Le Marseillais, Thierry Fouchier 46 ans, est régleur tandis que le Niçois Julien Cressant 39 ans, gère la plage avant. Tous deux sont membres de l’équipage de l’AC45 skippé par l’américain Terry Hutchinson, nommé Artemis Racing White depuis que l’équipe en aligne deux (Artemis Racing Red est skippé par Santiago Lange (ARG).

En 2013, Artemis Racing participera à la Louis Vuitton Cup – la régate de sélection des challengers de l’America’s Cup – à bord de son AC72 qui vient tout juste d’arriver par cargo à San Francisco, où l’équipe a installé sa base jusqu’à l’automne 2013.

Quand et comment avez-vous rejoint Artemis Racing ?

Julien Cressant : ‘Avec un autre co-équipier, Iain Percy (GBR), je suis l’un des deux transfuges de Team Origin, l’ex-syndicat britannique pourtant solide mais qui a dû jeter l’éponge juste avant cette 34ème édition. Nous sommes ravis que cette fantastique opportunité se soit présentée car Artemis Racing est une équipe avec un potentiel énorme’.

Thierry Fouchier : ‘Mes débuts avec l’équipe remontent à janvier dernier, en grande partie grâce à l’aide de Julien qui a beaucoup fait pour que j’apporte à mes compétences à l’équipe. Je suis très satisfait et fier d’être avec le team suédois’.

Quels sont vos postes à bord ? Avez-vous d’autres responsabilités à terre ?

T.F : ‘Je fais partie de la cellule réglage de performance au niveau des voiles d’avant qui sont des voiles souples. J’apporte mon analyse en relation avec l’équipe qui gère les ailes (celles de l’AC45 et de l’AC72), indépendamment de la partie régate durant laquelle je suis au poste de régleur de voile d’avant’.

J.C. : ‘ Sur l’eau, je gère la plage avant et j’interviens également sur la puissance du bateau. A terre, je participe en amont à la préparation de l’AC72. J’ai collaboré au projet du plan de pont qui était très intéressant. C’est une plateforme innovante, même pour nous deux qui avons beaucoup navigué en multicoque auparavant car les paramètres sont totalement différents donc nous continuons d’apprendre sans cesse’.

Comment se passe votre intégration au sein de l’équipe suédoise dans un milieu essentiellement anglo-saxon ?

J.C. : ‘Avant mon arrivée, je connaissais déjà plusieurs membres de l’équipe. C’est une intégration qui se fait dans le respect, qui repose sur l’implication et le travail de chacun. ‘Fouch’ (Thierry Fouchier) et moi, grâce à nos expériences respectives dans le multicoque et dans la Coupe, nous avons apporté un certain savoir à l’équipe dans ces domaines-là et tout ceci a facilité notre intégration.

T.F :‘Les responsables d’Artemis Racing recherchaient des experts de ce support pour les aider à progresser au plus vite. Nous en avions beaucoup fait tous les deux, chacun dans notre domaine, Julien au niveau de la manœuvre des voiles à l’avant et moi je me suis spécialisé dans le développement des voiles.’

En 2013, vous serez peut-être les deux seuls équipiers français qui participeront à la prochaine Louis Vuitton Cup, la régate de sélection des challengers de l’America’s Cup. Quelles sont vos ambitions ?

T.F : ‘D’un côté, 2013, c’est encore loin car il nous reste de nombreuses mises au points à effectuer sur cette nouvelle machine. Notre objectif est de mettre l’AC72 à l’eau le plus tôt possible, puis de réussir à tourner autour des bouées et enfin d’aller plus vite que les copains ! L’équipage de l’AC72 d’Artemis Racing n’est évidemment pas encore déterminé.’

J.C. : ‘De l’autre, 2013, va vite arriver car d’ici là il nous faudra apprendre à canaliser ces machines. En AC45, on assiste déjà à des pertes de contrôles spectaculaires et certaines équipes ne parviennent même pas à terminer les manches, comme lors de cette première semaine de régates à San Francisco. Pour Artemis Racing, le challenge principal sera d’éviter la casse et bien sûr de ramener la Coupe en Suède.

