Cap au Sud
Une mer hachée prive les concurrents de la Panerai Transat Classique 2012 des plaisirs d’une navigation nonchalante dans les alizés. Explications du météorologue de la course. Mais le moral reste au beau fixe et la pêche est ouverte.
Comment gâcher le plaisir de nos marins. Dans la plupart des messages adressés par les concurrents de la Panerai Transat Classique 2012, la plainte revient lancinante et partagée : la mer secoue, la mer brutalise, la mer harcèle. Où se trouve cette belle houle régulière souvent associée aux alizés ? Sur Artaius, le constat est très clair : « En plus du vent, nous avons eu droit à une forte houle de travers qui rend périlleux les déplacements à l’intérieur du bateau et empêche de faire de la cuisine. Nous déplorons déjà les premières victimes du mal de mer. » À bord de Gimcrack, on relève aussi un environnement tonique : « On ne lâche rien à bord, partant dans des surfs effrénés à 8.5 nœuds dans une mer encore un peu hachée. La barre est dure et on va arriver à la Barbade bodybuildés. » Pour Red Hackle, ce terrain de jeu met à mal le matériel : « Hier nous avons été obligés de rouler le gennaker, car la pièce d’amure (qui retient la voile sur le pont, ndlr) commençait à se soulever. Il est vrai que Red Hackle engage largement son poids et sollicite parfois plus que de raison certains ancrages. Pas de mal, vu à temps pour y remédier. »
Une énorme dépression
Le météorologue de la course, Pascal Landur, explique ce phénomène, par la voix de François Séruzier : « Une énorme dépression, qui couvre les 2/3 de l’Atlantique nord, génère une grosse houle de nord-ouest et celle-ci vient se heurter aux vagues d’est créées par l’alizé. Leur rencontre provoque une mer croisée très désagréable pour les bateaux et les équipages. Il faut se rappeler que la houle peut se déplacer sur des milliers de kilomètres, comme c’est le cas lors de tsunamis. Dans deux ou trois jours, elle va se calmer et les conditions devraient revenir à la normale. » Encore un peu de patience et les bateaux et les organismes pourront enfin se reposer. Heureusement, cette vie dans des tambours de machines à laver ne nuit pas au moral des équipages. Ni à leur sens tactique. Craignant la zone sans vent qui se forme à l’arrière de la dépression, en plein sur la route directe, les navigateurs ont décidé de plonger vers le sud pour éviter ce ralentissement. White Dolphin a empanné hier soir, suivi ce matin par The Blue Peter, Corto, Persephone et Gweneven, bien tracté par son grand spi North. Si Gimcrack, Croix des Gardes, Cipango et Artaius ont opté pour la même tactique, Valteam continue sa route ouest, mais il ne dispose pas des fichiers météo de ses adversaires en raison de problèmes d’électronique. Va-t-il sentir le coup dans les heures à venir ?
Programme pêche
Lors de longues traversées comme celle de la Panerai Transat Classique 2012, la question de l’avitaillement, et surtout des produits frais, est essentielle. Après 12 jours de course, certains voiliers n’hésitent pas à laisser traîner des lignes dans l’espoir d’améliorer l’ordinaire. Dorade coriphène, tarpon, sériole, les prises ne manquent pas et permettent des dîners de gala à bord. Sur White Dolphin, les repas peuvent aussi s’agrémenter des produits offerts par la société Capbiotek au premier bateau ayant passé le détroit de Gibraltar lors de l’étape Saint Tropez-Cascais. Les marins, affamés, mais gourmets, savourent aussi les délicats produits découverts dans les boîtes mystère déposées à bord le jour du départ par la société Panerai. Et, compagnon obligé du marin breton, le pâté Hénaff traîne à coup sûr dans bien des cambuses. Il n’y a pas de mal à se faire du bien.
Messages du bord
Marie des Isles
« Lors de notre avarie de grand voile, nous étions bien incapables de remonter au vent. Nous avons alors gréé un foc en lieu et place et avons ainsi gagné cahin-caha les côtes marocaines à proximité de Safi. Par chance, la réparation était terminée et le vent gentiment a aussi tourné, nous permettant de reprendre une route plus directe vers les Canaries, avant de se lancer vers la Barbade. Pourtant, notre fier vaisseau a décidé de garder la « zone moins de 10 nœuds de vent » pour lui. Nous emmenons donc, où que nous allions, ce vent que nous gardons comme une bulle malgré tous nos efforts pour en sortir. Nous errons de vent faible en vent nul, à la poursuite des mythiques alizés. Une note d’espoir cependant : un banc de coryphènes aux couleurs jaune et bleu fluo sont venues se mettre à l’abri sous le bateau. Nous avons, bien sûr, salué cette arrivée alors que la mer, lisse comme un miroir, nous offrait le plaisir de sa transparence. En fin de journée, la ligne s’est tendue et nous avons remonté une sériole de belle taille, parfaite pour un repas pour six. »
Red Hackle
« La pêche continue sur une mer parfois de travers qui nous amène à quelques embardées de temps en temps. Deuxième coryphène à bord… plus de 3 kilos cette fois, un vrai succès. Les gars du bord adorent le poisson. Carpaccio cette fois-ci avec huile Panerai : trop bien (Panerai a offert à chaque voilier un panier, à ouvrir en mer, contenant des produits de la gastronomie italienne, ndlr). La vie du large s’est bien installée. À tour de rôle, on fait nos petites lessives afin de faire sécher le tout dans les filières. Les poissons volants sont désormais présents, signe d’une latitude bien sud. Le matin, on rejette à l’eau les plus périlleux. C’est pas très bon. On a essayé cru, mais je préfère la sardine de Douarnenez. »
Gimcrack
« Cela faisait trois jours passés sans réparation quand ce matin, ô surprise, à l’envoi du petit spi, le tube du tangon a explosé au niveau de la mâchoire lors d’un départ au lof. La réparation a été rondement menée et nous étions fébriles lors de la lecture des résultats, pensant que Cipango avait comblé son retard. Bonne surprise au rendez-vous, on n’a rien perdu, on a même gagné quelques milles. […] Nous partons ce soir en campagne contre Gweneven en temps compensé. Tout l’équipage est sur les dents et Gimcrack souhaite (avec tout le fair-play britannique) une très agréable croisière à Cipango… »
Artaius
« À Cascais, nous étions à côté de 2 bateaux du Vendée Globe ayant démâté, Bel (heurté par un chalutier, ndlr) et Savéol, le bateau de Samantha Davies. Elle a bien voulu nous revendre son stock de nourriture. Ce sont des sachets de très bons plats déshydratés : il suffit de rajouter de l’eau bouillante, d’attendre 10 minutes en refermant le sachet et on peut manger directement dans le sachet. Il y a du saumon, du chili con carne, des pâtes, du beef stew à la bière, etc… Nous n’avons pas encore tout découvert. La nourriture embarquée pour les 90 jours du Vendée Globe est prévue par des diététiciens et mitonnée par des chefs. Un vrai régal ! Le vent devrait mollir en fin de journée et la houle se calmer. On attend avec impatience les Alizés. »