Après l’effort, le réconfort. Arrivés à la mi-course, les concurrents de la Panerai Transat Classique 2012 se sont régalés avec les produits italiens offerts par Panerai. Mais la question de l’eau et de sa gestion taraude plusieurs équipages alors qu’il reste encore plus d’une douzaine de jours de course.

Dans quelques heures, la presque totalité des concurrents de la Panerai Transat Classique 2012 seront passés dans la deuxième moitié du parcours, à moins de 1 650 milles de l’arrivée. Seul Marie des Isles, très pénalisé par ses soucis de grand voile à l’approche des Canaries, se trouve en retrait, avec plus de 2 200 milles à courir. Ce passage marque le moment pour les équipages d’ouvrir la mystérieuse boîte offerte par Panerai, le matin du départ à Cascais. Ils ont pu y découvrir des produits italiens typiques, pâtes, jambon, huile d’olive et vin rouge. De quoi fêter dignement ce moment important dans la vie de la course et se réconforter, d’autant que sur certains voiliers comme Artaius, la prise de conscience de se trouver en suspension au-dessus des grands fonds a créé de petites angoisses : « Nous sommes à 400 milles au nord-est des Iles du Cap-Vert, au-dessus de la plaine abyssale du même nom par 5000 m de fond. Dehors, une nuit d’encre sans étoiles, et seul le murmure rauque du vent qui soupire nous parvient dans le carré où nous sommes ballottés au gré de la houle. Ce décor gothique nous a inspiré des histoires abominables. Des pieuvres géantes viendraient des profondeurs abyssales chercher leur proie, avec une tendresse toute particulière pour le marin de quart esseulé dans une pénombre à peine troublée par la lueur glauque du Garmin (instrument de navigation, ndlr). Qu’il va être difficile de tenir le quart cette nuit ! »

Rationnement de l’eau

Une autre problématique commence aussi à apparaître dans les messages des concurrents : la gestion de l’eau. Sur Croix des Gardes, suite à la panne du dessalinisateur, on fait ses comptes et la ration d’eau est ramenée à 3 l par jour et par personne : plus de douches et finies les lessives. En cas d’urgence, il est même prévu de recourir aux rations placées dans le radeau de survie ! À bord d’Artaius, si le constat est différent, le résultat est identique : « Et puis nous avons eu la surprise de découvrir que notre consommation d’eau était trop haute (40 l par personne et par jour). Deux des trois réservoirs sont déjà vides. Des mesures de rationnement ont été imposées pour tenir jusqu’à la Barbade. » Tout comme sur Red Hackle, avec remise en cause de nos modes de vie : « Bien que très confortables sur les réserves en eau douce sur Red Hackle, on commence à limiter les longues douches à l’eau douce, voire passer à la douche à l’eau de mer. La bonne température de l’océan ne sera pas un supplice de toute façon pour celui qui le fera, bien au contraire. L avantage de naviguer sur l’Atlantique fait prendre conscience à chacun du coût d’un litre d’eau et redonne la notion de l’économie, de savoir couper un robinet qui coule inutilement. Ces gestes sont trop souvent perdus à terre par négligence et facilité. » À méditer…

Messages du bord

The Blue Peter
« La houle et le vent ne nous gênent pas vraiment, sauf pour dormir. On a vu que le bateau passait bien chargé de toile : c’est un peu bourrin, il faut juste soigner les trajectoires. Par contre, personne ne cède la barre facilement, tellement c’est fun de voir The Blue Peter dévaler les vagues avec une étrave qui n’engage jamais. Nous sommes à fond en toute sécurité… On espère juste que les conditions deviennent plus tactiques dans les derniers 800 milles. Tout est ok, on a pêché un thon, un poisson sabre et une coryphène. Bref, tout est paisible et on attend notre heure… si elle veut bien venir. »

