Oh happy days !
13 heures 05. C’est sous un chaud soleil, et dans un vent de secteur Sud-Ouest fraîchissant de départ en départ qu’a débuté cette journée hors norme des Voiles de Saint-Tropez. Une bonne quinzaine de défis avaient été lancés la veille de capitaine à capitaine, de propriétaire à propriétaire, et la direction de course s’était entièrement mise à la disposition des régatiers pour assurer des procédures de départ sans faille, et des parcours comme à l’accoutumé parfaitement millimétrés. Le programme, ainsi concocté par les régatiers eux-mêmes, était des plus alléchants ; on relèvera pour l’histoire la formidable empoignade des géants Maxi yachts Med Spirit, Firefly, My Song Solleone et Sojana. Tout aussi excitant le déboulé plein de poésie sous le Portalet des 8 mètres, Aile VI, Helen, France et Rhéa. Très attendu le défi des 15 m JI qui ne faillissaient pas à leur réputation, gîtés au maximums et au ras des cailloux dans un bord à bord décoiffant d’élégance et de magie. Manitou versus Blue Peter, Sovereign contre Ikra… on vous le dit, les grandes heures du yachting resplendissent à Saint-Tropez.
Club 55 Cup
Parce qu’elle a constitué en septembre 1981 l’événement initiateur de la Nioulargue, et depuis 1999 des Voiles de Saint-Tropez, la Club 55 Cup, en célébrant l’esprit de la régate, est un temps fort de la semaine Tropézienne. Le défi lancé en 1981 par Jean Rédélé sur Ikra et Dick Jayson sur Pride revit ainsi chaque année sous la forme d’un duel qui oppose sur le parcours « historique » du Portalet à la bouée du Club 55 à Pampelonne un « Defender » à son « Challenger ». Et afin que chacun s’imprègne de l’histoire, tous les voiliers ont depuis, la liberté de lancer le défi de son choix. La Club 55 Cup inaugurait dès midi la longue série des départs des « duellistes » sous le Portalet, pour un grand triangle d’une dizaine de milles autour du golfe.
La Club 55 Cup n’a depuis sa renaissance en 2003 connu que 5 vainqueurs, Ikra (12 m JI) en 2003 et 2004, The Blue Peter (côtre bermudien Mylne 1930) en 2005 et 2006, Lucia (yawl Bermudien 1940) en 2007 et 2008 , Cambria en 2009 et Mariquita en 2010. Ce duel singulier, au coeur de la semaine des Voiles, est plus qu’une commémoration, un véritable hommage à l’esprit de la régate telle qu’elle était pratiquée au siècle dernier, quand, dans un simple élan de compétition amicale, deux capitaines se lançaient pour l’amour du jeu, un défi pourvu du seul enjeu du plaisir d’opposer et de comparer sur l’eau les performances d’un yacht et de son équipage. Le 19 M JI Mariquita tentait aujourd’hui de défendre son titre glané il y a deux ans face à Cambria. Un duel hors norme lui était proposé puisque c’est la goélette Altaïr qui se posait en Challenger. En effet, la rencontre programmée l’an dernier n’ayant pas pu arriver à son terme faute de vent, les capitaines avaient décidé de la reconduire cette année dans le plus pur esprit chevaleresque. Et c’est Altaïr qui s’est imposé à Pampelonne.
