Faute de vent, on ne court pas !
Au lendemain de l’aussi spectaculaire qu’éreintante manche « offshore » disputée hier entre le Havre et l’île de Wight, la Direction de course, sans pitié pour les organismes bousculés par 36 heures de régate intense, au contact et culminant par un hallucinant bord nocturne sous spi, dans 30 nœuds de vent, a renvoyé les 27 solitaires encore en course au large de la Hève pour y disputer une course de type « banane ». Les Figaro Bénéteau se sont docilement rendus en milieu d’après-midi sur la zone de course, où les attendait un fort courant « rentrant » et…. une vaste zone sans vent. La journée s’avançant, Francis Le Goff, directeur de course renvoyait, magnanime, les solitaires au port. Un répit sûrement bien accueilli en leur for intérieur par des marins heureux de bénéficier de repos supplémentaire avant de poursuivre dès demain le copieux programme de cette Le Havre Allmer Cup.
Tabarly et Hardy au coude à coude
Deux manches dûment validées figurent ce soir au classement général de la Le Havre Allmer Cup. Un premier parcours de type « banane » a permis d’emblée et dès dimanche de distinguer les hommes en forme du moment. Le grand parcours de 240 milles disputé hier en Manche, avec un aller-retour vers l’île de Wight, a confirmé un certain nombre d’impressions et le fort coefficient de cette course offshore positionne déjà Erwan Tabarly (Nacarat) et Adrien Hardy (Agir Recouvrement) comme favoris de l’épreuve. Les deux hommes sont à égalité de points (7) et Adrien, vainqueur lundi du « banane », n’a terminé hier soir qu’à une petite encablure d’Erwan. Autant dire que le marquage et l’observation entre les deux hommes s’annoncent sévère d’ici à la clôture des débats vendredi soir. « Il reste beaucoup de courses à courir » précise Hardy, « et je me concentre sur mon bateau afin de ne pas faire de grosses erreurs. » Les grands noms très attendus de l’épreuve qui compte, rappelons le, pour le championnat de France de course au large en solitaire, n’ont plus le droit à l’erreur. Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012) est parvenu à garder Morgan Lagravière (Vendée) à distance et demeure mathématiquement dans le coup pour la victoire finale. Les Normands Nicolas Jossier (In Extenso Experts comptables) et Charlie Dalin (Keopsys) qui naviguent en leurs eaux ont en revanche déjà grillé quelques jokers. Ils piaffent de pouvoir s’exprimer aux avant postes tout au long des parcours entre trois bouées et côtiers prévus au programme de la semaine.
Dalin en ses eaux
Le Havrais Charlie Dalin navigue « dans son jardin ». Formé à la voile en Baie de Seine, il a plus tard poursuivi des études en Angleterre, à Southampton précisément. Il était ainsi doublement « en ses eaux » hier, de chaque côté de la Manche.
« Nous sortons d’une manche particulièrement difficile autour de l’île de Wight et en partant des pontons du Havre ce matin, tout le monde était un peu sur les rotules. Mais on est là pour régater. Il était important hier de ne pas se mettre trop dans le rouge pour pouvoir précisément enchaîner dès aujourd’hui. On a un peu de répit mais dès demain, il faudra être à 100%.
