Le Mini, un nouveau monde à découvrir
Passe ta Mini d’abord ». Pendant longtemps, ce slogan était celui de tous les postulants au grand large, celui des espaces indéfinis et des navigations en solitude. A chaque édition des Sables – Les Açores – Les Sables, ils sont un bon quart de la flotte qui vont se confronter à leur première course hauturière à bord d’un Mini. 6,50 mètres d’inconfort permanent, d’astuces pour caser le bric-à-brac nécessaire à toute course au large, mais aussi de plaisirs de la glisse et d’histoires qu’on emmagasine pour les raconter au port. Portrait de trois candidats.
A la conquête de l’Atlantique
Michele Zambelli (Fontanot) se plait à le dire : « Je suis le plus jeune des concurrents de cette course sur un des plus vieux bateaux de la flotte… » Du haut de ses 22 ans, le jeune navigateur italien va se confronter pour la première fois à la houle du large atlantique et à une navigation de plus d’une semaine en solitaire. Ce qui ne semble pas l’émouvoir outre mesure. Du large, il a l’expérience d’une première Transat 6.50… mais sur un bateau accompagnateur. S’il n’a pas encore vécu personnellement cette plongée en solitude, il a déjà pu humer les effluves de cet esprit si particulier qui accompagne cette course. Les humeurs variables des concurrents en fonction de leurs classements, des conditions météorologiques, de la gestion de leur forme physique. Michele Zambelli imagine bien ce qu’il faut de force mentale pour accepter de vivre sur un bateau avec pour seuls contacts que les conversations VHF de concurrent à concurrent ou avec un bateau accompagnateur, quand il est encore à relative proximité. Depuis deux ans, Michele s’est entrainé à vivre à la dure, comme un nomade, avec pour seul pied à terre que son camping-car. Une manière de rentrer dans le grand bain.
Rêve de gosse réalisé
Yoann Tricault caressait, quant à lui, le rêve de partir sur la Mini-Transat depuis un bon moment. Groupie des coureurs du large, il a attendu d’approcher la trentaine pour se décider à monter à bord d’un voilier. Sa première expérience fut une traversée de l’Atlantique à bord d’un gros catamaran de croisière. Il en garde un souvenir empreint d’une certaine monotonie : un convoyage sur l’Atlantique, sans l’aiguillon de la course, peut vite devenir très routinier. Par chance, une revue nautique traîne à bord. On y parle de ces drôles de solitaires qui traversent l’Atlantique sur des bombes de 6,50m surtoilées. La décision de Yoann est prise. Il sera au départ de la Mini-Transat. Le fait d’habiter Lyon ne fragilise en rien la détermination du jeune navigateur qui multiplie les expériences. Embarquement sur un trimaran pour la course Vendée Saint-Pétersbourg, navigation sur divers supports, Yoann engrange avant d’acheter son bateau, qu’il baptise C-possible, histoire de démontrer que la volonté est un puissant vecteur de réussite. A quelques jours du départ, il est partagé entre une appréhension légitime et la joie de toucher au but qu’il s’est fixé. Avec comme devise de naviguer proprement, à sa mesure, et de ne pas avoir honte de sa course.
L’humilité du transfuge
Pour Damien Cloarec (Damien Cloarec recherche sponsor), l’aventure est d’un autre ordre. Ce transfuge du circuit Figaro est venu ici se ressourcer, après quelques années au contact de la voile professionnelle. Aux joutes au contact, il a préféré l’appel du large et les grandes options. Pour autant, Damien sait que rien n’est jamais acquis. Si son expérience du monotype Figaro lui donne un avantage évident en matière de réactivité, de capacité à répondre à une situation de course, il va devoir aussi apprendre à optimiser la conduite d’un engin taillé pour la glisse, survitaminé… Savoir jusqu’où pousser le curseur va faire partie de ses apprentissages, comme le fait de devoir composer une stratégie avec des informations météorologiques réduites à leur plus simple expression. Il va donc falloir réapprendre à observer les courses des nuages, les changements de ciel, analyser le pourquoi d’une rotation des vents. Pour toutes ces raisons, Damien Cloarec réfute l’étiquette de favori, même s’il dispose d’un bateau de série dernier cri. Le résultat de la première étape sera un bon test de la réussite de l’assimilation.
Trois navigateurs, trois profils et pourtant, un lien les unit, celui d’être encore un bizuth du large sur un 6,50m. Mais il y a fort à parier qu’une fois parvenus à Horta, ils pourront se dire que le rite initiatique a été accompli. Quand on se raconte des histoires de mer au comptoir de chez Peter, le nombre de Transat sous la quille importe peu.