De plus, je pense que malgré le faible nombre de challengers, la compétition sera de très haut niveau. Luna Rossa ‘Prada’ et Emirates Team New Zealand sont deux adversaires redoutables, réunissant des marins très expérimentés. Et quant à ORACLE TEAM USA, si on a la chance de les défier, il faut effectivement s’y prendre dès maintenant !’

En 2013, ce sera la première fois que la France sera absente des sélections de challengers depuis 1970. Quelles sont d’après vous les raisons de cette absence ?

J.C : ‘C’est évidemment une grosse déception car la France a toujours été présente depuis 40 ans. De plus, pour une fois que la Coupe se dispute en multicoque, avec toutes les compétences françaises que compte ce milieu, la France aurait pu tirer son épingle du jeu avec une équipe gagnante. J’espère que des leçons serviront pour la 35ème édition.

T.F : ‘Je l’avais prédit il y a quelques mois, on paye la division et la dispersion des énergies en France. Les gens auraient mieux fait de maîtriser leur égos, de s’asseoir autour d’une table et de discuter. Le contexte économique n’est évidemment pas favorable, en voile en particulier. Tout n’est pas perdu car en fonction du prochain vainqueur, peut-être que la prochaine Coupe se disputera de nouveau à bord de multicoques.

L’AC72 d’Artemis Racing vient tout juste d’arriver par cargo à San Francisco depuis Valencia, en Espagne, là où était basée Artemis Racing jusqu’au mois dernier. Quelles sont les prochaines étapes du développement ?

T.F : ‘La plateforme de l’AC72 est arrivée le 21 août, il y a encore beaucoup de travail à boucler dessus. L’aile est toujours en cours de réparation suite à notre incident en Espagne, avec une partie ici et une autre à Valencia. Le puzzle devrait cependant être reconstitué rapidement afin que l’on puisse emmagasiner le plus d’information possible.

Avez-vous des appréhension quant à l’AC72 : 11 équipiers à bord, est-ce suffisant, qu’en est-il du risque de chavirage ?

J.C. : ‘Il est normal et sain d’avoir de l’appréhension vis-à-vis des AC72 mais je pense que très vite on va s’apercevoir que ce sont avant tout des multicoques similaires à ceux sur lesquels on a beaucoup navigué. Lorsque j’avais participé à The Race en 2000-01 avec Bruno Peyron (patron d’Energy Team) à bord de multis géants, personne n’y croyait. On va se familiariser avec ce nouveau support de la manière la plus ‘crescendo’ possible.

Quelles sont vos premières impressions concernant San Francisco et le plan d’eau, situé entre le célèbre pont du Golden Gate et la prison d’Alcatraz ?

T.F : ‘Je suis certain que le grand spectacle sera au rendez-vous lors des régates de l’année prochaine qui se disputeront sur les AC72 à bord desquels on aura je l’espère bien pris nos marques, surtout avec les conditions musclées typiques de la Baie’.

Propos recueillis par Chloe Daycard à San Francisco.

Palmarès :

Thierry Fouchier, 43 ans, marié, 2 filles, vit à Marseille.

  • 4ème campagne dans l’America’s Cup
  • 2010 Vainqueur de la 33ème America’s Cup BMW Oracle Racing. Tout premier Français à la remporter
  • 2007 avec Victory Challenge (régleur de spinnaker)
  • 2000 avec 6ème Sens (avec Julien Cressant)
  • 2001 Champion de France de match racing aux côtés de Bertrand Pacé
  • 1991 Vainqueur de l’Admiral’s Cup avec Corum
  • Présent sur circuits internationaux de l’Audi Medcup avec All4One et sur celui des Extreme 40 Sailing Series à bord du catamaran Groupe Edmond de Rothschild.

Julien Cressant, 39 ans, marié, 1 garçon, vit à Nice.

  • 4ème campagne dans l’America’s Cup
  • 2008-09 Team Origin, pied de mât (équipe britannique seulement présente sur le circuit des Louis Vuitton Trophy)
  • 2007 BMW Oracle Racing, pied de mât.
  • 2003 Le Défi Areva, pied de mât.
  • 2000 6° SENS Le Defi, pied de mât (avec Thierry Fouchier).
  • 1998 Record de la traversée de l’Atlantique en monocoque sur Marie-Cha III
  • Quatre saisons en trimaran 60 pieds sur le circuit Orma.

Source

Articles connexes