Dimanche dernier, au Nautic, la Classe Mini a fait débat : école de course au large, outil de communication, source de développement économique… A l’heure où l’économie de la course au large est au cœur de l’actualité nautique, la Classe Mini conserve son dynamisme avec plus de 300 coureurs, et reste moteur de l’innovation technologique.

Les intervenants

  • Olivier Avram , président de la Classe Mini,
  • Tanguy Blondel , communiquant, il a accompagné notamment Thomas Ruyant dans son ascension de la Classe Mini vers la Class40 puis le circuit Figaro Bénéteau,
  • Michel Desjoyeaux , skipper, défenseur des classes Open et initiateur d’une nouvelle série monotype,
  • Tanguy Leglatin , entraineur de coureurs au large, professionnels et amateurs,
  • Samuel Manuard ancien ministe, architecte et skipper

La Classe Mini, une classe dynamique, fidèle à son esprit d’ouverture

Olivier Avram :

« L’objectif de la Classe Mini est de faire découvrir la course au large au plus grand nombre. En quelques chiffres c’est 300 coureurs par saison dont 30% d’étrangers, 150 bateaux, 15 épreuves par an, 250 à 400 000 milles parcourus au total (soit plus de 10 Vendée Globe) ! C’est aussi une classe dynamique, un circuit stable qui accueille une rare mixité de coureurs. »

Les qualités sportives requises pour être un ministe ?

Tanguy Leglatin :

« Il faut avant tout un bon mental : la solitude et l’absence d’informations et d’échanges en course, surtout pendant la deuxième étape de la Transat, n’est pas facile à vivre. En prototype, les bateaux ont beaucoup évolué, il faut des compétences techniques. En bateaux de série, le niveau ne cesse de monter, mais reste hétérogène… »

Michel Desjoyeaux :

« Le prototype forme les skippers au technique. Cela fait des coureurs polyvalents, autonomes, car il faut intégrer toutes les problématiques de la technique ainsi que la gestion globale d’un projet de course au large : gestion du budget, du sportif, du technique, des partenaires, de l’administratif… »

On dit souvent que c’est une bonne école de la course au large…

Olivier Avram :

« Aujourd’hui, les règles de classe imposent un système de qualification à la Mini Transat très stricte, qui oblige les skippers à beaucoup naviguer : 1000 milles en course et 1000 milles hors course. Cela assure un bon niveau marin des flottes. »

Tanguy Leglatin :

« Grâce à ces milles de qualification, en solitaire, en condition de course, certains novices découvrent même que la transat, ce n’est pas pour eux. Cela leur évite de se lancer dans une aventure qui ne leur correspond pas. »

Samuel Manuard :

« Naviguer en solitaire sans assistance est extrêmement formateur. J’ai appris énormément de choses lors de ma qualification ! »

Économiquement, la Classe Mini pèse quelques centaines de milliers d’euros

Tanguy Blondel :

« Le budget de Thomas Ruyant, vainqueur de la Mini Transat en 2009, était de 70000 euros par an. Avec un bilan médiatique vraiment excellent en interne et très bon également en externe. On estime une valorisation de ce budget de 140 000 euros soit une multiplication par deux de l’investissement initial. Tout cela a permis à Thomas d’enchainer sur le circuit Class40 puis en Figaro Bénéteau. »

Tanguy Leglatin :

« L’impact économique d’un projet série est de 15 à 20000 euros et de 40 à 50000 euros pour un prototype. C’est donc loin d’être négligeable ! »

Olivier Avram :

« C’est d’ailleurs notamment par le biais des Pogo 6.50 que le chantier « Structures » a pu se développer. Si on tient compte du fait qu’il y a une dizaine de sortes de bateaux de série, cela signifie que la Classe Mini a participé au développement d’autant de chantiers et des prestataires qui y sont liés ! »

Michel Desjoyeaux :

« On parle de budget plancher correspondant à 2000 heures de travail – 30 000 euros pour construire un bateau… Il faut également considérer que l’important n’est pas tant le budget, mais la façon dont on le rentabilise. Il ne faut pas avoir peur ou honte de gros budgets, du moment qu’ils sont bien exploités et qu’ils rapportent… Et, plus le budget est important, plus il fait travailler des entreprises et prestataires. »

Le fait de ne pas communiquer en course est-il un frein à cette valorisation médiatique et donc financière des projets ?

Olivier Avram :

« La classe reste ferme sur sa volonté de ne pas communiquer pendant les courses. À l’arrivée cela fait encore plus d’histoires à raconter, les skippers deviennent de véritables moulins à parole ! »

Sam Manuard :

« Avant de le vivre, on se dit effectivement que c’est un peu dommage de ne pas pouvoir communiquer. Mais une fois qu’on la vécut, on ne veut plus faire autrement ! C’est quelque chose de très fort. »

Tanguy Blondel :

« L’arrivée de Thomas Ruyant au Brésil fut un événement extrêmement puissant pour l’interne ! Du fait de l’absence d’échange pendant des semaines, ce sont des événements inoubliables et extraordinairement fédérateurs. C’est porteur de valeurs qui représentent d’excellents piliers de communication. »

Michel Desjoyeaux :

« La plus belle interview que j’ai jamais faite fut celle de mon arrivée de la Mini Transat… »

La Classe Mini est elle encore un laboratoire technique ?

Olivier Avram :

« Oui ! Dernier bel exemple en date le « Magnum » de David Raison, vainqueur de la Mini Transat 2011, une carène révolutionnaire qui, après quelques saisons de mise au point, a prouvé, sur plusieurs épreuves, qu’elle était très performante. »

Michel Desjoyeaux :

« Il faut que la Classe Mini reste un laboratoire ! Et même si les développements techniques sont liés aux contraintes de jauge (par exemple, certaines évolutions, comme celles du bateau de David Raison, ne sont pas applicables aux Imoca), il est plus facile de développer des idées sur des petits bateaux. Donc, chaque fois qu’il y a une bonne idée en Classe Mini, les autres classes Open l’étudie de près… »

Sam Manuard :

« Les projets Mini restent, et doivent rester, des laboratoires ! Les nouvelles idées, il y en a toujours, il n’y a pas de limite. L’architecture navale est une perpétuelle évolution, mais il faut avouer aussi qu’il est intéressant de travailler dans les contraintes d’une jauge… »

Tanguy Blondel :

« La recherche technologique est aussi un bon axe de communication. »

Il y a pourtant de moins en moins de prototypes qui courent…

Olivier Avram :

« Aujourd’hui, nous avons 30% de prototypes sur nos plateaux sportifs. Comment conserver cette spécificité de la classe ? Comment préserver ce laboratoire ? Le débat est ouvert, nous y travaillons, nous n’avons pas encore de solutions, mais nous y réfléchissons activement.
II y a un marché de l’occasion extrêmement intéressant en prototype, avec de très bons bateaux, fiabilisés et pas si compliqués que ça, à des tarifs franchement intéressants. En plus, il est possible cette année de se qualifier à la Mini Transat en un an seulement, en prototype. »

Michel Desjoyeaux :

« Je suis allé sur la Classe Mini pour le prototype, pour son intérêt technologique, pour y trouver des choses… et aussi pour le plaisir de naviguer sur des bateaux très plaisants : il faut que cela perdure ! Le jour où il n’y aura plus de prototype, il n’y aura plus de Classe Mini.»

La Classe Mini est un laboratoire technologique, mais pas seulement. Elle pèse lourd au cœur du paysage de la course au large : formation, détection de talents, impact économique conséquent…

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