Faire traverser l’Atlantique en course à des yachts classiques, dont un presque centenaire, l’idée semble folle. Pourtant, tous ces voiliers, témoins de la formidable aventure de l’architecture navale, ont souvent été imaginés pour réaliser ce genre d’exploit. Retour aux sources de la Panerai Transat Classique 2012.

Le 2 décembre prochain, après deux étapes déjà intenses depuis Douarnenez et Saint-Tropez, une trentaine de voiliers s’élancera de Cascais, au Portugal, pour rejoindre La Barbade, aux Antilles. Dès le coup de canon, les équipages s’appliqueront à la manœuvre, bien décidés à tirer le meilleur de leurs bateaux souvent quinquas, voire septuas ou octogénaires. L’un d’eux, Moonbeam IV, fêtera même, en 2014,… son centenaire. Folie ! crieront alors certains. Comment envoyer ces voiliers, appelés « vieilles dames » par certains, « commodes Louis XV » par d’autres, traverser un océan, et en course qui plus est ? C’est oublier un peu vite, que la plupart de ces unités ont été commandées, pensées et construites pour aller vite et affronter des conditions difficiles. La mer d’aujourd’hui n’est ni plus terrible, ni plus docile que celle d’autrefois. Lors de l’édition 2008 de la Transat Classique, près de vingt yachts classiques ont affronté l’Atlantique avec, au bilan, peu de casse, des sourires par dizaines et des étoiles plein les yeux des marins embarqués. Et en mettant 20 jours à traverser, Stiren, dessiné par Olin Stephens en 1959, le vainqueur au classement général, n’aurait pas souffert de la comparaison avec des coureurs plus illustres.

En France, la course transatlantique ne s’inscrit dans la mémoire collective qu’en ce jour de 1964 où un jeune officier de marine remporte une course très anglo-saxonne : après un peu plus de 27 jours de mer, Eric Tabarly, à bord de Pen Duick II, vient de gagner la désormais célèbre OSTAR (The Observer Single-handed Trans-Atlantic Race) et entre dans la légende, félicité par le Général de Gaulle en personne. Cet épisode remonte donc à… moins de cinquante ans, alors que la première épreuve courue à travers l’Atlantique date de 1866. Comme bien des trophées sportifs, cette course est née dans l’ambiance enfumée d’une fin de soirée bien arrosée. Trois yachtmen, membres du très select New York Yacht Club, se lancent un défi pour savoir lequel possède le voilier le plus rapide et, le 11 décembre 1866, Henrietta, Vesta et Fleetwing passent la ligne devant le bateau-feu de Sandy Hook, au large de New York, pour rallier le phare des Needles, à la pointe sud-ouest de l’île de Wight, en Angleterre. Henrietta coupe la ligne après 13 jours et 21 heures et son armateur, James G. Bennett, fils du propriétaire du New York Herald Tribune, empoche les 90 000 $ mis en jeu (un peu plus d’1 million de dollars actuels). Il faut noter que les 3 adversaires se tiennent en moins de 9 heures à l’arrivée.

D’autres courses, dans les deux sens, suivront, souvent le résultat de paris entre riches armateurs. En 1905, à la suite d’un défi lancé par le Kaiser Guillaume II à qui battra son yacht Hamburg, onze voiliers franchissent la ligne de départ à New York pour rejoindre le Cap Lizard, au sud-ouest de l’Angleterre : la goélette à trois mâts Atlantic, appartenant à Wilson Marshall et menée par le fameux capitaine Charlie Barr, établit un record, en à peine plus de 12 jours, qu’Eric Tabarly, toujours lui, ne battra que 75 ans plus tard avec son trimaran à foils Paul Ricard. En 1931, un jeune architecte, Olin Stephens, se fait remarquer en gagnant la Transatlantic Race (sens ouest-est) en 17 jours, quand les pronostiqueurs pariaient sur 3 à 4 semaines. Le ketch Eilean, dessiné par William Fife III et son neveu Robert Balderton Fife en 1936, et appartenant aujourd’hui à Officine Panerai, vient, cet hiver et au printemps, d’effectuer un aller-retour vers les Antilles, après 3 ans de restauration. Les yachts classiques aiment le large et, parce qu’ils sont nés sous la plume des plus talentueux architectes et ont grandi dans les chantiers les plus renommés, ils sont taillés pour ce genre d’aventure.

L’initiateur de cette course, Loïc Blanken, en a d’ailleurs eu l’idée lors d’une traversée de l’Atlantique, sur un bateau moderne, en apercevant sur l’horizon la voilure d’un gréement aurique. Si celui-ci pouvait franchir un océan, il devait sans doute y en avoir d’autres dans l’attente de cette belle aventure. Ainsi naissait la Transat Classique. Bien préparés, autant sur le plan matériel que sur le plan humain, les concurrents de cette Panerai Transat Classique 2012 sont donc bien décidés à en découdre sur les flots. Avec une petite contrainte supplémentaire : par respect pour ces bateaux, véritables œuvres d’art des charpentiers de marine, les marins doivent savoir quand il faut lever le pied pour les mener à bon port. Une traversée réussie est bien celle où équipages et voiliers se retrouvent de l’autre côté de l’océan pour partager l’émotion de ces milliers de milles parcourus, entre adversaires bien sûr, mais aussi et surtout entre passionnés de la belle plaisance et de la navigation au long cours.

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