Le Trophée des Centenaires…
Le « Centenary Trophy », seconde édition, créé à l’initiative du Gstaad Yacht Club, en partenariat avec la Société Nautique de Saint-Tropez, a réuni 20 vénérables yachts classiques. Ils se sont élancés depuis le Portalet pour une grande boucle dans le golfe de Saint-Tropez de près de 11 milles. Les voiliers sont partis à tour de rôle en fonction de leur taille et de leur jauge. C’est ainsi Lulu 1897, le cotre aurique signé Thomas Rabot et construit au chantier Texier à Argenteuil en 1897, qui a ouvert le ban. Victory, le petit cotre aurique lui aussi, datant de 1883, est à la fois le plus ancien, et aussi le plus petit avec ses 12 mètres hors tout. C’est le grand cotre signé Fife Mariquita qui clôturait la ligne de départ, avec ses 38 mètres hors tout. Le trophée est une coupe signée Wakely et Wheeler de Londres. Il a été remis ce soir au vainqueur Marigold, le cotre aurique de Charles Nicholson. Le redoutable plan Sibbick Bona Fide le seconde, suivi d’un autre aurique, Oriole du maître Herreshoff. Arrivaient ensuite les 15 m JI, emmené par les Britanniques décidément très en verve à Saint Tropez de The Lady Anne. Mariska une nouvelle fois pénalisée par son départ en second rideau complète le trio des 15 m JI, Tuiga victime d’une avarie (voir ci dessous) n’ayant pu finir le parcours.
Blue Bird Cup
Tara Getty est l’heureux propriétaire de trois yachts présents à Saint-Tropez ; Thalitha, yacht à moteur de 80 mètres et lancé en 1927, Blue Bird, magnifique motoryacht datant de 1938, et le ketch marconi Skylark, qui régate au voile. Tara Getty avait l’an passé, et lors de la journée des Défis, challengé le plan Olin Stephens Argyll qui l’avait emporté. Revanche cette année, puisque Skylark l’a emporté de 3 petites minutes. Dans la plus pure tradition du yachting, les deux équipages se sont retrouvés à déjeuner à bord de Talitha, où Tara et Jessica Getty se sont vus remettre la Blue Bird Cup par l’acteur Griff Rhys Jones. Tara Getty s’est déclaré ravi de cette journée : « Ce fut une confrontation fantastique bord à bord, entre deux merveilleux yachts et équipages. C’est vraiment génial de remporter ce trophée en compagnie de ma femme et de mes enfants… »
Construit chez Pendleton Yard dans le Maine (USA), Skylark est le sister-ship légèrement amélioré de Stormy Weather, d’Avanti et de Sonny, lancé en 1937 sur plan Sparksman et Stephens
Petit incident sur Tuiga
Le beau Tuiga, auteur d’un somptueux départ entre Hispania et Mariska, est repassé devant le Portalet toutes voiles affalées. Un incident mécanique est venu contrarier sa régate si attendue au sein des quatre 15 m JI. La ferrure métallique qui assure la liaison entre le mât et le top mast, et sur laquelle sont accrochés les haubans, s’est brisée. Il a fallu toute l’expertise de l’équipage pour déceler à temps cette faiblesse et sécuriser le bateau en affalant rapidement toutes les voiles. Tuiga a immédiatement fait route vers le chantier de Cogolin où il sera démâté. La ferrure défaillante sera retirée et ressoudée. Une opération longue et délicate que tout l’équipage du voilier va s’attacher à accomplir en temps et heure pour pouvoir se présenter demain sur la ligne de départ des Voiles….
Equipages en fête…
14 équipages avaient répondu aujourd’hui à l’invitation des animateurs des Voiles pour participer au fameux défilé des équipages. Partis du Village des Voiles, c’est une bande bruyante, joyeuse et bigarrée qui s’est frayée péniblement un chemin vers la Ponche au milieu d’une foule compacte, précédée du bagad de Lann Bihouet, et des clowns du cirque Monégasque.
Elles sont aux Voiles…
Les défis du jeudi se sont déroulés dans d’exceptionnelles conditions de vent, de soleil et de mer. Les magnifiques goélettes à trois mâts qui mouillent devant l’entrée du port durant les Voiles ne s’y sont pas trompées et ont ravi les amoureux de beaux yachts en navigant toutes voiles dehors au cœur du golfe. On a ainsi pu admirer à loisir Creole (Goélette trois mâts de 64 mètres dessinée par Charles Nichols) et Atlantic, réplique de la goélette de Charlie Barr.
