pêche ont également souffert et le frais va se faire rare. Les estomacs vont-ils crier famine…
Messages du bord
Artaius
« Nous avons fêté en grande pompe l’anniversaire de Joël. Au menu, champagne et ….. saumon à l’aneth lyophilisé. Nous avions effectivement mis les cannes à l’eau pour le céviche. Malheureusement, le matériel de pêche de premier choix n’a pas résisté aux furieux assauts de la dorade coryphène que nous avons leurrée 5 minutes après avoir mouillé la ligne. Le fauve est parti avec une partie du matériel de grand prix. Une nouvelle tentative aura lieu aujourd’hui. Nous sommes toujours sous restriction d’eau bien que nous ayons fortuitement résolu le mystère des contenances volumétriques de nos tanks d’eau. Après avoir démonté le plancher, Morgann a pris les mesures exactes de chacun des trois tanks d’eau et calculé leur contenance théorique. Sur le livre de bord, il s’avèrerait donc que les tanks de gasoil sont exprimés en US gallons alors que les tanks d’eau le sont en gallons impériaux. Et pour couronner le tout, les sondes sont reliées à un indicateur à pression exprimant la hauteur d’eau en pouces. Aarrrrrghhh ! Bref, nous nous sommes mis à la douche à l’eau de mer avec un savon/shampoing spécial. N’était l’odeur un peu industrielle de ce gel, c’est un vrai plaisir de se doucher à l’eau de mer. C’est un peu notre thalasso. »
Croix des Gardes
« L’eau est précieuse et chère, et les bateaux de course sont partis avec seulement 1 litre d’eau par jour et par personne. À la maison, nous gaspillons des litres de cette ressource. En mer, chaque goutte d’eau est précieuse, même si elle nous entoure à l’infini. Nous utilisons l’eau de mer pour rincer les toilettes et la vaisselle. Après le brossage des dents, la gorgée d’eau douce est à savourer. Nous avons réparé le dessalinisateur, il faut dépenser deux litres de gasoil pour faire 60 litres d’eau douce : c’est notre coût environnemental. Aujourd’hui, pourquoi ne pas penser à nous et essayer de conserver un peu de cette précieuse ressource. »
Red Hackle
« Ça y est, c’est passé, exactement à 1H50 20 secondes (le 16 décembre, ndlr), le Red Hackle a atteint le chiffre de 999 milles to the paradize. Pour cela, les deux hommes de quart , Titi et Jaco, très appliqués aux réglages de leur navire, ont pu se relâcher deux petites minutes pour fêter cet évènement unique en son genre : petit verre de vin blanc partagé à la timonerie avec petite découpe de jambon serrano en accompagnement. »
Cipango
« Un dimanche riche en émotions. Tout d’abord, on change d’heure : décision du capitaine ! On rajoute 1 heure de plus : au lieu d’être 8 h au réveil, il est 7 h. Chacun voit cette heure supplémentaire différemment : 1 h de plus à dormir ou 1 h de plus à barrer. Cela nous permet, en tout cas, de suivre le passage des fuseaux horaires et de se caler avec le soleil, le matin. On devra répéter plusieurs fois cette opération jusqu’à la Barbade puisque, là-bas, vous êtes à TU -4 et nous ne sommes rendus qu’à TU -1.
Deuxième information importante, notre unique ligne de pêche s’est retrouvée coupée nette et nous n’avons plus de leurre, plus d’hameçons. Notre seul espoir reste l’échouage malencontreux d’un poisson volant sur le pont car nous en voyons de plus en plus. Et ça, c’est extraordinaire ! On dirait des oiseaux tellement ils volent longtemps hors de l’eau en faisant des virages, le tout à une vitesse surprenante ! […] Enfin, hier, en affalant le spi, il s’est déchiré sur cinquante centimètres près du point d’écoute. Aujourd’hui, j’ai donc sorti le fil de couture et c’est parti pour la suture. J’ai fait un surjet point passé – comme lorsque je recouds les vaches (Juliette est vétérinaire, ndlr). L’opération s’est bien passée et le spi est dans son sac, de nouveau prêt à être envoyé. »