C’est dimanche, en fin d’après-midi, que Michel Desjoyeaux et ses cinq membres d’équipage ont amarré le MOD FONCIA au ponton de la célèbre marina de Newport, Mecque de la voile sur la côte est des Etats-Unis. Ils ont atterri après 2 900 milles parcourus au départ de Port-La-Forêt, au rythme d’un convoyage aller d’un peu plus de 7 jours de mer valant – en prélude du départ, le 7 juillet, de la Krys Ocean Race – entraînement grandeur nature. Rallier le nouveau continent au départ de Port La Forêt, emprunter la route exigeante de la « Transat Anglaise », roder et piloter une telle machine lancée sur le fil dans la nuit, le brouillard et les turbulences océaniques au passage des bancs de Terre-Neuve n’a rien d’une croisière tranquille.

Carnet de vol par le commandant du bord à l’issue d’une navigation riche d’enseignements pour le team FONCIA avant le début des compétitions et des festivités la semaine prochaine entre Newport et New York… Welcome in the USA !

Michel Desjoyeaux, depuis la marina de Newport Shipyard

Salut la compagnie,

Nous voici donc rendus à destination ! J’ai coutume de dire « un convoyage ne doit pas être un voyage de con », on pourrait dire que ça ne doit pas se finir en « plan à la con ». Si les premiers jours de la traversée étaient un peu rudes, comme une vraie entrée en matière, le reste fut plus « peinard », toutes proportions gardées (on vit à 6 dans un studio pas chauffé, sans les servitudes considérées comme minimum nécessaire, aujourd’hui un logement de la sorte serait certainement considéré comme insalubre ! Il y a des infiltrations d’eau au plafond, la chambre est ridiculement petite, les lits superposés n’ont pas les dimensions règlementaires, l’appart n’est pas raccordé au réseau d’eau courante, ni d’eaux usées, mais seulement en eau salée, froide de surcroit, et j’en passe et des meilleurs !).

Brouillard et veille radar
Cependant, on comprend bien ce qu’on veut ! Je m’explique : Port La Forêt – Newport, c’est 2 900 milles marins environ. Pourtant, l’approche des bancs de Terre-Neuve nous ferait presque croire que la traversée est presque finie, que la terre approche, et qu’une bonne douche chaude nous tend déjà la main. Que nenni, il reste encore 1000 milles, Emile, plus du tiers de la route. Rapidement, nous sommes aspirés par le quotidien du lieu, j’ai nommé le brouillard. Et oui, eau froide plus air chaud égale la purée de pois. On y voit à peine à 100 mètres, plus souvent à 30, l’étrave plus 10 mètres ! Autant dire que débouler ne serait-ce qu’à 20 nœuds, ce qui reste avec nos bolides une allure bien raisonnable, dans cette ambiance n’est pas de tout repos : veille radar permanente, prêts à rouler la voile d’avant ou à virer de bord si besoin d’urgence.

Terre-Neuve, Nouvelle Ecosse, Nantucket…
L’eau à moins de 8°C laisse cependant place à quelques remontées du Gulf Stream, et en quelques minutes, on retrouve le soleil, ou au moins une visibilité de quelques centaines de mètres. Cette alternance va durer jusqu’à Newport, puisqu’on a longé à distance les côtes de Terre-Neuve, puis de Nouvelle Ecosse. La dernière nuit ne nous a pas épargné, nous avons croisé, à moins de 100 mètres, un bateau de pêche, que nous suivions au radar et à l’AIS (système de transmission des données des bateaux par VHF) : on a juste vu un halo de lumière dans la brume !

La dernière ligne droite vers Newport fut un bon moment de vol : FONCIA sur une coque, sur mer plate, à 20 nœuds, par grand soleil ! Si on se souvient tous des récits des grands découvreurs maritimes à l’approche d’un nouveau continent, l’un de nous n’a pu s’empêcher de hurler « terre » quand les reliefs de l’île de Nantucket se sont détachés de l’horizon…

On avait dit « pas voyage de con » ? Contrat rempli, FONCIA est amaré à quai, et pas de bobos à réparer ! On a déjà commencé à remplacer les voiles de convoyage par les voiles de course, puisqu’on est venu ici pour ça : la Krys Ocean Race nous attend, départ de New York le 7 juillet, donc peu de temps libre. Nettoyage du bateau, vérification générale, petites bricoles de ça et là, lessives des fringues de mer, et c’est reparti pour un tour !

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