Ils ont dit :
Jean-Pierre Dick, skipper océanique, engagé dans le Vendée Globe 2012
« Les Voiles de Saint-Tropez, c’est le rendez-vous des amoureux de la mer et de bateaux. Cela reste pour moi la plus grande fête de la voile, le bonheur de se retrouver en fin de saison, ensemble pour communier autour du nautisme. Etre entre marin pour faire la fête et regarder les beaux bateaux. J’ai eu l’occasion de naviguer sur Nan of Fife et Lady Trix, mais je crois que je préfère les voir naviguer… Mon truc, c’est plus les bateaux modernes, comme aujourd’hui où j’ai navigué sur Papreck, le TP 52, en équipage de surcroît. Ce fut d’autant plus super que je m’apprête à partir 3 mois en mer pour le Vendée Globe en solitaire. C’est bien de fêter mon départ ici par une belle fête. Le Vendée Globe, cela doit devenir obsessionnel pour pouvoir se gérer. Je me suis accordé cette journée car il faut savoir se relaxer. Il est important d’être frais dans sa tête pour partir autour du monde. »
Yachts extraordinaires : Runa IV
Runa-IV est un yacht de régate de 10,40m, déniché en Californie par Bruno Troublé pour le Président de Louis Vuitton, Yves Carcelle . Le navire, construit en 1918 au Danemark suivant les plans de Gerhart Ronne, célèbre architecte Danois qui a dessiné sept Runa au début duXXe siècle. C’est le chantier du Guip à Brest qui s’est chargé de le remettre en état de navigation. Le bateau a dû être entièrement désossé. Une à une, les côtes ont été reprises et chaque pièce a été sculptée par les charpentiers du chantier. Construit par M. Nielsen à Skovshoved (Danemark) (longueur : 10,70m, largeur : 2,40m, tirant d’eau : 1,60m)
C’est aux Voiles, et nulle part ailleurs…
Thomas Coville et son Maxi trimaran Sodebo sont en Méditerranée. Thomas a en effet en septembre dernier établi un temps référence en solitaire et en multicoque entre Marseille et Carthage en Tunisie. Il profite à présent des rivages Méditerranéens et de la clémence du temps pour naviguer en équipage et avec des invités de son partenaire. Il découvre les Voiles de Saint-Tropez de la meilleure des manières, de l’intérieur, hors course, au plus près de toutes les classes en lice, Modernes ou classiques. Entretien : « J’avais depuis longtemps beaucoup entendu parler des Voiles. Mais cela me paraissait très loin de mon univers. je dois avouer que je suis subjugué, éberlué par ce que je vois cette semaine. Le nombre bien sûr est époustouflant, mais la beauté de tous ces voiliers m’émerveille totalement. C’est vraiment une idée formidable de réunir tous ces style et toutes ces époques de bateaux. On ne peut être qu’interloqué par tant de merveilles, mais aussi par l’habileté, le talent et la passion qui anime tous ces bateaux. Rien d’ostentatoire ici, bien au contraire. C’est le respect qui semble dominer, respect pour un savoir faire centenaire, respect pour la technologie, et respect des hommes les uns envers les autres, pour savoir perdurer tant que connaissance et de technologie maritime. J’ai été particulièrement séduit par les 15 M JI. J’ai pu monter à bord à quai, et il me tarde de pouvoir naviguer sur l’un ou l’autre de ces magnifiques machines… »
Edition…
« Naviguer à l’heure de la mer », par Christian Schroeder chez Classic Yacht Club
A l’occasion du prochain Salon Nautique International de Paris, qui aura lieu au parc des expositions de la porte de Versailles e Paris du 8 au 16 Décembre 2012, Classic Yacht Club, le club-house digital du yachting
classique, publie « Naviguer à l’heure de la Mer », le 1er guide des montres nautiques. Son auteur, Henri-Christian Schroeder, fait un point très complet de la production actuelle, et moins récente, de montres à thématique nautique, en en proposant un classement par catégories, agrémenté de nombreuses photographies.Les fonctionnalités utiles en navigation sont identifiées. Plusieurs skippers renommés, concurrents de l’America’s Cup, et personnalités de la mer, apportent leur témoignage sur l’importance de la maîtrise du temps en mer et d’un chronographe multifonctions spécialisé à bord. Particulièrement utile au plaisancier, que celui-ci soit propriétaire, skipper ou équipier, ce guide permet à chacun de choisir la montre la plus adaptée à son usage: croisière ou régate en mer ou sur un lac, course au large en Méditerranée ou sur l’Atlantique. Ce guide intéressera plus généralement le passionné de montres à la recherche d’un thème de collection et souhaitant identifier les modèles incontournables de celle-ci.