Marie des Isles
« Et oui on est toujours là, dans la course… On arrive ! Malgré tous nos déboires de début de régate, Marie des Isles vient de trouver enfin un vent qui la propulse vers les alizés. Prise en « pétole » par les Iles Canaries, elle ne parvenait pas à prendre son envol, à tel point qu’il fut nécessaire, de prendre des mesures draconiennes. Sachant qu’à bord, quatre régimes alimentaires différents cohabitent, que deux des estomacs ne sont jamais rassasiés et que le dieu Eole se joue de nous, nous avons dû plonger dans les réserves afin de repartager les rations alimentaires hebdomadaires. De toute façon, nous avons déjà tiré à la courte paille pour savoir « qui, qui, qui sera mangé, Ohé Ohé matelot… ». À nous l’Atlantique… »

Corto
« Depuis deux jours, nous avançons bien vers le but, avec de 18 à 25 noeuds de vent. Cette nuit nous a coûté cher en spi. Un départ au lof, c’est-à-dire un joli vrac, et quand nous nous sommes redressés, le spi a explosé ! C’était notre spi – neuf – de brise, dommage ! Le vent ayant molli, nous avons décidé de renvoyer notre spi médium, et lors d’un empannage, trois heures plus tard, le tangon est passé à travers de celui-ci. Re-dommage ! Le premier est définitivement mort, quant au deuxième, grâce à plusieurs heures de patience, de collage et d’habileté, nous l’avons remis en service. Nous attendons tout de même des conditions plus clémentes pour l’utiliser. À par cela tout va bien à bord, chacun d’entre nous a son temps de barre et essaye ainsi de dompter la bête, pas toujours très simple dans ces conditions : ça roule de chez roule ! Comme on disait dans le temps, bon rouleur bon marcheur. Je pense personnellement que la quille et le mât aurons fait, durant cette transat, un bon tiers de distance en plus que la coque, ce qui n’est absolument plus le cas sur nos bateaux modernes. Ce sont les plaisirs de notre commode Louis…, euh Louis… (surnom donné aux voiliers classiques, ndlr). Tel est notre quotidien. Nous n’oublions tout de même pas nos repas qui sont toujours exemplaires. Et la confection de notre pain complet tous les deux jours, préparation de notre boulanger en chef, j’ai nommé Hacène. Voilà, j’espère que tout va bien à terre : Mitterrand est-il toujours président ? Quand sort le prochain Dom Camillo ? .Et Neil Armstrong est-il descendu de la lune ? »

Cipango
« Les alizés sont là ! Légers alizés doux, chauffant les corps, brûlant les pommettes, poussant, pas trop vite, Cipango. Alors, on sort les tondeuses à barbe, les coupe-ongles, le savon, les parfums, et c’est la douche royale à l’avant du bateau : l’eau de mer est à 24° et ne saisit plus. On paresse pour se faire sécher par un vent désormais tiède. Un avant-goût de ti-punch nous rappelle que la Barbade approche : moins de 2 000 milles, on y est presque. La mer aussi se range, fini les grands mouvements de roulis intempestifs, c’est plus régulier. Un style de vie s’installe, balancé au gré de la houle, des petits claquements de l’oreille du spi, le clapotis de l’eau le long des flancs de Cipango. C’est trop bon, dirait Juliette. »

Red Hackle
« Tout va bien à bord de Red Hackle. Le vent commence à mollir en adonnant : il va falloir négocier un empannage sans tarder. Pour l’instant, descendons toujours tribord amure sur une mer pas toujours bien rangée. Côté pêche, on a fait le plein : notre troisième prise est un tazar d’un mètre de long. Du coup, nous avons atteint notre quota de poisson frais et avons remonté nos lignes. Inutile de pêcher au-delà de notre consommation. Les poissons volants sont fréquents le matin. Au lever du jour, au moment de l’inspection du tour de pont, il n’est pas rare d’en trouver échoués sur notre pont en teck. On approche les 1500 milles nautiques du but, cela commence à sentir le chemin de l’écurie. »

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