A moins de 200 milles de Gijón, les calmes se sont emparés du golfe de Gascogne où toute la flotte de la Solitaire du Figaro – Eric Bompard Cachemire est désormais engluée. Les 36 marins (encore en course sur cette étape) ont adopté une stratégie d’attente, à la merci du futur vent prévu en fin de journée. La guerre du golfe est déclarée mais c’est une guerre des nerfs pour gagner des mètres et faire porter les voiles tout en priant d’être le premier à redémarrer dans les souffles d’Eole.

Tous les efforts consentis pendant le long parcours côtier autour de la Bretagne Nord ont été réduits à néant cet après-midi dans la bulle anticyclonique. Sur le « lac de Gascogne », les marins tentent tant bien que mal d’avancer vers un but qui n’a jamais paru si loin : l’Espagne. Dans ces conditions très aléatoires, il est pratiquement impossible de lâcher la barre ou d’abandonner les réglages sous peine de se faire larguer. Seule petite consolation : l’absence de pluie et des températures en hausse qui permettent enfin de faire sécher les cirés et l’intérieur des bateaux.

Nouveau départ

Le triumvirat composé de Yann Eliès (Groupe Queguiner – Le Journal des Entreprises), Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012) et Morgan Lagravière (Vendée) s’est délité et son avance sur le groupe des poursuivants ne se compte plus qu’en centaines de mètres. Alexis Loison (Groupe Fiva), Erwan Tabarly (Nacarat), Paul Meilhat (Skipper Macif 2011), Damien Guillou (La Solidarité Mutualiste) ou encore Adrien Hardy (Agir Recouvrement), bien que répartis différemment sur le plan d’eau, se sont dangereusement rapprochés au classement. La flotte est désormais éparpillée sur un axe ouest-est d’une douzaine de milles et tout est à nouveau possible. Ce nouveau départ à moins de 200 milles de Gijón est une seconde chance pour les retardataires : tous ceux qui s’étaient pris les pieds dans le tapis en Manche et qui accusaient 6 ou 7 milles de débours sur les leaders n’en n’ont plus désormais que 3 ou 4. C’est l’occasion de revenir dans le match et de tenter une option.

Offensive portugaise

C’est le cas du navigateur portugais Francisco Lobato, qui, juste après le passage du phare des Birvideaux cette nuit, a décidé de se décaler franchement dans l’Est du peloton. « Mon objectif était d’essayer de prendre le nouveau vent le plus vite possible pour traverser rapidement cette bulle » confiait le skipper de ROFF en début d’après-midi. De l’autre côté de cette ligne de départ virtuelle, on trouve Yann Eliès ou encore Alexis Loison. Tout le monde compte sur sa chance dans cette grande loterie du vent, car nul ne sait à l’heure actuelle qui sera le mieux placé pour redémarrer avec le flux d’Est.

Changement de décor demain mercredi

Après le franchissement de la dorsale, le vent va se réinstaller progressivement sur la route des côtes cantabriques. De secteur Est, il pourrait souffler jusqu’à 25 nœuds tandis que le temps deviendra orageux près de l’Espagne. Le finish sous les falaises de Gijón pourrait donc être tonique. Les ETA du moment donnent une arrivée des premiers au plus tôt mercredi soir ou dans la nuit de mercredi à jeudi…

Ils ont dit :

Paul Meilhat (Skipper Macif 2011) :

 » On était sous spi depuis le raz de Sein. On a passé le raz de Sein à contre courant, c’était assez sport et la nuit est tombée entre Penmarch et Les Glénan. On était sous spi jusqu’au Birvideaux, ça m’a permis de pas mal dormir sur ce grand bord un peu plus stable. On savait exactement qu’on allait rencontrer ce genre de conditions, ce passage d’anticyclone était prévu avant le départ. On sait que ça va se jouer à pas grand chose. C’est un peu un nouveau départ. On sait que la fin d’étape ne va pas être simple. Il faut rester concentré et même si on est devant il n’y a rien de gagné. Il peut encore se passer plein de choses. Les conditions sont aléatoires, à certains moments des paquets passent à des passages à niveau, à d’autres moments c’est moi qui passe. Les trois premiers ont eu un peu de réussite en Bretagne nord et on réussi à s’échapper, mais là on vient de revenir. Ca fait le yoyo. C’est assez compliqué, le vent bouge beaucoup. Il faut être soit à régler, soit à observer ce que font les autres. Ce sont vraiment des conditions où on ne peut pas trop dormir. Il faudra être bien vigilant, on ne sait pas trop quand on va sortir de cette bulle. Il va falloir s’économiser « .

