Le bon moment
Sur le lac Michigan, quelques miles au large du Chicago Yacht Club, vingt Farr 40 de huit pays différents participent cette semaine au Rolex Farr 40 World Championship 2012. Cette compétition annuelle dans cette classe monotype très appréciée marque sa 15ème édition – une preuve de l’enthousiasme des participants pour la règle stricte d’un propriétaire/barreur, qui fait la part belle à la compétition amateur.
Dans la voile comme dans de nombreux autres sports, tout est dans le timing : le compte à rebours au départ, le placement du bateau sur la ligne de départ, le hissage du spinnaker lors du passage autour de la bouée. Chaque membre de l’équipage suit une chorégraphie qui comprend des prises de décision rapides, de bonnes manœuvres et du travail d’équipe : le bateau qui exécutera le mieux ce ballet remporte la course.
Mais cela n’est pas chose aisée au sein d’une flotte autant talentueuse : les participants au Championnat incluent des champions Farr 40 européens, américains et mondiaux, dont Jim Richardson (Barking Mad, USA), Wolfgang & Angela Schaefer (Struntje Light, GER), Helmut Jahn sur Flash Gordon 6 (USA), et Guido Belgiorno-Nettis (Transfusion, AUS).
Il y a également le retour de certains compétiteurs après quelques saisons d’absence : Robert Hughes sur Heartbreaker (USA), Virago (USA) de Stuart Townsend et Honour d’Alek Krstajic (CAN), et finalement ceux qui participent pour la première fois aux Mondiaux, comme Provezza 8 et Asterisk Uno de Turquie, et Flojito y Cooperando du Mexique.
Parmi les participants figurent également les navigateurs et navigatrices les plus talentueux de ce sport. Le règlement de la classe des Farr 40 qui permet un maximum de quatre professionnels a entrainé la présence de champions du monde, de médaillés olympiques, de vétérans de l’America’s Cup et de la Volco Ocean Race. Cette année est marquée par la participation du détenteur du trophée ISAF Rolex World Sailor of the Year Torben Grael, des médaillés olympiques Nathan Outteridge, Morgan Reeser et Malcom Page ; du vainqueur de l’America’s Cup, Peter Holmberg et du vainqueur de la course en tour du monde Stu Bannatyne.
Mais que faut-il pour se démarquer dans la course ? La clé est sans aucun doute le timing, et la plupart des concurrents l’attribuent à une bonne communication et à l’entraînement.
Le timing est crucial dansl’évolution des choses sur le bateau .
Jim Richardson, Barking Mad
Le triple champion du monde Farr 40, Jim Richardson, est le propriétaire/barreur sur Barking Mad : « Le timing est crucial dans l’évolution des choses sur le bateau. Au départ, tu veux franchir la ligne à pleine vitesse au signal sonore. Tout est une question de timing : tu ne veux pas prendre le départ trop tôt, mais si tu es en retard, les bateaux autour de toi, qui sont à pleine vitesse, te coifferont au poteau. »
Jim Richardson, Barking Mad
Un timing précis reste essentiel tout au long de l’épreuve, par exemple : « Sous le vent dans les vagues, quand tu tournes le bateau, tu dois choisir le bon moment et la bonne vague ; si tu tournes trop brusquement ou trop lentement, tu vas à l’encontre de problèmes. »
Pour Richardson, tout fonctionne en séquence : « Les régleurs du foc, le régleur de la grand-voile, et celui du spinnaker. L’équipage, en bougeant, affecte la façon dont je barre le bateau. L’équipage doit se déplacer en fonction de mes besoins. Si nous ne sommes pas en phase, le bateau ne peut pas atteindre sa vitesse maximale. »
L’entraînement est également important, selon Richardson, et tout le monde doit être à son affaire : « Nous sommes dix sur le bateau et peu importe le talent du tacticien, du barreur, du régleur de la grand-voile; si quelqu’un ne fait pas son travail correctement, tout l’équipage en sera affecté. C’est assurément un sport d’équipe. »
John Demourkas, propriétaire/barreur sur Groovederci rejoint Richardson sur l’importance de la synchronisation : « Le départ dépend surtout de moi, mais également de l’avant du bateau. Il est primordial que chaque membre de l’équipage fasse son travail, sinon les gens commencent à compenser le travail d’autres personnes et c’est à ce moment-là que les choses tournent mal. C’est réellement l’engagement de toute une équipe et pas seulement d’une personne. »
Wolfgang Schafer, propriétaire/barreur sur Struntje Light, a connu un excellent début de compétition : « Le timing a été la clé, spécialement sous le vent, où nous avons gagné beaucoup de places en glissant sur les vagues. Tu peux te battre au vent pour gagner deux longueurs de bateau ; sous le vent, si tu choisis une bonne vague, tu peux en gagner trois. Le timing est crucial entre le régleur du spinnaker, le barreur et le tacticien qui donne le signal. »
L’Australien Darren Jones, qui participe à son 11ème Rolex Farr 40 World Championship est le régleur de la grand-voile sur Virago, dont le propriétaire est Stuart Townsend, de Chicago. La grand-voile est le « moteur » du bateau. Selon Jones, « c’est l’un des rôles principaux. Je dois discuter avec le barreur à propos de la direction du vent, de la vitesse du gouvernail et des virements. Durant les manœuvres, mon rôle est de s’assurer que l’ensemble du bateau est synchronisé, que le barreur s’en sort bien et qu’il sait où nous allons. »
VIRAGO, on Day 2
« Le moment clé est le passage de la bouée », selon Jones. « Surtout avec le vent. C’est important de s’assurer que tout est en place, que le spi est hissé en tête de mât et que le régleur est prêt. C’est un moment clé dans lequel tout l’équipage est impliqué – les dix membres de l’équipage. Si l’un d’entre eux n’est pas synchro, la manœuvre se casse la figure ! ».
