Le phare du Fastnet enroulé ce lundi matin vers 8h30, les cinq MOD70 ont entamé leur longue descente vers le Sud dans un flux qui est resté plus longtemps que prévu au secteur Sud-Ouest. Spindrift racing en tête depuis minuit, commençait tout juste à sentir la bascule du vent à l’Ouest en milieu d’après-midi.

Le près musclé de la nuit dernière dans le canal Saint-Georges, puis en mer Celtique est devenu moins dur à négocier depuis que la flotte a paré le phare irlandais après le lever du jour. Ce louvoyage dans une bonne vingtaine de nœuds avec des rafales jusqu’à 25-30 nœuds et une mer de deux à trois mètres a provoqué le décrochage de Race for Water, alors leader au passage de la pointe de Tuskar : son système d’ouverture du blocage de la grand-voile s’est rompu et le numéro 1 du bord a dû monter dans le mât pour le remplacer. Le bilan est lourd à ce stade de la course entre monotypes : huit milles perdus et des conditions un peu moins favorables pour le dernier du groupe.

Un front en retard

Spindrift racing a quant à lui pris le commandement vers minuit en renvoyant de la toile plus tôt que ses concurrents : Yann Guichard et ses hommes ont donc enroulé le Fastnet en tête avec cinq milles d’avance sur Musandam-Oman Sail qui choisissait d’effectuer un « bidet » (double virement de bord) pour passer sous génois. En effet, dès cette marque de parcours, la brise s’est nettement apaisée et la mer s’est progressivement rangée au fil de la progression vers le Sud. Mais le vent n’a pas basculé comme attendu au secteur Ouest : le front a ralenti sa descente et avance quasiment à la même vitesse que les MOD70… Cela signifie que la rotation au Nord-Ouest n’aura lieu qu’à l’approche du coucher du soleil, lorsque les leaders seront à la latitude de Belle-Île. Et cela laisse entendre aussi que les poursuivants du leader bénéficieront un peu plus tôt de ce nouveau flux : ils enverront le gennaker quelques quarts d’heure auparavant, ce qui devrait réduire un peu la marge de Spindrift racing.

Pour autant, la suite n’est pas totalement clarifiée : pour l’instant, la route directe est la plus logique et tous les navigateurs se suivent à la queue-leu-leu cap au Sud. Mais on note déjà une tendance à glisser un poil dans l’Ouest pour s’écarter de ce front qui va se désagréger en passant sur la France et en laissant la place à une dorsale atlantique poussant une dépression centrée au large du Portugal. La situation météorologique évolue donc très sensiblement au large du golfe de Gascogne et s’écarter des cotes espagnoles lors de l’atterrissage sur la péninsule semble au programme !

Il va en effet falloir passer d’un régime de basses pressions avec du Sud-Ouest liées à la dépression irlandaise de la nuit dernière qui se comble, à un flux de Nord associé à la poussée des hautes pressions arrivant des Açores. L’évolution barométrique va ainsi être un indicateur précieux car il faudra rester le plus longtemps possible sur le 1020 hPa… Et cette rotation du vent va être telle que les trimarans vont passer de l’autre côté de cette dorsale pour toucher une brise de secteur Est. Les trajectoires devraient donc s’incurver un peu vers le large, pour revenir à la côte mardi après-midi mais c’est après le cap Finisterre, au niveau de Porto que les choses vont se compliquer : le vent va être faible et portant le long du Portugal ! Il y a donc de grandes chances que les écarts se resserrent encore avant l’entrée dans le Tage.

Classement lundi 10 septembre à 17h30

  1. Spindrift racing (Yann Guichard) à 834,8 milles de l’arrivée
  2. FONCIA (Michel Desjoyeaux) à 11,2 milles du leader
  3. Musandam-Oman Sail (Sidney Gavignet) à 11,2 milles du leader
  4. Groupe Edmond de Rothschild (Sébastien Josse) à 14 milles du leader
  5. Race for Water (Stève Ravussin) à 19,6 milles du leader

Ils ont dit

Brian Thompson à bord de Musandam-Oman Sail

« Tout va bien à bord de Musandam-Oman Sail : tout le monde est dans un bon état d’esprit en dépit des conditions de près 25 nœuds que nous avons rencontrées depuis le départ dimanche. Nous venons de virer le Fastnet après déjà 200 milles parcourus depuis Dun Laoghaire. Nous avons bataillé avec les quatre autres MOD70, nous avons été au contact toute la nuit, on voyait les feux de navigation…
Nous faisons route vers les calmes et nous pouvons voir nos camarades de jeu ! Nous sommes juste derrière Spindrift racing ! Une belle journée en perspective, mais nous avons du faire un double virement de bord pour passer de la trinquette au génois et nous avons perdu un peu de terrain. »

Stève Ravussin à bord de Race for Water

« Comme vous avez dû le voir avec les balises, dans la nuit nous avons dû affaler la grand-voile durant une heure car nous avons cassé une petite tirette sur le hook de grand-voile : nous avons dû envoyer notre numéro 1 pour pouvoir reconnecter la tirette. Cela nous a bien pris la tête, et cette avarie nous a fait rétrograder à la dernière place, mais rien n’est joué… »

Yann Eliès à bord de Spindrift racing

« On a passé le Fastnet en début de matinée au près et depuis, on a continué au près sur l’autre bord : nous venons tout juste d’ouvrir un peu les écoutes à une vingtaine de nœuds. Le front n’est en fait toujours pas passé puisque nous sommes à une soixantaine de degrés du vent et cela ne devrait franchement basculer au Nord-Ouest qu’en fin d’après-midi : on pourra hisser le gennaker et naviguer dans des conditions plus confortables que ces dernières 24h qui ont été assez rock’and roll. La mer commence à bien se calmer : on sent qu’on approche du thalweg et que le vent est plus faible devant. Ça n’a plus rien à voir avec ce que nous avons connu le long des côtes irlandaises où ça tapait beaucoup, mais le MOD70 passe vraiment bien dans la mer. On a vu une silhouette derrière nous dans le ciel gris qu’il y avait encore ce matin : maintenant, le soleil commence à poindre et on va pouvoir reprendre le rythme des quarts. J’ai pu enlever mon ciré ce midi et le sécher : on va se reposer un peu… »

Michel Desjoyeaux à bord de FONCIA à 17h30

« Cet après-midi, on a tapé quelque chose avec le safran central et le fusible a donc rempli son office : le safran s’est relevé. On essayé à plusieurs reprises de le remettre à sa place, mais pour ça il faut ralentir, mais comme on avait Gitana juste dernière nous, au bout de trois tentatives infructueuses, le safran refusant de descendre bien à sa place et de se verrouiller, on a remis en route sans safran central. Le vent était de 25 nœuds et la mer bien formée, et le safran de flotteur remplissait son rôle seul, comme quand la coque centrale décolle fort, ce qui somme toute, arrive souvent. Quand le vent a molli, on a été vérifié l’état du boitier de safran, et on s’est rendu compte que le cordage de descente était coincé à un endroit qui ne lui était pas destiné… On a été obligé de le couper sur place, n’arrivant pas à le dégager, suspendu dans un baudrier au dessus de l’eau, contre le tableau arrière, le tout à 20 nœuds dans les vagues… On a repassé un cordage sur le bon circuit, et le safran a retrouvé son élément, et avec la mer qu’il y a, c’est mieux ainsi pour le contrôle de trajectoire du véhicule… »

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