Tout reste à faire !
Les marins ont grillé les deux tiers de leurs cartouches sur cette 43e Solitaire du Figaro – Eric Bompard Cachemire dont la particularité est d’offrir cette année une pièce en trois actes. Vainqueur à Gijon, troisième à Saint Gilles Croix de Vie, Yann Eliès (Groupe Quéguiner – Le Journal des Entreprises) a pris l’ascendant au classement général avec 30 minutes et 17 secondes de bonus sur Morgan Lagravière (Vendée). Dix secondes plus loin, on trouve le troisième homme à la fête Nicolas Lunven (Generali). La deuxième étape a eu tendance à resserrer les rangs et les écarts sont dérisoires dans le premier carré. Très serrés également du 5e au 12e. Bref tout reste à faire dans un grand final à suspense à destination de Cherbourg-Octeville.
« Je crois que je suis en train de toucher du doigt l’osmose avec le bateau, les éléments, j’ai de la chance quand il faut, je fais les bons choix. Je me sens vraiment bien, j’espère que ça va durer jusqu’au bout » déclarait Yann Eliès cette nuit à son arrivée. A 38 ans et pour sa 13e participation, Yann est-il en train d’entrer dans cet état de grâce qui avait touché Jérémie Beyou et Armel Le Cléac’h sur les deux précédentes éditions ?
Cette 2e étape lui a permis de prendre 21 minutes de bonus supplémentaires. Le voici installé dans le fauteuil du leader avec une demi-heure d’avance. Mais sur La Solitaire, le temps ne suspend jamais son vol. « Une demi-heure c’est bien, mais ce n’est pas une assurance tout risque » tempère Yann. Que dire alors des 3 minutes et 32 secondes qui départagent ses trois plus proches poursuivants, dans l‘ordre Morgan Lagravière, Nicolas Lunven et Fabien Delahaye ? « Ce sont des écarts de bouée de dégagement » analyse Alexis Loison (Groupe Fiva) très en forme cette année.
Vers une bagarre énorme
La promiscuité entre ces trois jeunes garçons talentueux promet une bagarre énorme pour le podium sur la route de la Normandie. Même combat du 5e, Thierry Chabagny (Gedimat) au 12e, Damien Guillou (La Solidarité Mutualiste), séparés en tout et pour tout de 33 minutes. Entrer dans le top 10 de La Solitaire du Figaro – Eric Bompard Cachemire est déjà une performance, une marche importante dans la courbe de progression des skippers. Mais tous ne se contenteront pas de la médaille en chocolat. « Dans la dernière étape, il y aura certainement des comportements de navigation différents selon les objectifs des skippers. Il y aura les conservateurs et les têtes brûlées, poursuit Alexis Loison. Moi, je suis plutôt conservateur ». Xavier Macaire (Skipper Hérault) et Damien Guillou sont plutôt dans cet état d’esprit. Mais il ne faut pas en attendre autant de Thierry Chabagny, Erwan Tabarly (Nacarat), Fred Duthil (Sepalumic), Paul Meilhat (Skipper Macif 2011) ou du vainqueur de l’étape 2 Gildas Morvan (Cercle Vert) qui risquent de jouer leur va tout pour rendre une copie parfaite à Cherbourg-Octeville. « Je n’aurai peur de rien, confie leskipper de Cercle Vert. Les mecs qui jouent au classement général risquent de se contrôler, moi, j’en n’ai rien à faire. Il faut que je reste agressif ».
Avec 2h15 de retard sur le leader, Jeanne Grégoire (Banque Populaire), est en tête de la troisième division. Pas satisfaite de sa position, Jeanne a de bonnes raisons de garder espoir : « Je crois qu’on peut oublier le classement général. La troisième étape sera velue. Tout reste à faire ». Et c’est bien l’opinion partagée aujourd’hui sur les pontons de Saint Gilles Croix de Vie envahis par les badauds. Derrière Jeanne, toutefois, le temps s’égrène, jusqu’à 9 heures de débours pour Eric d’Hooghe (Voyons Large). Quant aux malheureux qui ont dû abandonner une étape, ils ne jouent plus du tout pour la gagne cette année. Toutefois, une victoire dans la dernière manche serait un bon lot de consolation pour Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls) et Anthony Marchand (Bretagne – Crédit Mutuel Performance). Ces deux navigateurs en sont largement capables.