L’Australien Nathan Outteridge, médaillé olympique à Londres 2012, est le tacticien à bord de Transfusion. Au départ, il estime que « le timing est un élément critique. Dans la première course que nous avons gagnée, nous avons eu un très bon départ et avons mené de bout en bout, mais dans les autres courses nous avons dû nous battre tout du long. Nous sommes une fois partis tard et une fois tôt – nous n’avons pas toujours pris les meilleurs départs. Tout le monde nous a dit que si nous réussissions de bons départs, tout irait bien ! »
A bord de Flash Gordon 6 de Helmut Jahn, en tête du classement du Rolex Farr 40 World Championship après trois jours, Dave Gerber est le régleur à la tête du bateau. Avant chaque course, Gerber et le régleur de la grand-voile, Joe Londrigan, s’assurent que le bateau est équilibré pour la force du vent et les conditions maritimes. »
Gerber est clair à propos des bénéfices d’un travail d’équipe précis et coordonné : « Ce que j’aime tout particulièrement dans les courses de grands voiliers est qu’elles encouragent le travail d’équipe. Tu dois avoir un dialogue constant sur ce que tu vas essayer de faire et sur comment tu vas le faire. »
La personne au piano est un peu comme le contrôleur de mission et c’est Linda Lindquist-Bishop qui assume ce rôle à bord de Barking Mad. Elle reconnaît que les attributs clés sont « de bonnes oreilles et huit bras » : « Je suis vraiment au milieu du bateau alors je dois tendre l’oreille pour entendre ce qui se passe à l’arrière du bateau afin que je puisse le communiquer à l’avant. J’écoute principalement le tacticien et le barreur, leurs signaux pour la direction du vent, ce qu’ils disent aux régleurs – ainsi je peux communiquer ce qu’ils pensent à l’avant et au mât afin que tout l’équipage se prépare. »
PLENTY, on Day 2
Pour Scott “Doc” Holmgren, mastman à bord de Plenty, les exigeantes conditions à Chicago ont rendu encore plus impératif une coordination étroite : « Avec des vents forts, le timing est essentiel. Nous devons nous coordonner avec l’équipier d’avant, le piano, le mât et les régleurs, nous devons rester concentrés pour certaines manœuvres. »
Holmgren se rend tout de suite compte quand tout va bien : « Ce que j’aime dans ce sport, c’est quand tout le monde dance la même danse. C’est comme une valse à certains moments, c’est d’une magnifique harmonie. Parfois, certains membres de l’équipage n’étaient pas dans le rythme. Nous sommes parvenus à sauver la situation mais les manœuvres n’étaient pas aussi fluides de sorte et il est alros facile de perdre quelques places. »
Andy Hudson, équipier d’avant sur Groovederci depuis l’année passée, est également clair sur le fait que l’équipage ne doit faire qu’un : « Tout est une question d’équipe. Le mérite me revient souvent après de bonnes manœuvres, mais il y a quatre personnes à l’avant et ils sont cruciaux au bon déroulement de la course. Il faut une bonne communication et de l’entraînement. Si tu connais la prochaine étape, tu auras tendance à la trouver plus facile. »
De la proue à la poupe, le consensus est clair : tout est dans le timing. Le bateau qui gagne le Rolex Farr 40 World Championship est invariablement celui qui est resté concentré et coordonné tout au long de la course. Le bateau qui a été entrainé à mettre cela en pratique, celui qui a affuté ses manœuvres. En résumé, le bateau qui reconnaît le réelle importance de la précision et du timing. »