La bataille de l’Angleterre
Avec 15 à 20 noeuds de vent d’ouest et de belles éclaircies, ce sont des conditions de rêve qui poussent la flotte des Figaro Bénéteau tout droit vers l’Ile de Wight, prochaine marque de parcours avant la redescente vers Cherbourg-Octeville. Au large de Start Point, l’écoute de spi au winch, la manivelle dans une main et la barre dans l’autre, les solitaires turbinent sur le pont pour faire parler la poudre. Dans cette course au portant éreintante, Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012) est désormais sous la menace directe de Morgan Lagravière (Vendée) qui a croqué deux places pour son « english breakfast ». Derrière, les écarts sont dérisoires entre le 3e Frédéric Duthil et leader du classement général provisoire Yann Eliès (5e). Mais le danger pourrait venir d’ailleurs, car les attaques fusent de toute part…
La composition du trio de tête n’a pas arrêté de bouger depuis le passage du phare de Wolf Rock au petit matin. Au sud de la pointe de la Cornouaille, une fois envoyé le spi, la plupart des solitaires empannaient immédiatement pour aller chercher du vent frais au large. Dans le top 10, ils sont trois seulement à faire le choix inverse et à rester près des côtes anglaises pour profiter de la bascule de courant : Fabien Delahaye, Gildas Morvan et Frédéric Duthil. Pari réussi puisque très vite, ces trois hommes prennent les devants. Le skipper de Sepalumic, excellent en vitesse sous spi, parvient rapidement à doubler Cercle Vert. Mais c’était sans compter sur l’étonnante niaque de Morgan Lagravière. En l‘espace de quelques heures, le skipper de Vendée ne se contente pas de reprendre ce qui lui avait été volé (la 2e place) : il fait désormais jeu égal en tête avec Fabien Delahaye. « J’ai fait 6 ans de 49er, j’ai une bonne lecture des vagues et il fallait être dessus. Cela dit, je ne pensais pas être capable d’être aussi insolent par rapport aux autres. C’est un super plaisir que je viens de me faire. Ils étaient tous devant moi tout à l’heure et là, ils sont derrière à un demi mille », déclarait à la VHF ce jeune coureur qui carbure à la confiance.
Efforts incessants
Pourtant, dans un vent à nouveau très irrégulier au large de Start Point, la bagarre est loin d’être terminée, pour le podium d’étape, pour le classement général mais aussi pour les places d’honneur. Yann Eliès (Groupe Quéguiner – Le Journal des Entreprises) est actuellement en 5e position, à 0,9 mille de Skipper Macif 2012. Rien de catastrophique pour l’instant. L’objectif absolu de Yann est de minimiser les écarts avec Morgan et Fabien qui lui concèdent respectivement 30’17 » et 33’49 » au général. Pour gagner cette course contre la montre, il faudra être en forme. Car mine de rien, depuis le départ de Saint Gilles Croix de Vie il y a 48 heures, le vent, très irrégulier, a imposé des efforts d’adaptation constants aux solitaires. C’est encore le cas dans cette bataille d’Angleterre où les attaques fusent de toute part. A surveiller de près : le décalage au large de Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls), 14e à 3,8 milles, qui n’a cessé de tenter des coups dans cette troisième étape, souvent avec succès.
Des nouvelles têtes dans le top 15
Rien n’est donc acquis dans le top 15 de cette ultime manche, qui a vu surgir de nouvelles têtes. Le jeune bizuth Julien Villion (Seixo Promotion) fait jusqu’à présent une course exceptionnelle et pointe en 6e position, au contact des leaders. Idem pour Jeanne Grégoire (Banque Populaire), 8e à 2,1 milles, qui ne cède rien de puis le départ en Vendée ou encore Isabelle Joschke (Galettes Saint Michel), actuellement 11e. Enfin, le jeune britannique Sam Goodchild (Artemis 23) peut se réjouir d’être aussi bien placé à côté de la maison. Sam, dont c’est la deuxième participation à la Solitaire, fait de loin la plus belle étape de sa jeune carrière de figariste.
