Après un golfe de Gascogne éprouvant pour les nerfs avec ses petits airs, le passage du Cap Finisterre pour la tête de la flotte marque l’entrée dans la deuxième partie de course. La descente le long des côtes portugaises s’annonce tactique et essentielle pour la victoire finale, en temps réel, mais surtout en temps compensé.

Déjà la mi-course ! 72 heures après un départ magnifique de la Panerai transat Classique à Douarnenez, les premiers voiliers arrivent au Cap Finisterre, à la pointe Nord-Ouest de la péninsule ibérique. La traversée du golfe de Gascogne a été négociée avec subtilité et précision par des équipages qui, dès le début, ont pris un rythme plus que soutenu. Dans les petits airs rencontrés, il faut en effet redoubler de concentration et le moindre relâchement se paie cash. En tête depuis la ligne de départ, Emeraude n’a pas commis d’erreur, dépassé quelques heures seulement au moment de franchir le Raz de Sein par Amazon, ce qui vaut au grand yawl de remporter le Trophée Capbiotek sur cette première étape. Ensuite, le voilier italien, un magnifique et très affûté plan German Frers, n’a pas lâché le commandement, augmentant peu à peu son avance qui se stabilise aujourd’hui aux environs de 60 milles.

La meute des poursuivants, cinq voiliers prêts à maintenir la pression sur le leader, joue aussi la carte du classement en temps compensé. Avec ce système de calcul, qui prend en compte de nombreux paramètres dont la taille du bateau, sa surface de voilure et son âge, rien n’est joué avant le passage sur la ligne d’arrivée de tous les concurrents. Persephone, superbe Tina de 1969, se montre redoutable dans cet exercice, avec à son bord Pierre Follenfant, multiple vainqueur de courses océaniques et, si l’on en croit les messages reçus du bord, également très bon cuisinier, une fonction essentielle pour le bon moral de l’équipage : « Nous attaquons chaque journée de façon sereine, ponctuée par les apéros, déjeuners, goûters, dîners admirablement préparés par Pierre, sans compter les œufs au bacon et d’autres gâteries. » Mais la course ne perd jamais ses droits : « Le gros sujet est d’affiner le passage de la Corogne puis la descente vers Cascais. La météo est plutôt taquine et une bulle sans vent sera la clé du résultat à l’arrivée. »
Navigant presque à vue, se trouvent aussi Amazon qui prend son mal en patience, attendant des conditions plus intenses pour démontrer son beau potentiel de vitesse, Valteam, autre magnifique yawl venu l’an passé des Etats-Unis par l’Atlantique Nord et que son équipage semble mener de mieux en mieux, Gweneven, sloop racé faisant preuve d’une belle ténacité avec un propriétaire-skipper qui découvre le monde de la course en même temps que son voilier, et Vagabundo II, un autre plan German Frers de 1945, une époque lointaine où aucun des membres de son équipage n’était né. Derrière ce peloton, un autre groupe, relégué à près d’une centaine de milles, se livre à une lutte sans concession, ni temps mort. Emmenés par Mowgli, le seul récidiviste de la première édition de la Transat Classique, ces concurrents ont eu du mal à se sortir des zones de calme et ont vu leurs adversaires s’envoler lorsque le vent est rentré par l’avant de la flotte. Tout proches, Red Hackle et Pen Duick II montrent un bel esprit de combativité. Un peu décroché, Laetitia II doit continuer à batailler pour ne pas voir revenir Cipango, son sistership de la série des Taillefer, et Marie des Isles, venu des Antilles pour disputer la course.

Pour descendre le long des côtes espagnoles et portugaises, les concurrents ont sans doute intérêt à se décaler vers l’Ouest pour toucher davantage de brise. Un choix que l’équipage italien a anticipé, prenant ainsi une option presque définitive pour la victoire en temps réel. Ses plus sérieux concurrents risquent d’avoir davantage de mal à partir vers le large, pris par cette bulle dans laquelle Persephone aurait bien aimé voir tomber Emeraude, mais qui, à l’inverse, les pénalise. L’arrière de la flotte bénéficie de meilleures prévisions avec un retour de vent annoncé et, en analysant la position des voiliers de tête, la possibilité de ne pas tomber dans le même piège. Une incitation à ne pas baisser les bras car chaque seconde de reprise pourra se montrer capitale lors du calcul final en temps compensé. Dans la situation actuelle, la ligne d’arrivée pourrait être franchie dans la journée de vendredi. Le compte à rebours est commencé.

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