Henri-Christian Schroeder est collectionneur de montres nautiques, Commodore du Trophée Bailli de Suffren, course-croisière internationale au large de yachts de tradition au départ de Saint-Tropez et administrateur de l’Association Française de Yachts de Tradition.
Lexique…
COTRE (côtre): Voilier ayant une grand voile et plusieurs focs. Ce type de gréement à longtemps été utilisé en croisière hauturière et, à la pêche car il permet de diviser la surface de voile.
GOELETTE : Voilier à deux mâts, dont le grand mât est placé à l’arrière et le mât de misaine à l’avant généralement plus petit. Ce type de gréement à largement était utilisé par les pêcheurs(1).
Dans les gréements anciens on distingue la goélette franche à corne ayant des voiles de flèche, des goélettes à hunier, ayant un hunier carré au mât de misaine à la place de la voile de flèche. Sur les goélettes américaines il y a une voile particulière: Le fisherman, elle s’établit entre les deux mats. En pêche, par beau temps, lorsque le seul homme resté à bord était le coq, il établissait cette voile pour récupérer les pêcheurs.
Bermudien : voile trapézoïdale hissée avec 2 drisses sur une très petite corne. Ce gréement à évoluer en ayant une seule drisse pour donner au final le gréement marconi ou la corne est remplacée par une têtière.
Aurique: Une voile aurique est une voile de forme quadrangulaire non symétrique qui présente toujours le même bord d’attaque au vent, contrairement aux voiles carrées. Elle est établie enverguée sur une vergue, pic ou corne, plus ou moins apiquée, dont le point le plus bas est situé vers l’avant, ou bien déployée par une livarde.
Le Gstaad Yacht Club
Le Gstaad yacht Club, qui ne dispose d’aucune fenêtre sur la mer, lac ou rivière, a initié un partenariat avec le Société Nautique de Saint-Tropez ; l’idée pour le club montagnard Suisse, est de se rapprocher de personnes qui partagent la même passion pour le nautisme. Et pour donner corps à ce rapprochement, le Gstaad Yacht Club a proposé la création du Centernary Trophy, un rendez-vous annuel durant les Voiles, initié en 2011, et qui permet durant la journée des défis, le jeudi, de faire régater ensemble les voiliers centenaires engagés aux Voiles. Ils sont ainsi 20 voiliers aà avoir aujourd’hui pris le départ sous le Portalet. « Notre souhait est d’honorer tous ces gens qui oeuvrent pour la survie et la restauration de ces magnifiques voiliers » explique Herr Peter Erzberger commodore du Gstaad Yacht Club.
Et demain…
Reprise des débats demain vendredi. Les Wally ont déjà validé 4 courses. Open Season semble régner sans partage chez les 100 pieds et plus, tandis que la lutte est grande ouverte dans le groupe 2 des 80 pieds, entre Dark Shadow et Ryokan notamment. Les Modernes vont réinvestir les parages de la Nioulargue tandis que les Classiques poursuivront dans du vent frais les joutes débutées crescendo mardi dernier.
Météo :
Le vents est attendu au secteur est Nord est pour une dizaine de nœuds à la mi-journée, faiblissant tout en prenant de l’Est en soirée…
Rédaction : Denis van den Brink