A Cherbourg mercredi midi ?
Les premiers sont attendus à la marque de Fairway (Ile de Wight) vers 4 heures demain matin. Ce sera le dernier grand virage à négocier avant une traversée de Manche retour vers l’arrivée à Cherbourg-Octeville. Ce dernier tronçon de 60 milles se jouera au reaching en tribord, dans la brise. La météo prévoit en effet un vent d’ouest sud-ouest qui pourrait atteindre 30 nœuds dans les rafales… Les vainqueurs de cette 3e étape et de la 43e Solitaire du Figaro-Eric Bompard Cachemire sont attendus en Normandie mercredi dans la matinée.
Ils ont dit :
Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012), leader au classement de 15 heures, joint cet après-midi à la VHF :
» C’est très irrégulier, on a eu des claques à 25 nœuds, là c’est redescendu à 15. Morgan a fait une remontée impressionnante, il est à côté de moi. J’essaye de ne pas regarder derrière et de me concentrer sur la vitesse du bateau et sur ma fatigue. Faire ma course, et aller vers Fairway de la meilleure des manières. On fera les comptes au chrono à l’arrivée « .
Gildas Morvan (Cercle Vert), 4ème au classement de 15 heures :
» On a passé Wolf Rock en envoyant le spi, on partait tout droit sur le Cap Lizard. Des concurrents devant moi ont décidé d’empanner pour chercher plus de vent au large. Et puis en fait une heure après le vent a tourné à droite et on fait la route directe en bâbord, on a touché le vent en premier par la terre, donc on a accéléré et doublé quelques bateaux. Plutôt content de cette option, je suis allé tout droit, ça a payé ! Des conditions de rêve, on a un peu de soleil, 18 nœuds de vent d’Ouest– Nord Ouest, ça glisse tout seul, on est sous spi et ça allume ! Et là je suis avec Macif qui est devant de moi, on a repéré un peu le jeu avec lui et Sepalumic n’est pas loin avec Vendée derrière. On est en vue des côtes anglaises. Je n’ai pas regardé l’ETA, mais ça devrait aller assez vite parce que Météo Consult annonce du vent jusqu’à Fairway. On devrait tenir une moyenne de 8 nœuds jusqu’au bout. Tout est encore possible, mais il ne faut pas le faire à l’envers. Il y a encore des coups à jouer. Un peu fatigué, quelques petites siestes sur le pont mais pas vraiment reposé. Je pensais être peinard sous spi vent arrière tout au long des côtes anglaises mais en fait on est au largue avec du Nord Ouest assez fort, donc çà change un peu la donne donc il va falloir trouver des périodes pour dormir un peu sinon il faudra attendre « .
Julien Villion (Seixo Promotion), 7ème et 1er bizuth au classement de 15 heures :
» Ca s’est bien passé, je suis content d’être dans le match et avec les bons. Du coup c’est plus facile pour savoir quel rythme il faut mettre quand on a moins d’expérience, que d’être derrière et de jamais être dans le rythme de la tête de course. Je suis à côté de Yann, ça motive d’avoir des lièvres devant ! J’ai pas beaucoup dormi, mais je me suis refais une santé sur le bord de reaching pour venir à Wolf Rock même si ca bougeait beaucoup. Ce n’était pas facile de faire des longues siestes, mais par tranches de 5 minutes, j’ai récupéré. Je sens que ça commence à tirer. Je me force à ne pas trop penser au temps qui me sépare de Thomas (Normand, autre bizuth), à Wolf Rock il y avait un peu plus de 35 min. Je fais ma course et je veux bien finir l’étape. On ne sait pas trop ce qu’il peut se passer, tout dépend des conditions et je ne peux pas y faire grand chose, je dois être à fond et rattraper le temps perdu. J’avais moyennement marché sur mes deux premières étapes, être dans le coup pour cette dernière, c’est bien ! »