Isabelle Joschke (Galettes Saint-Michel) :

« Le passage de la pointe Bretagne lundi n’était pas un moment très agréable parce qu’il y a eu une pluie diluvienne qui nous a arrosé pendant des heures sans relâche. C’était difficile parce que j’avais déjà mouillé ma première tenue et que j’étais entrain de mouiller la deuxième. Il fallait être sur le pont et dès que je levais la tête j’avais un seau d’eau qui me tombait dans le coup. Le long bord entre Sein et les Birvideaux a été vraiment très agréable, dans un vent relativement stable. La nuit s’est plutôt bien déroulée aussi, ce qui m’a permis de me reposer. Je savais que la journée d’aujourd’hui serait difficile donc c’était bien de dormir un peu. Actuellement c’est très compliqué, il y a très peu de vent. J’essaie de faire avancer mon bateau, de placer le virement de bord dans l’anticyclone au bon moment parce que c’est vraiment important. Il a arrêté de pleuvoir, l’atmosphère commence à se réchauffer et ça c’est agréable. Ce n’est pas désagréable de pouvoir faire tout sécher et d’avoir un peu chaud parce que j’ai eu un peu froid depuis le début. Le bilan est mitigé, je ne suis pas forcément satisfaite de mon début de course. Il ya eu du bon et du moins bon. On laisse un peu de place maintenant à l’aléatoire. Il faut faire attention à ne pas se faire décrocher par les bateaux qui sortiront en premier de cette zone de pétole. Aujourd’hui c’est un peu un nouveau départ. Il faut beaucoup d’énergie et ne pas rater le coche ».

David Sineau (Britanie Cosmétiques) :

« Ca oscille entre euphorie et désespoir selon qu’on a un petit souffle pour avancer ou qu’on n’en a plus. Là, c’est entre les deux. Je sors d’une période un peu ventée et là, ça re-molli. Je me suis un peu décalé cette nuit dans l’est. Je pense que ça peut être intéressant pour la suite. Mais je peux être le premier à repartir ou rester coincé. Depuis le début, personne n’arrive à se barrer. Il y a toujours des passages compliqués qui regroupent la flotte. Rien n’est fait. En ce moment les voiles claquent. Ca oscille entre 1,5 nd de vent et 4 nds dans le meilleur des cas. Tout à l’heure j’ai fait un tour sur moi même avec le courant et un peu de houle.

Charlie Dalin (Keopsys) :

 » Après avoir empanné, j’en ai profité pour pas mal me reposer, la mer était plate et le vent stable, et du coup j’ai enchainé quelques siestes, je ne suis pas trop trop fatigué, et on va essayer ensuite de passer la bulle. C’est important d’être reposé. Le problème c’est que depuis le départ, la météo n’est pas très précise, et il faut surtout essayer de comprendre ce qu’il se passe vraiment et comment se positionner. Après il y a toujours un petit jeu de loterie pour savoir à quel endroit ca va passer. J’ai retrouvé la tête de la course grâce à ça. Je l’avais quitté le soir du départ, après avoir été troisième. Je me suis pris un casier, j’ai dû plonger deux fois pour libérer le bateau. J’ai perdu pas mal de places à ce moment là. Ca fait plaisir de revenir devant ; mais tant qu’on n’est pas sorti de la bulle on ne saura pas qui sera bien. Depuis le début c’est gris, et là ça commence à changer, plus on s’approche du centre de la dorsale, du côté des vents d’est, plus on va avoir du soleil. On sent que ça commence à taper fort au travers des nuages, on commence à avoir du ciel bleu ! Le vent d’est sera annonciateur de la sortie de la galère. L’objectif, c’est un bord rapprochant vers le sud ».

Gildas Morvan (Cercle Vert) :

 » La descente de la pointe Finistère a été plutôt pas mal car on avait du sud-ouest assez établi à 15 nœuds et de la pluie non-stop, ça c’est le côté désagréable mais on ne peut pas tout avoir ! On a passé les Birvideaux sous spi, et maintenant on se dirige vers Gijón via le golfe de Gascogne. On attaque l’anticyclone avec un vent aléatoire, on fait ce qu’on peut. Il n’y a plus de pluie et même un brin de soleil. On fait un peu un nouveau départ, on est tous assez serrés, tous très proches. J’ai vu Macif pas loin, la flotte s’est regroupée. Il va falloir traverser l’anticyclone. Le prochain départ sera derrière quand on aura le vent d’est. Aujourd’hui, il faut être à la barre et aux écoutes. J’ai mangé un couscous, tout va bien, on a à boire et à manger.

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