Enfin les alizés !
Bientôt la mi-course. Après une phase très tactique dans les petits airs, vient le temps de la glisse. Les concurrents de la Panerai Transat Classique 2012 profitent des alizés pour augmenter leurs moyennes. Qui sera le premier à La Barbade ? Les paris sont plus ouverts que jamais.
La quête du Graal touche à son but. Pour tous les concurrents de la Panerai Transat Classique 2012, les alizés représentent le bonheur absolu : navigation au portant dans des vents bien établis, une longue houle par l’arrière, des températures de plus en plus douces, d’abord le jour puis la nuit, et le ciel parsemé de gros cumulus, véritable cortège d’éléphants blancs indiquant la route à suivre. Après 10 jours de mer à pointer vers le sud et l’archipel des Canaries, avec un point de passage obligatoire aux îles Selvagem, les voiliers sont maintenant en route directe vers La Barbade et les équipages profitent à fond de ces conditions presque idylliques. À bord de White Dolphin, l’un des premiers à atteindre cette « mer promise », on profite à fond : « C’est beau le Sud : le ciel à l’aube et au couchant, la chaleur si douce en hiver et cette grosse houle magnifique. On file vers le couchant (le « C’est-t-y où qu’on va ? », est beaucoup moins drôle avec un cap sur La Barbade, mais bien mieux pour notre position en course). »
Stable, mais…
Loin de se ramollir dans cette ambiance qui prête à la nonchalance, les équipages de la Panerai Transat Classique continuent de mener au mieux leurs coursiers. Valteam, le plus grand voilier de l’épreuve, a mis le turbo et commence à grignoter son retard milles après milles : après Croix des Gardes et Persephone, il vient de passer Gweneven, se rapproche de Corto et garde en ligne de mire The Blue Peter et White Dolphin. Si les conditions se maintenaient ainsi – belle et cruelle incertitude de la météo –, il pourrait menacer leurs premières places en temps réel. Cipango et Gimcrack se livrent à une lutte fratricide… mais totalement amicale. Tous les bateaux affichent des moyennes insolentes compte tenu de leurs tailles et de leurs âges respectables. François Séruzier, directeur de course, apprécient le parcours de chacun, mais veut rester prudent : « Une dépression orageuse se forme à 700 milles environ en avant des premiers. Elle va en principe s’évacuer vers le Nord, mais en perturbant l’alizé. Selon son intensité, les vents d’Est mettront plus ou moins de temps à se rétablir. » D’après les dernières estimations, il ne reste qu’une dizaine de jours pour connaître le nom du premier à franchir la ligne. Bien malin celui qui peut l’annoncer aujourd’hui.
Messages du bord
White Dolphin
« À midi, pour fêter cette bonne première partie de course et fêter tout simplement le bonheur que l’on a à partager cette aventure, Jordan nous a fait des pâtes au pesto à tomber, accompagnées d’un château-neuf du pape (caché sous la couchette d’Arnaud). Ambiance rock & roll sur White ensuite avec la musique à donf’ sur le pont pendant que les équipiers de quart règlent inlassablement le spi (oui, sur White on rigole, mais on bosse : c’est une course et on n’est pas là pour acheter du terrain). »
Cipango (à l’attention des enfants de La Barbade)
« Nous attendons avec impatience que les alizés s’établissent pour glisser avec constance et rapidité sur l’océan. Pour l’instant, le vent est variable, en force et en direction mais nous avançons tout de même bien. Hier, pour la première fois, nous avons pris la barre en t-shirt. Quand le soleil, le matin, n’est voilé par aucun nuage, il fait chaud. Nous prenons des douches à l’avant du bateau. Un seau d’eau de mer et du savon spécial qui mousse dans l’eau de mer. Un quart de bouteille d’eau douce pour se rincer. En ce qui concerne la nourriture, nous n’avons plus beaucoup de vivres frais. Bientôt, nous devrons nous contenter de féculents (riz, pâtes, semoule) et de boîtes de conserve (notamment des boîtes de pâté). Pour remédier à ce manque de frais, nous avons décidé de commencer à pêcher. La suite au prochain épisode! »
Cipango
« Mardi 11 décembre à 14h45 TU. Bientôt les résultats du classement. Chaque jour, nous les recevons vers 15h TU. Maurice allume le téléphone-satellite et tout le monde attend la connexion…. Suspense… Déjà, chacun donne son avis, pessimiste, optimiste. L’ambiance générale reste bonne, mais Gimcrack s’en prend quand même plein la figure. Comme toujours, et encore plus depuis qu’il nous est passé devant, il est l’objet de tous nos sarcasmes. Bref, ça y est, on est connecté. […] Une fois le classement annoncé, nous ouvrons les fichiers Grib (météo détaillée par pas de 3h sur environ 5 jours).Momo et Gwen discutent alors longuement de la stratégie à adopter pour la suite : À quelle heure va-t-on empanner ? Faut-il mettre du sud dans notre route ? Quel enf… ce Gimcrack. Le vent va prendre du nord, que faire ? Et la bulle d’anticyclone qui se déplace, faudrait pas se faire avoir. Si on prenait un peu de sud ? Etc…, etc… À la fin, l’heure d’empannage est déterminée à la minute près et nous reprenons notre petite routine, sûrs que Gimcrack, de toute façon, va prendre très cher. »
Artaius
« Toutes voiles dehors, Artaius surfe une mer formée par vent de Force 4, rafales à 5. Le rythme est élevé afin de rattraper le retard accumulé durant les 48 heures passées dans le piège anticyclonique des Canaries. Les chiffres font plaisir : pointes à 9,4 nœuds (fond), moyenne bien établie à 8 nœuds sur les 4 dernières heures. En 21 heures, Artaius a déjà parcouru 145 milles nautiques, pulvérisant son précédent record du 7 décembre (145 mn, mais en 24h). Le Fleming (pilote automatique, ndlr) n’y a d’ailleurs pas survécu, une soudure des tubes de montage en inox ayant lâché. Par chance, cela a pu être décelé à temps évitant qu’il n’aille creuser son sillon dans la plaine abyssale des Canaries, par plus de 4 000 m de fond. »
Gweneven
« Nuit agitée. Le vent est monté à 28 nœuds sous les grains et on a du vite affaler le spi symétrique… un ris grand voile et génois. L’hydrogénérateur a cassé son axe central dans nuit, et quelques élastiques de grand voile ont explosé. Mais dès l’aube, on a tout réparé et tout semble refonctionner. Le vent de travers couche souvent le bateau avec la mer bien formée. Bref, on est dans le vif du sujet. »
Red Hackle
« Faisons cap à l’Ouest. Vitesse entre 10 et 11 nœuds. Pas facile à faire surfer notre gros bébé, mais ça roule bien. On va se faire des épaules de déménageurs si ça continue. Un petit massage à La Barbade fera un bien fou. J’espère que vous préparez vos valises. Il fait bon ici et cela ne doit pas être le cas en France. Avez-vous news des bateaux en carbone (les concurrents du Vendée Globe, ndlr) qui surfent sur l’Indien ? Le jour se lève, on va renvoyer un des ris de l’artimon. »