La Manche comme un lac
Dans le petit temps, la faute à une grande bulle anticyclonique, les quinze Class 40 de la Normandy Channel Race, après un long bord de près le long de la côte normande, le contournement des îles Saint-Marcouf cette nuit et une traversée de la Manche à petite vitesse, abordent le littoral sud de l’Angleterre. Au classement général provisoire, les tandems Goodchild – Collier Wakefield « Concise 2 », Bestaven – Pulvé « Phoenix Europe Express », Mabire – Merron « Campagne de France », Galfione – Péron se livrent une sacrée bataille au contact et prennent « la poudre d’escampette » aidés par le courant. Jorg Riechers et Nicolas Boidevezi à bord de « Mare », parmi les favoris de l’épreuve, ont connu une avarie du bout-dehors de leur Mach 40 ce matin à 4h30. Ils abandonnent la course. « Lupi » ferme la marche avec 27,8 milles de retard.
L’échappée belle des quatre premiers Class 40
Depuis le départ de la troisième édition de la Normandy Channel Race hier à 17h00 au large d’Hermanville-sur-Mer, les navigateurs n’ont pas chômé. Dans un premier temps, ils ont profité, le long des plages du débarquement, d’une belle brise de Nord-Ouest de 15 nœuds mais rapidement, alors que la flotte évoluait au près, tirant des bords, le vent est tombé et surtout le courant n’a pas été propices aux duos.
Dès 19h00 hier, les grandes manœuvres débutaient avec quelques virements qu’il fallait placer au bon moment, toutes voiles bordées. A ce jeu de précision, les rochelais Yannick Bestaven et Julien Pulvé, actuellement en tête du classement 2012 des Mini 6.50 dans la catégorie des prototypes, étaient les meilleurs traçant une route médiane, pas trop à la côte, pas trop au large. Ils étaient accompagnés des impressionnants Jean Galfione et Eric Péron, figariste de haut vol, et des deux jeunes britanniques Sam Goodchild et Ned Collier Wakefield à bord de leur Akilaria RC2.
C’est vers deux heures ce matin que le plateau de la Normandy Channel Race contournait avec difficulté les îles Saint-Marcouf pour ensuite traverser une première fois la Manche. Halvard Mabire, le normand, et Miranda Merron, grands connaisseurs des lieux, en profitaient pour revenir dans la partie. Bascule régulière du vent, passage au Nord puis Nord-Nord-Est, voire au Sud-Est, les Class 40 se retrouvaient dans une situation complexe de navigation au fil des oscillations permanentes. Une journée à la barre pour l’un, aux réglages pour l’autre, à la recherche de la moindre risée sur le plan d’eau, changement de voiles… de petits décalages en latéral se créaient. C’est en milieu d’après-midi que les premiers abordaient le Solent, bras de mer qui sépare l’île de Wight et l’Angleterre, avec un courant heureusement dans le bon sens pour les quatre leaders qui, actuellement, allongent la foulée avec déjà plus de 9 milles d’avance entre le quatrième « Talanta » et la surprise « Solo » des norvégiens Rune Aasberg et Simen Lovgren. Un « passage à niveau » qui aura des conséquences aux prochains pointages de la Normandy Channel Race.
« A mon avis, cette nuit, le vent sera très léger le long des côtes Sud de l’Angleterre voire nul » déclare Sylvie Viant, directrice de course. « Il va progressivement basculer à l’Ouest. Les concurrents vont naviguer le long du littoral afin de profiter d’une légère brise thermique. Actuellement et suivant les horaires, ils sont pratiquement arrêtés et même peut être au mouillage pour certains. Les leaders se sont échappés avec le courant. L’addition pourrait être salée pour leurs poursuivants ».
