Erwan Le Roux (FenêtréA Cardinal 3), a ouvert ce matin et de superbe manière le grand bal des arrivées sous les remparts malouins des 25 concurrents de la Transat Québec Saint-Malo. Vainqueur de sa classe Open, et record de l’épreuve en Multi50 à la clé, Erwan Le Roux a triomphé d’une transat particulièrement tonique en 9 jours et 14 heures. Les arrivées vont se succéder à partir de jeudi avec les arrivées très serrées des deux autres trimarans de la course, Défi Saint-Malo Agglo (Gilles Lamiré) et Vers un Monde sans Sida (Erik Nigon), suivi du grand monocoque italien Vento Di Sardegna (Andrea Mura) en prélude au final époustouflant en tête de la Class40. Le Normand Halvard Mabire (Campagne de France) étonne, épate, écœure même, les « pointures » de la flotte attachées à ses basques depuis plus de trois jours. Non seulement Mabire et ses équipiers Miranda Merron et Christian Bouroullec résistent, mais ils ont ces dernières heures de nouveau creusé les écarts pour naviguer aujourd’hui avec près de 50 milles d‘avance sur leurs opposants les plus acharnés, Sébastien Rogues (Eole Generation – GDF SUEZ) et Jörg Riechers (Mare) hier encore à une poignée de milles de leur tableau arrière. A 600 milles de l’arrivée, toute la flotte commence seulement à émerger, un peu groggy, du sévère coup de vent qui les a secoué la nuit dernière, avec des vents enregistrés en rafales et pour certains à près de 50 nœuds. Les petits bobos plus ou moins sérieux apparaissent içi et là et provoquent une sélection par l’arrière de la flotte. Les conditions de vents portants soutenus devraient tenir jusqu’aux portes de Saint-Malo que les premiers devraient entrevoir dès vendredi soir.

Un Mabire de gala
Samuel Manuard (Mare), Martin Blumencron (Red) ou Antoine Carpentier (Multi50 FenêtréA Cardinal 3) n’ont aujourd’hui pas de mots assez flatteurs pour exprimer leur admiration à l’observation de la course conduite par Halvard Mabire sur son Pogo 40 2S Campagne de France. Antoine, vainqueur précisément en Class40 voici 4 ans avec Halvard ne s’étonne pas outre mesure ; « Avec Halvard, tout est possible ! » 355 milles lors des dernières 24 heures, à 14,8 nœuds de moyenne. Mabire « allume » dans le sud de la dépression, en route directe vers la pointe de Bretagne. Ses adversaires en sont réduits à changer drastiquement de tactique. Les Rogues, talonné par Riechers et Amedeo (Geodis) un peu décroché à 88 milles, semblent renoncer, au moins pour l’heure à menacer Campagne de France sur le terrain de la vitesse pure. A un peu plus de deux jours de mer de Saint-Malo, ils rompent l’engagement et modifient leurs trajectoires, dans le but de créer le petit décalage en latérale nord-sud synonyme d’espoir, et avec le dessein affirmé de bénéficier, après un dernier et crucial empannage, d’un angle de descente vers la Manche plus rapide que celui d’Halvard sur une route plus « abattue » dans leur sud. Le quatuor de tête abat ses dernières cartes, tandis que le gros du peloton relégué à 150 milles se consacre désormais à terminer le mieux possible une transat extraordinairement exigeante et destinée à rentrer dans le livre des records.

FenêtréA Cardinal 3… impérial !
Il était à peine 8 heures du matin, le soleil perçait tout juste au-dessus de quelques nuages bas quand le trimaran d’Erwan Leroux, FenêtréA Cardinal 3 pointait enfin le bout de son étrave sur la ligne d’arrivée de la Transat Québec Saint-Malo. Pourtant il aura fallu s’armer de patience pour enfin découvrir cette libellule rouge et blanche. Initialement prévue vers 22h, l’arrivée du premier multicoque de la classe Open était, sans cesse, repoussée. La faute d’Eole sûrement qui a voulu garder ces marins encore un peu plus longtemps sur l’eau et en Manche. Mais sitôt la ligne franchie, c’est une explosion de joie qui s’est emparée de ces hommes qui viennent d’écrire une magnifique page du grand album de cette course mythique. Avec un temps de 9 jours 14 heures 21 minutes et 5 secondes, Erwan Leroux, Antoine Carpentier, Mathieu Souben et Yvon Cardinal, l’un des sponsors du trimaran, ont non seulement réussi à terminer premier mais ils s’offrent également le nouveau temps de référence sur la distance avec 1 jour 12 heures et 58 minutes d’avance sur le temps de Franck-Yves Escoffier sur Crêpes Whaou ! 3 en 2008. L’incroyable faculté des marins d’oublier les moments difficiles en mer laisse désormais la place à ces incroyables glissades sur l’Atlantique, ces rencontres de mammifères marins sur le Saint-Laurent et au large de Terre-Neuve mais également la communion d’un équipage entre une machine parfaite pour cette course et un parcours unique en son genre. Les deux prochains concurrents, Défi Saint-Malo Agglo et Vers un Monde sans Sida, ne sont pas attendus avant demain soir et ont dû faire face, la nuit dernière, à de terribles conditions, des vents de plus de 50 nœuds et une mer très difficile. La route vers le Fastnet et Saint-Malo n’est pas si facile que ça en ce début août.