Thomas Normand, premier des novices
Chez les débutants, Thomas Normand (Financière de l’Echiquier) bénéficie de l’avance acquise dans sa belle première étape et conserve la tête avec 29 minutes et 22 secondes d’avance sur Julien Villion (Seixo Promotion). A partir de Corentin Horeau (Bretagne-Crédit Mutuel Espoir), on passe la barrière de l’heure de retard. Tout porte à croire que la victoire au classement Bénéteau des Bizuths se jouera entre ces trois jeunes premiers.
Ils ont dit :
Yann Eliès (Groupe Queguiner- Journal des Entreprises), en tête du classement général provisoire après deux étapes : « Ne jamais croire que c’est gagné »
« 30 minutes, je ne suis pas loin d’avoir un écart très important, mais finalement, ce n’est pas assez au regard des passages à niveau du Raz de Sein, du Raz Blanchard qui vont arriver dans la 3e étape. Intellectuellement parlant il ne faut jamais lâcher l’histoire. Il ne faut jamais croire que c’est gagné sur une Solitaire. La confiance, la vitesse, la sérénité sont plus des trucs que j’ai là maintenant, mais avec les trois loustics que j’ai derrière, c’est forcément de la pression. Eux aussi l’ont. Ils doivent se dire « Eliès, on n’arrive pas à l’accrocher ». Le danger va venir du parcours. Théoriquement, tous les coureurs qui sont à moins de 6 h du premier peuvent gagner, mais je ne vois pas d’autres marins que ces trois là (NDLR : Nicolas Lunven, Morgan Lagravière et Fabien Delahaye) venir remporter cette édition. »
Morgan Lagravière (Vendée), 2e du général provisoire à 30 minutes et 17 secondes : « Faire parler la poudre »
« A regarder ce classement, il y a de belles choses à jouer. Si on m’avait dit qu’avant la 3e étape je me retrouverai dans cette position, j’aurai signé tout de suite ! C’est très positif. Ça laisse la porte ouverte pour une victoire, plus probablement pour un podium, mais peut être en deçà car les écarts sont serrés derrière. Il peut tout se passer dans un sens comme dans l’autre. Aujourd’hui, la seule chose à faire, c’est de me concentrer sur mes forces : la vitesse de mon bateau, l’énergie que je peux avoir, mon physique, la capacité à peu dormir… J’ai aussi des faiblesses, sur les choix météo, des choses qui s’acquièrent avec de l’expérience. Je n’ai qu’une mission : faire parler la poudre et ses points positifs. »
Nicolas Lunven (Generali), 3e du général provisoire à 30 minutes et 27 secondes : « Dispo et libéré »
« Mes 10 secondes d’écart avec le deuxième ne vont pas changer ma façon de naviguer, je n’espère pas en tout cas. La dernière étape va être compliquée avec un parcours semé d’embûches. J’ai regardé la météo ce matin : elle ne va pas être évidente. Ce dont je suis très content, c’est que j’ai réussi à faire toute l’étape 2 sans me prendre la tête sur des considérations de classement. Du coup j’étais dispo et libéré pour me concentrer sur ma navigation. Je souhaite faire la même chose sur la dernière. On comptera les minutes et les secondes une fois la ligne coupée. »
Thomas Normand (Financière de l’Echiquier), 1er du classement général provisoire Bénéteau des bizuths : « J’ai appris l’humilité »
« Si je pouvais avoir 1h ou 1h30 d’avance ça serait bien car les gars derrière, Julien, Corentin et les autres sont plus motivés que jamais. Corentin l’a bien montré sur cette deuxième étape. La prochaine étape est longue et pas mal de choses peuvent se passer, il ne faut pas se reposer sur ses lauriers. Après ces deux étapes, j’ai vraiment appris l’humilité. Je viens de faire une photo avec les trois premiers du classement général et je me suis rendu compte que c’était la première fois que je les voyais. Même si je suis premier au classement des bizuths il n’en reste pas moins que j’ai énormément de choses à apprendre pour espérer rivaliser avec les meilleurs. Ils nous donnent une grande leçon de navigation et c’est une bonne chose pour nous les jeunes. »