En double
La Normandy Channel Race, tout comme d’ailleurs en Class 40 la Solidaire du Chocolat, en Figaro Bénéteau la Transat AG2R, en monocoque de 60 pieds la Barcelona World Race, est une course à la voile qui se court en double. En tandem, contrairement au Solitaire où le marin conduit son voilier seul, les skippers peuvent se répartir les tâches et, sans conteste, tirer beaucoup plus sur leurs machines à vent. Pendant que l’un barre, l’autre est aux réglages. Pendant que l’un dort, l’autre est à la manœuvre et continue à 100% de conduire le voilier au maximum de ses possibilités… Moins de pilote automatique est quasiment toujours un navigateur à la barre afin de se concentrer pleinement sur la trajectoire du Class 40. C’est aussi de grands moments de partage en mer sur la terrasse de leurs unités au fil des changements de conditions météorologiques, le coucher du soleil, la nuit, le long des spectaculaires côtes anglaises ou normandes… Car, même si pour la plupart l’objectif est la gagne, la Normandy Channel Race reste une aventure.
Ils ont dit à la vacation de 12h00 :
Julien Pulvé, co-skipper du Class 40 « Phoenix Europe Express » :
« Tout se passe bien à bord. Nous avons un vent de Sud-Est voire d’Est de 5 à 6 nœuds. Nous sommes fatigués. Nous naviguons au contact depuis le début de la course. Actuellement, nous voyons « Campagne de France » et « Talanta ». Nous avons contourné les îles Saint-Marcouf en tête. En sortie, nous avons touché du vent avant les autres mais nous sommes également les premiers à avoir été confrontés à la molle. Nous sommes optimistes pour le passage du Solent ».
Nicolas Boidevezi, co-skipper du Class 40 « Mare » :
« Le bout-dehors de « Mare » s’est rompu à 4h30 du matin à son extrémité. Depuis, nous essayons de trouver une solution mais il est impossible de réparer. Le bout-dehors est un espar en carbone qui permet de porter les voiles de portant. Il permet de dégager les voiles du nez du bateau. Sans cette pièce, nous avons pris la décision d’abandonner la course. C’est une grosse déception car nous avions plutôt bien démarré la course et nous nous entendons bien à bord. On sera de retour à Caen demain en fin de matinée ».
Catherine Pourre, skipper du Class 40 « Earwen » :
« Nous ne recevons pas nos fichiers météos. Pour l’instant, ce n’est pas important mais cela peut être ennuyeux pour le reste de la course. Nous nous rapprochons du Solent. Avec un peu de chance, nous allons le passer au bon moment ».
Miranda Merron, co-skipper du Class 40 « Campagne de France » :
« Nous approchons de mon pays. Nous avons « Phoenix Europe Express » juste devant nous et « Talanta » derrière. Nous avons passé la nuit à changer de voiles d’avant et effectuer de nombreux virements ! Pour l’instant, nous avons 5,8 nœuds de vent ».
Thibault Reinhart, co-skipper du Clas 40 « Yasmine Flyer » :
« A bord de Jasmine tout va bien. On n’est pas trop content de notre sortie de la baie de Seine mais c’est comme ça. Du coup, on cravache, on cravache ! Allez hue Jasmine ! Allez hue ! Mais`il y a beaucoup de cargo sur le lac !!! On en croise beaucoup ! Sinon, ambiance au top ! Cool de naviguer entre pote ! ça change ! »
Marc Lepesqueux, skipper du Class 40 « Les Conquérants Caen La mer » :
« Le vent a été capricieux depuis le début de la Normandy Channel Race. Cette nuit, nous avons pris des algues dans notre quille ce qui nous a handicapé fortement. De plus, nous n’avons pas bien navigué le long des plages du débarquement. Pour nous qui sommes distancés au classement, le passage du Solent est angoissant car le courant peut être contre nous ».
Un jour, un équipage
Marc Lepesqueux est le local de la course. Originaire de Caen, vivant à Fleury-sur-Orne, Marc est un pilier de la Classe 40. Depuis 2006, il navigue en Class 40 et a remporté en début d’année avec l’allemand Jorg Riechers la Solidaire du Chocolat, course en double entre Nantes et le Yucatan. Il est réputé pour être un marin dur au mal et fin stratége. C’est avec Eric Defert à bord de l’Akilaria RC 2 « Les conquérants – Caen La Mer » que Marc participe à la Normandy Channel Race. Armateur de Class 40, Defert s’est illustré l’année dernière en décrochant le record de l’atlantique Nord en Solitaire et en Class 40.