Les mots du large…

Erik Nigon, Vers un Monde sans Sida
« La nuit a été chaude comme prévu… On a complètement descendu la grand-voile de 23h à 9h du matin. Il y avait 35 à 42 nœuds en permanence et pas mal de séquences au-dessus de 45 nœuds avec des grains chauds bouillants. Devant on avait l’ORC ou la trinquette dans les molles. La mer était bien grosse, quelques vagues ont éjecté le barreur (mais on était attaché donc pas de risque de se retrouver à l’eau) de sa place dans le cockpit et d’autres ont pris le trimaran sur le travers arrière ce qui nous a valu quelques équilibres impressionnants sur la tranche. On a retrouvé des sensations de gite comme en monocoque !
Ce n’était pas la décontraction habituelle et il y avait moins de monde pour prendre la barre et faire le numéro d’équilibriste. Il n’y a pas eu de risque majeur de se retourner car sans grand-voile seules les vagues peuvent le faire et elles n’étaient pas assez hautes pour cela (mais bien assez pour faire des surfs à plus de 20 nœuds avec arrêt buffet en rattrapant la vague de devant).
Par contre le flotteur au vent a tapé très fort à de nombreuses reprises en sortie de vague et je suis content d’avoir un bateau robuste et qui absorbe bien les chocs. Pas de casse, juste des sacs à bout de trampoline explosés, des voiles d’avant qui ont vieilli pas mal d’un coup et l’intérieur du bateau trempé y compris la couchette arrière et on a donc sorti les couvertures de survie pour se garder au chaud pendant les phases de repos.
Donc bilan positif car on prend plus d’expérience et de confiance dans le bateau dans des conditions extrêmes mais je préfère prendre ces conditions en équipage qu’en solo… Depuis la fin de matinée le soleil est de retour, on a 22 à 27 nœuds de vent et on a tout renvoyé.
La parenthèse est finie, on va donc cravacher pour reprendre notre seconde place. Il reste 500 milles : 140 pour le Fastnet et on tourne à droite pour un grand bord de glisse qui nous amènera a Saint-Malo dans la nuit de jeudi à vendredi.
La mer va fumer, on va se faire un dernier grand plaisir au maximum du voiler au ruban rouge. Vous pouvez commencer à mettre les bières au frais ! Au surf Vers un Monde sans Sida, les gars on a bu de l’eau de mer pour vous cette nuit mais le combat en vaut la peine ! »

Aurélien Ducroz, Latitude Neige-Longitude Mer
« Nous venons de nous apercevoir que nous sommes en train de perdre le safran tribord du bateau, l`axe du safran est sortie et s’est tordu, il nous est maintenant impossible de le remettre en place ou de le remplacer. La ferrure du safran est progressivement en train de s`arracher du tableau arrière. Nous faisons route vers la Bretagne à allure réduite en espérant que le safran tienne le plus longtemps possible. Malgré cette nouvelle avarie, nous faisons tout pour rejoindre la ligne d’arrivée ! L`ambiance à bord a pris un gros coup, malgré les problèmes rencontrés ces derniers jours nous nous battons pour réussir au mieux cette transat.
L`objectif a bien changé maintenant, nous essayons de ramener le bateau ! »

Miranda Merron, Campagne de France
« Quelques lignes sur la vie à bord d’un Class40 qui fonce à toute vitesse sur et à travers les vagues. Toutes les activités non essentielles du bord ont été annulées. Tous les équipiers sont vêtus pour le combat, équipement tempête, bottes, gilets, harnais… prêts à l’action si le spinnacker devait être affalé en urgence. Pas à cause du vent, mais à cause de l’état de la mer. Il nous faut des safrans plus gros ! Il fait un bruit assourdissant à bord quand le bateau file 18 nœuds ; la quille chante, et le bateau rebondit sur l’eau. Parfois il plonge aussi sous l’eau ! Il ne fait pas froid, mais tout est humide… »

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