Cette grande course a été pour moi très contrastée. Je prends un bon départ, comme souvent cette saison, 2ème à la bouée et 5ème à Cabourg, mais je regrette de ne pas avoir suivi mon plan original qui consistait à traverser dès le passage de la Tour Nab le solent pour glisser sous la côte anglaise. Ce qu’a fait Adrien Hardy. Mais je me trouvais alors dans le groupe de tête et j’ai hésité à lâcher la proie pour l’ombre. Je le regrette quand je vois le gain qu’en a tiré Adrien. Je connais bien le solent. Mes amis anglais m’avaient confirmé que ça passait par là… je sus un peu déçu de cette « non option ». Du coup, je me suis trouvé comme les autres à contre courant. J’ai compté sur ma « trace » 207 virements de bord ! on a pas chômé, entre les orages, les changements de voile dans un vent virevoltant. Les virements dans le solent ont été épuisants, et on a fini sous spi dans 30 nœuds de vent et sur de la mer formée. Les parcours courts ne sont pas ma spécialité. Je suis plus grimpeur que sprinteur mais je m’améliore avec le temps. Je suis prêt pour la fin de semaine sur ce type de format. »
Le chiffre du jour : 225
C’est très exactement le nombre de virements de bords effectués hier dans le solent par Damien Guillou (La Solidarité Mutualiste). Un chiffre approché par la totalité des concurrents. Charlie Dalin Keopsys) par exemple en a comptabilisé 207 en ce qui le concerne…
Ils ont dit :
Francis Le Goff, Directeur de course
« Le classement n’est pas révélateur de tout ce qui s’est passé depuis trois jours, et notamment lors de la grande course d’hier. Il y a eu énormément de coups à jouer, qui se sont révélés plus ou moins payants. Erwan Tabarly et Adrien Hardy se sont montrés très réguliers. Les écarts sur l’eau sont infimes, quelques minutes. Il faut rappeler que sur cette Le Havre Allmer Cup, toutes les manches comptent ; on n’enlève pas la plus mauvaise. Donc, pas le droit à l’erreur. le jeu est très ouvert. Ca peut revenir par derrière. La Baie du Havre est connue pour offrir beaucoup d’options pour se refaire. La grande course a été terrible physiquement. Les coureurs vont dorénavant disputer des « bananes », dans un vent de plus en plus clément. Cela va être toujours physique car il va falloir enchaîner. Le physique va être très important pour gagner ici. »
Morgan Lagravière (Vendée)
« Moi qui demandais lors du briefing de l’intensité dans l’enchaînement des courses, je suis servi ! Du petit temps, des phases techniques, du près face au courant, 150 à 200 virements et une grosse descente sous spi vers le Havre hier, c’est presque trop (rires). J’ai bien terminé la grande course malgré mon « talonnage » sur un banc de sable qui m’a coûté 20 bonnes minutes pour m’en sortir finalement avec la marée montante. La fatigue est un facteur qui va enter en ligne de compte pour cette fin de semaine. Il reste des parcours à la journée à disputer. J’étais auparavant très à l’aise sur des parcours bananes et moins bien au large, et à présent c’est l’inverse. J’ai un peu perdu mes repères entre trois bouées, en me formatant pour le large. Je dois travailler pour retrouver mes automatismes. »
Abandon de Simon Troël (Les recycleurs Bretons)
La rupture d’une pièce maîtresse de son mât a contraint le skipper des Recycleurs Bretons à l’abandon, hier, lors de la grande course de la Le Havre Allmer Cup.
Une potence de pataras, petite pièce, neuve de surcroit, a lâché hier, à bord du Figaro Bénéteau des Recycleurs Bretons, dans les conditions musclées rencontrées par les figaristes dans leur transmanche aller-retour entre Le Havre et l’île de Wight.
Simon a immédiatement sécurisé son mât en affalant son spi et a terminé la course sous grand voile seule.
Sans perdre une minute, ce matin, le jeune skipper a déjà sorti son bateau de l’eau pour le rapatrier à Brest, son port d’attache. Là, le mât sera expertisé, puis changé.
Simon Troël, skipper des Recycleurs Bretons : « Le mât a cassé, il est neuf pourtant… J’ai tout de suite affalé le spi, c’est sans conséquences matérielles pour le reste du gréement, mais la pièce qui a cassée est une pièce maîtresse, c’est la potence qui tient le pataras. Elle est stratifiée dans le mât, ce n’est pas réparable. Le bateau a été sorti de l’eau, il faut le démâter, faire passer l’expert, changer de mât… Pour moi, la Le havre Allmer Cup s’arrête là. Et je ne pourrai pas être prêt non plus, début septembre, pour la « Med Race ». En revanche, dès que possible, je reprends l’entraînement ! »
Demain, un côtier… peut-être ?
En fonction de la météo, annoncée très clémente, vent d’ouest pour une dizaine de nœuds, les Solitaires quitteront les pontons avant 10 heures pour se mettre dès 11 heures à la disposition du Comité de course. Francis Le Goff souhaite répondre aux aspirations des coureurs en multipliant les manches. Deux bananes suivies d’un côtier pourraient ainsi être lancées…